Tu commences.
J’entends encore et toujours, autour de moi : « Les femmes après 30 ans ne font que grossir. » « Une femme n’est plus bonne passé 30 ans. » « À 30 ans, soit elle veut des enfants, soit elle en a, soit elle est folle ». (À quel point le mot « folle » m’horripile, ce sera le sujet d’une prochaine chronique).
Des horreurs, jouées en boucle dans plusieurs sphères de la société : films, livres, religion, émissions, publicité, contes pour enfants.
« On est durs avec les femmes, ça me révolte. Jeunes, elles ne sont jamais assez ci, ou trop ça, pour être belles. Et quand elles vieillissent, elles n’existent plus », témoignait au Devoir l’autrice et féministe Marilyse Hamelin, à propos de l’ouvrage 11 brefs essais sur la beauté : pour échapper à la tyrannie des idées reçues, qu’elle a dirigé.
Femmes trentenaires, non expirées. Il faut valoriser la vieillesse. Non pas par des rabais seniors, mais par un changement de paradigmes.
Ne plus croire complimenter : « tu es belle pour ton âge ». Dire « tu es belle », tout court. « Dire je t’aime beaucoup, ça fait moins vrai », chantait Dédé Fortin.
Être belle, pour tout, partout – pas d’exception.
Je rêve de plus d’héroïnes, de sirènes et de princesses Disney dans la cinquantaine.
Vieux comme les pierres
Tu es vieux/vieille, magnifique, un feu.
Vieillir est une force, un roc, un cap, une péninsule. Un phare debout. Un chemin.
Plus un arbre est vieux, plus je l’aime. Plus une pierre est millénaire, plus elle est belle.
Pour moi, les pierres sont des poèmes. Des grands-pères-roches. Ils ont assisté à l’histoire, immobiles, inébranlables.
Juste là, méditant. L’exemple même de la sérénité et de l’immortalité.
Les pierres ont cogné des souliers, supporté des animaux et des hommes, accueilli du lichen, sont disparues sous les feuilles et la neige, puis réapparues. Elles ont redirigé la pluie. Regroupées, elles ont protégé des familles des intempéries.
Tout ça en restant là. Solides. Et vieilles.
Rides-racines
« La beauté n’a qu’un type, la laideur en a mille. » (Construire l’ennemi, Umberto Eco, 2014)
Les rainures des feuilles sont-elles laides?
Les nœuds d’écorce sont-ils repoussants?
Les pierres ne passent pas date, même craquelées.
Les rides sont des racines de visage. Elles ont poussé à la dure, dans le temps et les tempêtes. Les rides-racines sont nourriture. Petits serpentins du regard, elles ont dégusté et fait vivre.
La vieillesse change le corps, lui ajoute des cernes – celles des troncs d’arbre et des yeux. La vieillesse fatigue les mains comme la répétition des pistons émousse une machine.
On ne nous apprend pas à nous huiler, nous réparer les joints. On ne se nourrit pas au bon carburant.
Choisis ton chemin, ta promenade au phare. Choisis ton type de vieux : petit et sautillant, lent et gracieux, créateur de confort.
Quand j'étais vieille
On me dit souvent « tu as l’air jeune pour ton âge ». Pour moi, malgré la bonne intention de l’interlocuteur, c’est un non-compliment. Il n’y a aucun mérite à être jeune : il suffit de naître.
J’ai été vieille à 16 ans lorsque ma meilleure amie est décédée. J’ai été vieille à 21 ans lorsque j’ai parcouru l’Italie seule. J’ai été vieille à 8 ans, et hier, à préparer le souper.
L’âge est un chiffre, une peau est une couleur. Écoutons et regardons plutôt le feu intérieur, les aventures, l’ouverture du discours.
30 ans. 10 950 jours de rires, de respirations, de peines, d’apprivoisement, de quête identitaire, de remises en question, de réveils, de chaleurs du vent.
Plus je vieillirai, plus je vivrai.
J’ai hâte d’être une grand-mère-roche. J’ai hâte à mes racines de visage et à ma force minérale.
Et vous?
*Je profite de mon retour à la plume pour vous resouhaiter la bienvenue dans mon univers, chez vous, dans notre espace sûr et doux.