Ces stagiaires ont tous un point en commun, ils ont des contraintes ou des limites fonctionnelles qui les empêchent d’être actifs sur le marché du travail. Ils peuvent avoir des problèmes de santé mentale, de dépendance, des troubles d’adaptation, une déficience intellectuelle ou même un trouble du spectre de l’autisme. Certains ont vécu un accident important et d’autres vivent même en situation d’itinérance. Certains n’ont jamais eu d’emplois et bénéficient de l’aide sociale alors que d’autres en ont essayé plus d’une dizaine sans jamais être en mesure de les conserver.
Ce que le groupe Probex fait, c’est de réunir ces personnes en équipe de travail en compagnie d’un superviseur et de les attitrer à un plateau de travail ou à une entreprise.
« On se prive au Québec d’individus qui peuvent donner 60 % d’une tâche, déplore David Caron, directeur général et fondateur du Groupe Probex. On ne veut que des gens autonomes. Notre ratio est d’un superviseur pour quatre stagiaires. »
Lors du passage de La Tribune, une équipe faisait notamment l’assemblage de pelles pour les VTT d’une entreprise de la région. Une équipe de cinq stagiaires s’est rendu à l’usine Bois Ouvrés de Waterville comme elle le fait quatre jours par semaine depuis trois ans. Les stagiaires font aussi de l’aménagement paysager pour le CIUSSS.
« On s’avance et on dit qu’on est capable de faire la même chose, mais ça va juste prendre plus de monde, indique M. Caron. Les gens ne sont pas autonomes et ça va en prendre trois pour faire la job d’un, mais la job est faite quand même. On répond à des besoins réels. Si on veut générer un sentiment d’utilité chez les gens, il faut sortir de l’occupationnel. Ils font des pelles de VTT et elles sont vendues partout dans le monde. Quoi de mieux pour bâtir une estime? »
Et avec la pénurie de main-d’œuvre, le nombre d’entreprises qui contactent M. Caron explose en ce moment.
« On a beaucoup de demandes en agriculture pour le désherbage, la récolte et la cueillette notamment, énumère-t-il. On va organiser une équipe mobile l’année prochaine. Juste cette semaine, j’ai eu aussi trois demandes d’entreprises. On pourrait doubler le nombre de stagiaires, mais il nous faut des projets. »
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Travail routinier
David Caron ne s’en cache pas, les tâches effectuer par les stagiaires sont souvent manuelles et répétitives, le genre de tâches que de moins en moins de gens, surtout les jeunes, ne veulent pas effectuer.
« Pour des employés avec des limitations, c’est merveilleux, nuance-t-il. Ça développe un sentiment de compétence. La première nouvelle qu’on a souvent, c’est qu’on produit plus et de meilleure qualité. La personne qui fait une tâche monotone, son risque d’erreur est grand si elle pense au film qu’elle va écouter ou à la partie de hockey, les stagiaires sont stimulés et ces emplois sont compatibles avec eux. On a des gens qui ont des rigidités, tu les places au contrôle qualité et ils vont être excellents. La marge d’erreur, je la compense avec le nombre de personnes. »
Mis à part un remboursement des dépenses de déplacement de 7 $ par jour, les stagiaires ne sont non plus pas rémunérés pour leur travail. Le problème selon M. Caron est que la notion de rémunération est souvent un frein à la mise en action de plusieurs individus puisqu’elle est liée à une obligation de rendement.
« C’est paradoxal, mais si on s’avance vers la rémunération, je les perds, admet M. Caron. Certains ne comprennent pas la notion ou d’autres touchent déjà des rentes d’invalidité. Plusieurs auraient besoin d’un curateur pour gérer leur budget. »
Pyramide de Maslow
L’objectif du Groupe Probex n’est pas de ramener ces gens vers le marché du travail. Sur 80 stagiaires, M. Caron estime qu’il y a peut-être trois ou quatre qui réintégreront le marché de l’emploi à la suite de leur passage chez Probex.
« On ne travaille pas sur la finalité, on travaille sur le processus, souligne-t-il. Il n’y a aucune attente de productivité ou de rendement. Quand quelqu’un ne va pas bien, on ne lui demande pas d’en faire plus. Il y a une structure pour respecter l’individu. »
Pour M. Caron, tout passe par le sentiment d’accomplissement des gens.
« On challenge la pyramide de Maslow, résume-t-il. On essaie de régler le problème de base, mais ça ne marche pas et c’est toujours à recommencer. Si on inverse la pyramide et qu’on met d’abord le besoin d’accomplissement et d’avoir un sens pour développer l’estime de soi, on commence à mieux s’alimenter et prendre soin de soi. S’il n’y a pas un sens à la base, ce sera toujours à recommencer. Les gens sont avec nous pour un projet de vie. »