La famille Rodriguez-Flores se réfugie dans une église

Le pasteur Samuel Vauvert Dansokho et Shanna Bernier de l’Église unie Plymouth-Trinity ont expliqué que la famille Rodriguez-Flores s’est réfugiée dans leur église après le refus des autorités de reporter leur déportation au Mexique. Deux amies proches de la famille, Adriana Herrera Duarte et Anne Saint-Pierre, ont pu témoigner que Georgina Flores, Manuel Rodriguez et leur fils Manolo sont sous le choc.

Attendue à l’aéroport Montréal-Trudeau lundi soir pour l’exécution d’une mesure de renvoi du pays, la famille Rodriguez-Flores s’est plutôt réfugiée dans une église de Sherbrooke.


L’Église unie Plymouth-Trinity a répondu à la demande d’accueillir la famille à l’intérieur des murs de son église de la rue Dufferin, comme un sanctuaire en attendant que d’autres démarches légales soient entreprises par leur avocat pour régulariser leur statut au pays ou que le pouvoir politique intervienne.  

«Nous, la communauté de foi de Plymouth-Trinity, ne souhaitons pas enfreindre les lois de l’immigration de notre pays, mais plutôt participer à la pratique ancienne et canonique de répondre à la requête de sanctuaire de la part de personnes menacées ou persécutées», a déclaré Shanna Bernier au cours d’un point de presse tenu sur le parvis de l’église après l’arrivée des Rodriguez-Flores.

«Nous souhaitons donner à la famille Rodriguez-Flores le temps nécessaire pour rester dans ce pays de manière légale et appropriée, tout en la protégeant de la menace sur leurs vies très réelle s’ils devaient retourner dans leurs pays natal, le Mexique», ajoute-t-elle.

Une famille sous le choc

Georgina Flores, Manuel Rodriguez et leur fils Manolo, des personnes bien intégrées dans la communauté sherbrookoise depuis 2018 et appréciées de leurs employeurs, ont reçu un avis d’expulsion vers le Mexique au début d’octobre. 

Après avoir entrepris plusieurs démarches et cogné à toutes les portes depuis un mois, ils ont appris lundi matin que leur demande de reporter leur renvoi a été rejetée par l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC).

Paniqués à l’idée de ce qui les attend au Mexique, ils ont décidé de faire appel à l’Église unie dans une pratique rarement utilisée dans la région, celle du droit au sanctuaire, dont on a abondamment parlé au début du millénaire et qu’on voit encore à l’occasion dans la région de Montréal, selon Shanna Bernier.

«La famille est sous le choc. Ç’a été une très mauvaise nouvelle pour eux d’apprendre que la réponse à leur demande d’appel était négative. Ils sont reconnaissants à la communauté de foi de Plymouth-Trinity [de les accueillir] et se sentent en sécurité et en paix dans cette église», a exprimé Mme Bernier au nom de la famille.

Réfugiés dans l’église, les trois membres de la famille ne se sont pas présentés devant les médias lundi. Ils ont également demandé de respecter leur désir de vivre cette épreuve à l’abri des regards.

La Tribune avait raconté lundi dernier l’histoire des Rodriguez-Flores qui ont immigré au Canada pour fuir les cartels de la drogue au Mexique.

Après des menaces répétées et violentes, le petit restaurant de Georgina a été incendié en 2018 et l’année suivante, les criminels auraient tenté de brûler vifs la fille aînée du couple et sa propre famille, qui avaient semble-t-il minimisé les risques de rester là-bas. 

«Ce ne sont pas des menaces, c’est une tentative de meurtre dont la fille de Georgina a été victime. Ils pleuraient quand ils ont appris que leur demande d’appel était refusée», relate une proche de la famille, Adriana Herrera Duarte, qui fait partie des Sherbrookois qui tentent de leur venir en aide.

Responsable du ministère des jeunes et des jeunes adultes à l’Église unie Plymouth-Trinity, Shanna Bernier a lu une brève déclaration de la famille Rodriguez-Flores.

Répondre à la détresse humaine

Le pasteur de l’église Plymouth-Trinity, Samuel Vauvert Dansokho, n’a pas hésité à ouvrir les portes de son temple à la famille et à lui aménager un petit espace pour qu’elle puisse y vivre quelque temps. 

«C’est une détresse humaine à laquelle nous répondons en notre âme et conscience, dit-il. C’est une décision lourde de conséquences, on ne l’a pas prise à la légère, mais nous l’avons fait parce que nous avons l’intime conviction que le droit du Canada, que nous respectons, devrait écouter davantage cette famille.» 

«Après avoir étudié ce qui nous a été présenté et avoir entendu les personnes elles-mêmes, ajoute-t-il, notre conscience ne nous permet pas de ne pas essayer de faire quelque chose.»

Le pasteur Dansokho appelle néanmoins à une certaine prudence de langage dans cette affaire. 

«Nous ne sommes pas une institution qui va trancher pour la légalité ou non [de leur statut], c’est surtout pour une question de légitimité. Pour dire la vérité, nous sommes peut-être entre deux eaux. Nous sommes tolérés encore parce que l’État reconnaît la validité des communautés de foi lorsqu’une loi peut-être plus impérieuse l’amène à appliquer l’essence même de cette loi.»

Les deux représentants de l’Église unie n’étaient pas en mesure de prédire combien de temps la famille pourrait rester dans la petite église de la rue Dufferin.

«On n’est pas experts, dit Shanna Bernier. Dans d’autres cas, c’est des semaines, des mois, ça peut être long. On ne sait pas. Mais notre foi dit qu’on doit aider quand c’est possible, même si on ne sait pas ce qui va arriver dans le futur.»

Peu de recours

Contacté par La Tribune, l’avocat des Rodriguez-Flores n’a pas commenté la décision prise par la famille. En tant qu’avocat, rappelle-t-il, il doit respecter la loi. 

Me Stewsart Istvanffy constate néanmoins dans sa pratique comme spécialiste en droit de l’immigration que le recours à la loi du sanctuaire est de moins en moins fréquent.

«C’est vraiment difficile pour moi de dire quel peut-être l’impact de leur décision. Mais je sais qu’ils ont vraiment peur de retourner au Mexique et qu’ils sont ciblés par un des pires cartels là-bas. C’est pour ça qu’ils ne veulent pas partir.»

À défaut d’avoir pu obtenir un report  de leur renvoi, Me Istvanffy prévoit présenter aux autorités canadiennes une demande en recours humanitaire ou un permis de séjour temporaire pour Georgina, Manuel et Manolo.

«Il va falloir réunir un dossier fort pour montrer le niveau de danger qu’il y a pour la famille et essayer de faire en sorte que les autorités le regardent. Mais c’est beaucoup de travail et ce n’est pas quelque chose qui va se faire du jour au lendemain.»