Chronique|

Sur les traces des dinosaures albertains

Le Musée royal Tyrrell, à Drumheller en Alberta, a ouvert ses portes en 1985 et reçoit plus de 400 000 visiteurs annuellement.

CHRONIQUE / Je suis de la génération qui a grandi avec les films de la série Parc Jurassique. Petit, j’avais visité une exposition de dinosaures robots au Zoo de Granby. C’était LA plus grosse attraction estivale en région. On m’aurait dit qu’il était hors de question d’y aller que j’aurais pu faire le bacon pendant plusieurs jours sans me fatiguer. J’y tenais!


J’ai grandi. Je m’extasie moins qu’avant devant des reptiles géants d’un autre temps. Mais il était tout aussi hors de question de me rendre en Alberta sans visiter au moins un peu un territoire reconnu pour avoir été foulé par des dinosaures. La région des Badlands, entre autres Drumheller, est reconnue comme un des sites d’importance dans le monde de la paléontologie. Ce n’est pas par hasard que le Musée royal Tyrrell de paléontologie y a été construit. Aucune forme de hasard, non plus, que l’établissement ait été ajouté à mon itinéraire de voyage.

Le Musée royal Tyrrell est le seul musée canadien consacré exclusivement à l’étude de la vie des dinosaures et il renferme l’une des plus importantes collections de fossiles et d’ossements de dinosaures de toute la planète. Déjà, c’est signe qu’il faut s’y arrêter. On y trouve 800 fossiles exposés en permanence. Il doit son nom à l’explorateur Joseph Tyrrell, qui a découvert en 1884 les restes d’un dinosaure dans la région où le musée a ouvert ses portes une centaine d’années plus tard.

L’établissement moderne tranche avec la facture vieillotte de la ville de Drumheller. L’achalandage y est important, même pendant la pandémie, si bien qu’il peut être intéressant d’acheter ses billets en ligne quelques jours avant la visite.

À voir toutes les familles converger vers l’entrée, j’ai constaté qu’il y avait très peu d’adultes sans enfant qui s’aventuraient au musée. Comme si les dinosaures et l’histoire de l’évolution ne pouvaient intéresser que les plus petits. Il y a pourtant de quoi faire sourciller même les plus vieux, surtout que le musée devait à l’origine servir principalement pour les besoins de la science. Il compte une collection de plusieurs dizaines de milliers de spécimens, qui ne sont évidemment pas tous soumis au regard des visiteurs. La majorité des ossements exposés ont été retrouvés en Alberta et ont entre 55 et 80 millions d’années...

Le Musée royal Tyrrell offre des reconstitutions réalistes en plus de dizaines de fossiles.

Si ça ne suffit pas à vous tailler un ou deux plis dans le front, vous êtes un public difficile.

Les reconstitutions d’environnements préhistoriques me sont apparues plus réalistes que les dinosaures du Zoo de Granby, circa 1990. Mais outre les grosses bêtes menaçantes aux dents acérées, il y a aussi l’histoire de ceux qui travaillent minutieusement à faire parler le roc comme si c’était un livre d’histoire.

Une vidéo pas tout à fait à jour nous présente des paléontologues et des techniciens, en plus des projets sur lesquels ils planchent. Munis de tout petits marteaux, de minuscules foreuses et d’autres outils ultraspécialisés, ces techniciens font éclater la pierre quelques millimètres à la fois pour dégager les ossements qui y sont restés emprisonnés.

Cinq ans! C’est le temps qu’il y a fallu à Mark Mitchell, jour après jour, pour nettoyer un seul fossile. Cinq années de minutie, parfois à regarder à travers une loupe, pour ne pas abîmer un vieux témoin d’une époque largement révolue. Entre 2011 et 2016, l’homme a passé 7000 heures pour exposer le borealopelta, un membre de la famille des nodosaures. Le spécimen albertain serait le plus vieux dinosaure trouvé dans la province et aussi le spécimen d’un dinosaure à armure le mieux préservé de la planète.

Là, je suis resté longtemps le nez contre la vitrine du laboratoire de préparation à admirer le travail en direct, dans la pièce d’à côté, de ces patients techniciens. Assurément, je ne pourrais pas rester concentré comme eux pour une aussi longue période.

J’ai eu beaucoup d’intérêt aussi pour les récits racontant comment, au hasard d’un forage ou d’une excavation, des travailleurs de la construction avaient frappé ce qui semblait être de très vieux ossements. Les grandes découvertes sont souvent le fruit du hasard. D’ailleurs, l’Alberta a implanté des lois très strictes pour la protection des fossiles. Il est par exemple illégal de déterrer soi-même un de ces spécimens une fois qu’on l’a repérer.

Par-dessus le marché, le Musée royal Tyrrell est détenteur de cinq records Guinness pour sa collection, une nouvelle annoncée au début du mois de novembre. Son albertonectes de 72 M d’années est le fossile avec le plus long cou alors que son fossile d’ornithomimidae est le plus complet en son genre. Dans le même sens, le fossile de gorgosaurus, une espèce de la famille des tyrannosaures, est le plus complet au monde.

Ce sont ces records-là, cette capacité de reconstituer des squelettes presque en entier et de déterminer le mode de vie de ces créatures préhistoriques, qui m’ont le plus impressionné.

En traversant les salles représentant différentes époques préhistoriques, j’ai aussi été surpris de constater que certains dinosaures n’avaient jamais coexisté.

Ce fossile de borealopelta serait le plus vieux découvert en Alberta.

Il y en aurait pour des heures et des heures, au Musée Tyrrell, pour quiconque est suffisamment passionné par la paléontologie. L’enfant en moi s’étant un peu endormi, j’ai eu suffisamment de quoi me contenter en une demi-journée.

Si le Musée royal Tyrrell en est un d’exception, vaut mieux prévoir quelques autres activités dans les Badlands pour justifier une escapade à partir de Calgary. La route est un peu longue et on finit par avoir envie d’autre chose que des omniprésents dinosaures.