« Rien que [son renvoi] est une honte, car il est, aux yeux de beaucoup, le meilleur professeur de l’université », lance en anglais Naomi Crisp, une ancienne étudiante de l’Université Bishop’s.
Le bal a commencé le mardi 16 novembre lorsque Melanie Bennett-Stonebanks, qui est la femme de M. Stonebanks et elle-même enseignante pour l’institution, a dénoncé le renvoi de son mari par l’Université, dressant directement un lien avec les luttes de celui-ci contre le racisme systémique.
Peu après, une pétition adressée à l’Université Bishop’s a vu le jour sur change.org afin de soutenir le professeur Stonebanks, qui est musulman et d’origine iranienne. Au moment d’écrire ces lignes, la pétition avait recueilli plus de 530 signatures.
Celle-ci dénonce le licenciement « honteux » d’un des professeurs « les plus éminents et les plus appréciés du monde universitaire » qui serait, selon les auteurs de la pétition, lié au racisme institutionnel systémique. Des manifestations sont d’ailleurs organisées toute la semaine sur le campus par des étudiants de la Faculté d’éducation pour « dénoncer le racisme systémique dans notre université ».
Contactée par La Tribune, Mme Stonebanks affirme que le couple maintient sa position et qu’il est actuellement représenté par un avocat. Il préfère donc limiter ses communications.
Cependant, dans une lettre ouverte qu’il a publiée sur les réseaux sociaux lundi, M. Stonebanks remercie la communauté pour cette vague de soutien, et pointe directement du doigt l’établissement d’enseignement. « L’Université Bishop’s a fait l’objet de protestations étudiantes durant les dernières années sur plusieurs sujets dont le traitement irrespectueux et condescendant envers les étudiants autochtones, une attitude dédaigneuse dominante envers les victimes de violences sexuelles, et maintenant, un des peu nombreux membres BIPOC [acronyme anglais pour personnes noires, de couleur et autochtones] de son personnel est commodément renvoyé après avoir dénoncé pendant des années le racisme systémique [traduction libre] ».
[ Des étudiants de Bishop’s militent pour un campus et une communauté « en sécurité » ]
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Solidarité
L’ancienne étudiante de M. Stonebanks et signataire de la pétition, Naomi Crisp, dénonce également, dans une entrevue en anglais, le licenciement « injustifié » de Christopher Stonebanks. Selon elle, cette action s’inscrirait dans la façon dont l’institution ignorerait les grandes préoccupations.
« Le racisme systémique est un fait connu, c’est quelque chose qui est ancré dans nos vies quotidiennes, et c’est quelque chose qui doit être mis en lumière si nous voulons que les choses changent ! » lance-t-elle en précisant que c’est ce qu’a toujours fait le professeur Stonebanks, c’est-à-dire donner une voix aux enjeux délicats dans la société.
Le professeur est plus précisément spécialiste de la pratique critique, des études autochtones, de la décolonisation, des méthodologies qualitatives, de l’éthique, des études culturelles et de l’islamophobie, selon le site web de l’Université.
« Le professeur Stonebanks se bat depuis des années contre le racisme systémique au sein de l’université et cela a mis certaines personnes responsables mal à l’aise », croit Naomi Crisp.
Le professeur a aussi reçu le soutien du rappeur autochtone Quentin Condo, qui a écrit en anglais sur Facebook que le professeur Stonebanks « n’est pas seulement un de [s]es amis, mais aussi un allié et un partisan convaincu des peuples et des questions autochtones ». Le rappeur ajoute qu’il sera « présent pour montrer le même soutien qu’il a toujours montré pour moi ».
Professeur titulaire à l’École d’éducation de l’Université Bishop’s jusqu’à tout récemment, Christopher Stonebanks a remporté à deux reprises le SRC Divisional Teaching Award, le William & Nancy Turner Teaching Award et a été nommé membre honoraire de la Golden Key International Honour Society depuis son arrivée au sein de l’institution en 2005.
Blessures qui durent
Il y a quatre ans, son épouse, Mélanie Bennett-Stonebanks avait aussi perdu subitement son titre de directrice du Practice teaching office à l’Université Bishop’s. Les étudiants s’étaient également mobilisés à l’époque et avaient fait circuler une pétition pour qu’elle regagne son poste, sans succès. Elle y est aujourd’hui chargée de cours.
Celle-ci confie que les événements entourant le renvoi de son mari sont particulièrement difficiles pour sa famille, et ravivent le sentiment de persécution que celle-ci vit dans toutes les sphères de son quotidien depuis près de deux décennies. « Toutes ces années, tout ce que nous avons demandé, c’est de la dignité une fois pour toutes, de la paix et du changement », dit-elle.
Dans son texte publié dans University Affairs, Christopher Stonebanks raconte même que la haine à l’endroit de sa famille est déjà allée jusqu’à une tentative d’invasion à domicile, suivie d’un appel disant « Why aren’t you Pakis dead yet?! ».
« Le “Paki-bashing” est une partie révoltante de l’expérience canadienne qui a été grandement ignorée. Plusieurs d’entre nous ont grandi en sachant que ni les espaces publics ni les espaces privés n’étaient sécuritaires. [...] je croyais profondément que les universités seraient des bastions de liberté contre la déshumanisation quotidienne. J’avais tort. [traduction libre] », a-t-il écrit.