Souffrir en silence... ou pas!

Depuis le début de la pandémie, trois hommes sur quatre qui vivent de la détresse psychologique élevée ne consulteraient pas en intervention psychosociale.

Depuis le début de la pandémie, trois hommes sur quatre qui vivent de la détresse psychologique élevée ne consultent pas en intervention psychosociale. C’est comme si 75 % de ce groupe souffrait de faim à côté d’une banque alimentaire ouverte et disponible. La socialisation masculine peut expliquer ce frein à la demande d’aide et c’est pourquoi il est important de souligner la Journée nationale de la santé et bien-être des hommes le 19 novembre et d’engager la conversation au-delà de cet événement.


« Les hommes ont deux émotions : normal puis en colère », affirme une caricature qui témoigne de ce qui est socialement permis à bien des hommes. Qu’est-ce que ça coûte d’agir de façon non masculine? Les parents ressentent plus d’inconfort quand un garçon adopte des comportements non conformes au genre, comparé aux filles. 

Et cet inconfort tend à être plus grand chez les pères que chez les mères. Pour éviter la honte, les garçons apprennent qu’ils doivent rester dans ce corridor restreint et se privent d’une partie d’eux-mêmes. Ceux qui adhèrent plus fortement au stéréotype masculin sont plus à risque de dépression et d’idéations suicidaires. La socialisation masculine coince donc les hommes entre le risque d’adhérer trop fortement au stéréotype masculin et le risque de s’en éloigner : sois homme, mais pas trop; exprime tes émotions, mais pas trop et arrange-toi seul. 

MomentHom (Centre d’entraide pour hommes) observe que cette tendance est encore forte chez les jeunes hommes. Mais heureusement, des hommes contestent ce modèle restrictif, ce qui se traduit par une hausse des demandes annuelles à l’organisme, passant de 395 à 615 en trois ans. Environ 40 % le font à la suite de difficultés conjugales. Dans ce contexte, on vit de la peine, de l’abandon, de la déception et c’est normal. Il ne faut pas alors reprendre le contrôle sur l’autre, mais sur soi. Demander de l’aide permet d’être épaulé sans jugement, on passe de la honte à la fierté de s’outiller et de se responsabiliser sur le plan émotionnel et relationnel. Cette approche est centrale aux services psychosociaux et aux dizaines d’organismes communautaires pour hommes au Québec. 

Dans une recherche, on avait demandé à un homme si ça avait été difficile de consulter après sa séparation. Il a répondu « pourquoi, à cause de ce que les autres vont dire? Je m’en fous, j’ai besoin de comprendre pour aller mieux, alors j’ai appelé pour consulter ». Il y a beaucoup d’espoir dans ce témoignage qui montre qu’on peut s’éloigner du stéréotype masculin, demander de l’aide et s’en tirer mieux ainsi. C’est une démarche dans laquelle ils peuvent avoir plus que deux émotions et qu’elles ont toutes le droit d’être exprimées, entendues et accueillies.