Les 22 autres projets retenus viennent notamment des universités d’Oxford (Royaume-Uni), de Stanford (États-Unis) ou encore de l’Indian Institute of Technology de Bombay (Inde). Tous ces finalistes sont maintenant qualifiés pour un grand prix de 50 millions $ qui sera remis par la Musk Foundation en 2025.
Pour parvenir à leurs fins, les étudiants, supervisés par le professeur Martin Brouillette, utilisent une matière absorbante pour capter le CO2 dans l’air. Il est ensuite dilué dans l’eau, avec des résidus miniers, pour provoquer une réaction chimique. On obtient ainsi du carbonate de magnésium, une roche inerte qui n’est pas nocive pour la santé, et qui pourrait être utilisée pour refermer les trous des anciennes mines, par exemple.
«Il y a des haldes d’amiante gigantesques en Estrie, soit 2 milliards de tonnes de résidus. Ceux-ci permettraient de séquestrer 700 millions de tonnes de CO2 avec notre procédé. On viendrait ainsi diminuer les risques d’exposition à l’amiante pour les populations autour et on réhabiliterait le paysage comme ce qu’il était il y a 150 ans », résume Alexandre Camiré, étudiant à la maîtrise en génie mécanique et leader de l’équipe.
:quality(95)/cloudfront-us-east-1.images.arcpublishing.com/lescoopsdelinformation/RONW5VPV5JACHFIUYEE3PTOYZI.jpg)
M. Camiré étudiait l’aéronautique au moment de faire un stage auprès du professeur Brouillette. « Je ne me dirigeais pas du tout dans la branche environnementale. Avec mon stage, j’ai réalisé l’ampleur des enjeux climatiques. Beaucoup d’industries lourdes ont des initiatives pour réduire le CO2 à la source. Mais en aéronautique, nous n’aurons pas d’avions électriques avant 50 ou même 100 ans. De là l’importance de capter le CO2 dans l’air ambiant. Pour limiter la hausse de la température mondiale à 1,5 degré d’ici 2060, il faudra capter 10 GT de carbone par année en plus de la réduction à la source. Il est primordial de le faire parce que certaines industries seront incapables de réduire à la source. »
Martin Brouillette ne se destinait pas non plus à des recherches sur les changements climatiques. « Ça fait 31 ans que je suis à l’Université de Sherbrooke, mais je ne suis actif dans le domaine des changements climatiques que depuis trois ans. Ce sont mes enfants qui m’ont mis au défi de faire quelque chose pour l’environnement. Ce prix est une reconnaissance que nous sommes sur la bonne voie. On n’a pas à être gênés du travail qu’on fait à l’UdeS. »
:quality(95)/cloudfront-us-east-1.images.arcpublishing.com/lescoopsdelinformation/N76LLTX3WVC77PTH4JUI3W4WDY.jpg)
Si la transformation de CO2 en pierres existe déjà dans d’autres pays, comme en Islande, Skyrenu se distingue pour le coût de ses matériaux absorbants et pour son faible impact environnemental, selon M. Brouillette.
Skyrenu est toujours en développement. L’objectif est d’arriver à capter 1 kg de CO2 par jour d’ici six mois pour atteindre rapidement une tonne par année. La deuxième phase tentera de mener la séquestration du carbone à 1000 tonnes de CO2 par année d’ici 2025. Des essais sur le terrain sont prévus pour 2024.
« Retirer 1000 tonnes de CO2 par année, ce n’est pas beaucoup. C’est l’équivalent de la production annuelle d’une centaine de Québécois. Mais il n’y a que 400 parties de CO2 par million dans l’air, donc il faut faire passer beaucoup d’air dans la machine. Il faudra une usine d’une bonne taille. Mais si on est capables de séquestrer 1000 tonnes, c’est que la technologie nous permettra par la suite d’atteindre les millions de tonnes. » De là l’intérêt de réhabiliter de vieux bâtiments miniers déjà desservis notamment en hydroélectricité.
Le même procédé pourrait aussi être utilisé avec des résidus de magnésium, de cuivre ou de fer.
La bourse décrochée à la COP26 permettra d’accélérer le développement du projet. Il s’agira aussi d’un levier pour obtenir du financement. Martin Brouillette estime qu’il faudra environ 10 M$ pour mener le projet à terme.
M. Brouillette continue de rêver aux chances de décrocher le grand prix de 50 millions en 2025, même s’il ne compte pas sur ce montant pour poursuivre le développement de la technologie.
En attendant, des discussions sont amorcées avec des villes comme Thetford Mines et Val-des-Sources, mais aucun partenariat formel n’aurait encore été officialisé.