« Je me suis rendu compte que si je voulais avoir des histoires à raconter, il faudrait que j’accumule mes propres expériences. Des expériences uniques. Quelqu’un qui reste dans sa maison toute sa vie n’a pas grand-chose à raconter », explique-t-il.
Ce vécu sur la route, qui se poursuit depuis, il le raconte dans un condensé de 40 récits préalablement imprimés dans Le Devoir, Espaces ou Nouveau Projet, un bouquin publié aux éditions Somme Toute. Sillonner les chemins du monde nous lance sur la trace de grands écrivains, de bouleversements politiques, ou simplement dans la surstimulation des sens dans un monde de nouvelles expériences.
« L’idée de base, c’était de plonger le lecteur dans l’esprit du voyage. Ce que je recherche quand je pars, c’est l’expérience, la curiosité vers l’ailleurs. Je me dis qu’il y a peut-être un pour cent des lecteurs qui choisiront la même destination que moi, mais les autres 99 pour cent, je veux leur offrir de voyager dans leur imaginaire. J’espère qu’en me lisant, les gens auront les mêmes démangeaisons que j’ai dans les jambes à l’idée de partir. Pour moi, les articles de voyage sont la forme la plus littéraire du journalisme. J’essaie toujours de décrire les perceptions des cinq sens. »
Dans la première partie du recueil, le voyageur aborde les auteurs et les artistes qui ont tantôt inspiré un itinéraire, tantôt fait l’objet d’une découverte le long de la route. De Toulouse, il raconte la vie de Saint-Exupéry. À Key West, au sud de la Floride, il rencontre Michel Tremblay qui lui fait revivre l’époque où les bateaux de croisières n’avaient pas encore transformé l’île en paradis de touristes. Il nous amène aussi voir les peintres de Charlevoix ou ceux de la Provence.
« Je suis un boulimique culturel. Je suis très curieux de tout dans la vie. Certaines lectures ou certains films m’ont poussé à visiter des pays en particulier. Key West était très présent dans mon imaginaire à cause de l’œuvre de Tremblay. Ce sont des endroits que j’avais en moi depuis ma jeune vingtaine. »
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Mais l’inverse est aussi vrai. Il y a un peu, beaucoup de découvertes qui surviennent dans la préparation d’une escapade. « Je vais toujours essayer de m’imprégner des grandes œuvres qui ont traversé un pays. J’ai l’impression que ça m’aide à mieux capter l’esprit du lieu. »
Pas étonnant que ce grand baroudeur s’arrête souvent dans les librairies, partout dans le monde, pour acheter les œuvres des auteurs locaux. « Il m’est arrivé d’acheter des livres pour enfants dans une langue que je ne comprenais pas juste parce que je les trouvais beaux. »
Lui-même s’est permis d’écrire à l’étranger, à Banff, en Haïti, à Barcelone, pour prendre un recul nécessaire à la création. De Barcelone, il a pu assister aux élections ayant précédé le référendum de la Catalogne, un moment immortalisé dans la deuxième section du livre : celle aux récits politiques et historiques. On y fait par ailleurs des incursions à Berlin, à Tunis et à Istanbul.
Et il y a ce troisième volet, plus personnel, plus sensoriel, où le lecteur fera la connaissance des deux héritiers de Gabriel Anctil. « Les textes comportant le plus d’émotion sont ceux avec les enfants. À travers leurs yeux, je peux revivre des premières découvertes. »
Que dire de cette désintoxication des écrans induite par un séjour aux îles de la Madeleine? Le goût du vent, les couleurs des couchers de soleil, les grandes plages où on peut marcher à l’infini sans rencontrer âme qui vit : toutes ces premières fois prennent un sens différent dans la contemplation des enfants. « Ça me permet d’arriver avec un regard plus naïf et plus spectaculaire. Je peux aller dans des zones où je n’irais pas si je ne parlais que de mon expérience à moi. »
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Un de ses enfants ayant maintenant 16 ans, Gabriel Anctil réalise que de prendre le large aussi tôt dans la vie, comme il l’a fait, n’est pas nécessairement adapté pour toutes les personnalités. Mais mine de rien, les pommes ne sont semble-t-il pas tombées loin de l’arbre.
« Je leur ai transmis l’amour du voyage. Ils l’ont capté presque immédiatement. Les deux veulent faire le tour du monde. »
Ce n’est sans doute pas le paternel qui les découragera.
« Voyager, c’est une ouverture vers les autres. Plus on voyage, plus on se rend compte qu’on est à peu près tous pareils. C’est pour ça que c’était si difficile que tous les voyages arrêtent brusquement à cause de la pandémie. Il y a aussi une découverte de soi. On nous projette notre propre image, une perspective différente sur notre vie. C’est ce qui m’a permis de réaliser que Montréal est une des villes les plus cools au monde. On y trouve la culture, la qualité de vie. Nous sommes choyés et chanceux de vivre ici. »
Gabriel Anctil, qui a profité de la pandémie pour... écrire, publiera quatre ou cinq livres dans la prochaine année. Des livres pour enfants comme des livres pour adultes. Mais il a ces fourmis dans les jambes qui le pousseront bientôt vers le large. « J’ai besoin de sortir du pays. »
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Le Grand Canyon sera sans doute une destination des prochains mois. Mais le rêve de découvrir Mexico pourrait l’emporter et devenir réalité avant tout autre départ. « J’ai envie d’y aller depuis longtemps. Mexico, c’est Frida Kahlo et Diego Rivera. C’est aussi toute une culture culinaire. »
Le confinement de la pandémie aura néanmoins permis de raviver la nervosité des expéditions en terres inconnues. « Les prochains voyages, je les apprécierai plus. Je les tenais peut-être pour acquis. »
La confection d’un recueil qu’il avait en tête depuis longtemps aura donc servi d’antidote, en même temps qu’il lui redonnait le goût de partir. « En le relisant, je constate que c’est comme le résumé des cinq dernières années de ma vie. »