La santé sexuelle et reproductive des femmes durement affectée

Johanne Bilodeau, coordonnatrice du Collectif pour le libre choix.

Parmi les angles morts de la pandémie, celui ayant trait à la santé sexuelle et reproductive des femmes est l’un de ceux où les dommages ont été les plus durement ressentis, confirme une revue des impacts menée par des chercheurs de l’Université de Sherbrooke.


Un constat qui s’est observé non seulement au Québec et au Canada, mais aussi partout dans le monde.

En délestant certains services de santé, en fermant les écoles ou en imposant des restrictions liées aux déplacements (confinements, couvre-feu, etc.), les gouvernements ont pris des décisions qui ont porté atteinte aux droits liés à la santé sexuelle et reproductive des femmes, a pu constater l’équipe dirigée par Gabriel Blouin-Genest et François Couturier, codirecteurs du Centre interdisciplinaire de développement international en santé (CIDIS) de l’Université de Sherbrooke.

« L’accès aux services liés à la santé sexuelle et reproductive des femmes est un enjeu qui touche tout le monde, tient à rappeler le professeur Gabriel Blouin-Genest, en soulignant que l’accès à ces services fait partie des droits reconnus par les instances internationales des droits humains.

À l’instar de son collègue François Couturier, le professeur Blouin-Genest est d’avis que « ces services ne doivent pas pouvoir être suspendus ou dépendre du bon vouloir des autorités, même en cas de crise majeure comme celle que nous vivons avec la pandémie. »

Aussi en Estrie

Une revendication à laquelle adhère Johanne Bilodeau, coordonnatrice du Collectif pour le libre choix. Elle souligne que les bris de services survenus au Québec et en Estrie durant la pandémie, notamment dans les écoles secondaires, ont eu des impacts importants sur la santé sexuelle et reproductive des femmes.

« La fermeture des écoles a fait très mal. Pendant plusieurs mois, les étudiantes n’ont pas eu accès à une infirmière lorsqu’elles avaient des enjeux rattachés à leur santé sexuelle et reproductive. Nos intervenantes ne pouvaient pas non plus entrer pour transmettre les informations habituelles concernant les ITS (infections transmises sexuellement) et les IVG (interventions volontaires de grossesse) », souligne-t-elle.

 À l’échelle mondiale, la revue de ces impacts a permis d’établir que l’accès aux services a été perturbé dans 7 pays sur 10. Dans 114 pays, plus de 47 millions de femmes n’ont pu avoir accès à des contraceptifs, alors qu’en Asie du Sud, on estime que 3,5 millions de grossesses ont été engendrées par la non-disponibilité de produits et de services liés à la contraception.

Violence sexuelle

À cela s’ajoute une augmentation des violences sexuelles envers les femmes et les enfants.

Les données recueillies indiquent en effet qu’une période totalisant six mois de confinement a mené à quelque 31 millions de cas additionnels. En fait, chaque période de prolongement supplémentaire de trois mois de mesures sanitaires représentait une augmentation de 15 millions à l’échelle mondiale.

La recension indique aussi qu’en Europe et au Canada, la pandémie s’est traduite par une augmentation de 30 à 33 % des cas de violences domestiques et de demandes pour des foyers d’hébergement d’urgence.

Alors que la menace d’une quatrième vague plane toujours sur la planète, les auteurs y vont de quatre recommandations afin d’éviter de nouvelles ruptures de services. Ces recommandations vont de la mise en place d’un seuil minimum de services garantis sans égard à la situation de crise, en passant par une augmentation des services ainsi que de leur financement à l’échelle internationale, sans oublier la mise en place de mesures spécifiques liées à la violence, notamment auprès des corps de police.

« Ce qu’on souhaite, c’est que la campagne électorale qui s’annonce va amener tous les partis politiques à s’engager fermement à maintenir et à améliorer les services liés à la santé sexuelle et reproductive des femmes ainsi qu’aux enjeux en matière de violence », a exprimé le professeur Blouin-Genest.