« J’ai fait un baccalauréat en biochimie et une maîtrise en microbiologie. Mais la recherche m’intéressait aussi, et je me suis rendu compte que ce serait avec la médecine que je pourrais faire de la recherche appliquée », mentionne le Dr Alain Piché, qui est aujourd’hui microbiologiste-infectiologue au CIUSSS de l’Estrie-CHUS, ainsi que professeur-chercheur à l’Université de Sherbrooke et au Centre de recherche du CHUS.
Ses études en médecine l’ont ensuite amené à s’intéresser à ces patients pour lesquels on a bien peu de traitements à offrir.
« Je suis parti durant trois ans en Alabama, aux États-Unis, pour faire un fellow sur le cancer ovarien. Ce qui m’avait amené à m’intéresser à ce cancer, c’est qu’il y avait peu de traitements à l’époque et que la mère de ma conjointe était atteinte de ce cancer », se rappelle-t-il.
De retour en Estrie en 1998, il a alors poursuivi les efforts déjà entamés par un de ses mentors pour créer une clinique interdisciplinaire pour les patients atteints du virus de l’immunodéficience humaine (VIH).
À Montréal, les patients atteints du VIH sont suffisamment nombreux pour que les médecins de famille aient l’expérience nécessaire pour les prendre en charge. Mais pas dans une région comme l’Estrie. Pour rendre de bons services à une clientèle aux besoins particuliers et dont les traitements évoluent rapidement, il faut des équipes multidisciplinaires qui connaissent bien la maladie.
« En 1998, nous suivions environ 50 patients. Mes patients prenaient jusqu’à 15 médicaments. Certains étaient toxiques, il y avait plein d’effets secondaires. J’ai perdu plusieurs patients qui sont morts d’une infection opportuniste et pour lesquels je n’ai rien pu faire, malheureusement », se rappelle le Dr Piché.
Dans cette maladie, la science a permis des progrès extrêmement rapides.
« Aujourd’hui, plusieurs patients ne prennent qu’un seul médicament, sans effet secondaire. Les patients vont bien. Aujourd’hui, nous prenons en charge 300 patients. Il n’y a toujours pas de traitements curatifs, mais les avancées thérapeutiques ont été très importantes au niveau du VIH. En 2021, les patients avec un VIH ont une vie pratiquement normale. »
En mars dernier, l’équipe de microbiologistes et d’infectiologues du CIUSSS de l’Estrie-CHUS était aux premières loges pour voir déferler la première vague d’un nouveau virus venu de Chine et qui allait bien vite bousculer la vie de tout le monde : la COVID-19. Personnel médical et patients, tout le monde était inquiet devant ce virus inconnu, contagieux et menaçant.
« Nous étions au cœur de la tempête. Si je peux dire, la première vague, on l’a reçue en plein visage », se rappelle le Dr Piché.
Les mois ont passé, les vagues se sont succédé, puis le Dr Piché a vu naître une nouvelle problématique : celle que l’on appelle aujourd’hui la « COVID longue », c’est-à-dire que les patients ont eu une COVID qui semblait plutôt banale, mais traînent des symptômes dérangeants durant plusieurs mois.
Des patients à risque de tomber entre deux chaises puisque les médecins de famille, face à cette nouvelle maladie, ne peuvent pas être tous au fait des derniers traitements à proposer à leurs patients.
Bien sûr, on peut voir là le parallèle avec la clinique spécialisée pour les patients atteints du VIH.
« On estime que 20 à 30 % des gens qui ont eu la COVID-19 vont développer la COVID longue, mais à des niveaux très variables », explique le Dr Piché.
Le microbiologiste-infectiologue a donc fondé la Clinique ambulatoire post-COVID en mai 2020, après la première vague de la pandémie. Depuis plus d’un an maintenant, le Dr Piché suit donc des patients atteints de symptômes persistants de la COVID-19. Certains finissent par se rétablir complètement, mais pas tous, pas encore du moins.
Le système de santé québécois devra donc travailler pour créer une trajectoire de soins pour les patients atteints de la COVID-19.
« Le Royaume-Uni a mis en place un modèle intéressant, basé sur une trajectoire multidisciplinaire. On aurait avantage à s’inspirer de ce qu’ils ont fait. Parce que la COVID longue est assurément une problématique en émergence. »
À bout de souffle, le réseau de la santé et des services sociaux du Québec n’est peut-être pas encore prêt à faire face à cette autre facette de la mystérieuse COVID-19, croit le Dr Piché.
Mais le Dr Piché n’entend pas jeter la serviette. Que non. À 60 ans, ce médecin passionné entend travailler encore quelques années.
« Je pense qu’on est encore en train de réaliser l’impact majeur que la COVID longue va avoir dans notre société, avec des gens en arrêt de travail, des gens qui ne pourront pas reprendre leur vie d’avant… J’entends tellement d’histoires tristes dans ma clinique, si vous saviez. Imaginez avoir une incapacité durant un an, et moi, pour le moment, je n’ai pas grand-chose à offrir à mes patients... » s’attriste-t-il.
« Je vais devoir me battre pour mes patients, pour leur offrir de meilleurs soins, et s’il le faut, je vais le faire », souligne-t-il.
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