La version préliminaire du permis proposé par l’ANR le 20 septembre dernier prévoit que la totalité du lixiviat provenant du site de Coventry soit traitée à l’usine de Montpelier au Vermont, située dans le bassin versant du lac Champlain, révoquant ainsi le permis de l’usine de Newport. De plus, le document inclut plusieurs nouvelles obligations concernant le suivi des polluants et requiert aussi la mise en place d’un projet pilote de prétraitement du lixiviat afin d’éliminer les PFAS et autres contaminants.
Afin d’analyser la version préliminaire du permis, la Table a pu bénéficier de l’avis d’experts provenant des paliers municipal, provincial et fédéral afin d’appuyer ses recommandations sur des avis scientifiques.
Le mémoire déposé par la Table présente donc six recommandations : le traitement du lixiviat dans le bassin versant du lac Champlain à Montpelier et l’interdiction de traitement et d’élimination du lixiviat dans le bassin versant du lac Memphrémagog afin de protéger cette source d’eau potable, l’assurance que l’usine de Newport ne sera pas considérée comme une alternative si la quantité maximale de 60 000 gallons de lixiviat était dépassée, l’exigence d’un suivi environnemental, l’analyse de nouvelles technologies pour le projet pilote de traitement du lixiviat et le recueillement d’informations techniques sur le potentiel, les avantages et les limites des technologies de traitement choisies.
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La confiance règne
M. Bélanger demeure confiant de l’accueil et de la prise en considération des demandes de la Table par l’ANR.
« L’ANR s’est toujours montrée à notre écoute et nous sommes confiants que ce sera le cas encore cette fois-ci », mentionne-t-il.
Il ajoute que la mobilisation citoyenne des deux côtés de la frontière aide grandement le processus.
« Il y a un malaise qui se crée aux États-Unis quand ils voient qu’ils contaminent ou qu’ils peuvent potentiellement contaminer une source d’eau potable d’un pays voisin, de leur partenaire économique en plus, qui vient s’ajouter au malaise du côté canadien », exprime-t-il.
M. Bélanger ne tient toutefois rien pour acquis.
« On se garde éveillés et attentifs et puis on va continuer à se battre de façon politiquement correcte et de façon constructive », lance-t-il.
L’ARN a rendu publique cette requête alors que s’amorce chez nos voisins américains un processus de consultation publique sur l’octroi au groupe Casella d’un nouveau permis pour le traitement du lixiviat provenant de son site d’enfouissement de Coventry.
La version préliminaire de ce permis proposée par l’ARN inclut plusieurs nouvelles conditions, dont l’analyse et le suivi de polluants comme les PFAS, les composés organiques volatils, les pesticides et les BPC.
Il requiert aussi la mise en place d’un projet pilote de prétraitement du lixiviat afin d’éliminer les PFAS et autres polluants, projet qui serait implanté à grande échelle, une fois son efficacité démontrée.
« Dans sa proposition, l’ARN révoquerait définitivement le permis de traitement de Newport, alors c’est plus qu’un moratoire. Leur recommandation, c’est qu’il n’y ait plus rien qui soit déversé, même post-traitement, dans le bassin versant du lac Memphrémagog », se réjouit le leader et porte-parole de la Table de concertation des élus du lac Memphrémagog, Gilles Bélanger.
Celui qui est aussi député d’Orford a fait connaître les orientations de l’ARN, mercredi, après qu’un comité d’experts mis sur pied par la Table de concertation eut entrepris l’analyse des quelque 1700 pages de documents qui soutiennent la demande de permis de Casella et la réponse de l’organisation gouvernementale.
« C’est bien ce que l’ARN propose, c’est ce qu’on voulait, ajoute M. Bélanger. Ils nous ont écoutés, ils ont écouté leurs citoyens et ils sont arrivés avec une recommandation qui va vraiment à près de 100 % dans ce qu’on désire. »
Protestation
La Table de concertation qui réunit les élus des trois paliers de gouvernement autour de la portion québécoise du lac Memphrémagog prévoit maintenant participer à la consultation publique à la fin d’octobre pour défendre cette position, d’où la mise en place d’un comité d’experts pour l’épauler dans son intervention.
« Parce que c’est sûr que Casella va protester, concède M. Bélanger. Probable aussi qu’à Montpelier et autour, il y en a qui protesteront. »
Mais le député d’Orford a bon espoir que le dossier arrive à un tournant et que les orientations prises par l’ARN (l’équivalent au Vermont du ministère de l’Environnement au Québec) créent même un précédent en matière de gestion du lixiviat en Amérique du Nord.
« L’objectif, c’est qu’il n’y en ait plus jamais de rejets dans le lac Memphrémagog, que ce soit permanent, et l’objectif ultime inclut tous les bassins versants qui se dirigent vers l’autre pays », partage-t-il.
Prudence
Impliqué très activement dans le dossier depuis plus de quatre ans et à l’origine du moratoire avec son pendant américain l’organisme DUMP (Don’t Undermine Memphremagog Purity), le président du MCI (Memphrémagog Conservation inc.), Robert Benoit, se montre plus prudent dans ses commentaires.
« Il y a des avancées qui ont été faites, il n’y a aucun doute, dit-il. Ils ont bien senti qu’ils avaient de la pression du Québec. »
« Mais on ne peut pas utiliser le mot ‘‘définitivement’’ dans ce dossier », reproche-t-il au député Bélanger, puisque l’ARN ne va pas jusque là, selon lui.
Après avoir consulté lui aussi les milliers de pages de documents rendus publics par l’ARN, M. Benoit soulève aussi qu’il n’y a rien de neuf dans le fait qu’on veuille traiter le lixiviat à Montpelier compte tenu du moratoire de cinq ans en vigueur à Newport, qu’il n’y a pas de plan B si Montpelier refuse de traiter ce lixiviat à son usine municipale et qu’il est « impossible » de mettre sur pied un projet pilote de prétraitement du lixiviat d’ici un an puisqu’il n’existe actuellement aucune solution « efficace et probante » pour traiter les PFAS à coûts non prohibitifs.
La seule bonne nouvelle pour lui, s’il en est une, c’est que l’ARN reconnaît pour la première fois ou presque qu’ils ont un problème et qu’ils devront trouver une solution acceptable des deux côtés de la frontière.
« L’acceptabilité sociale [au Vermont] est beaucoup moins grande que quand je suis entré dans ce dossier-là il y a quatre ans, constate M. Benoit. Nous, c’est le jus de poubelle, mais quand on parle aux Vermontois, ce sont les camions et les odeurs qui sont une grande préoccupation pour eux. »
Tout comme la Table de concertation, le MCI entend participer à la consultation publique à la fin octobre. Son président en est à vérifier comment il pourra se déplacer au Vermont pour y assister en respect des contraintes sanitaires encore en vigueur.