Non, ce n’est pas la pandémie de COVID-19 qui m’a inspiré un détour en mer vers le lieu historique national de la Grosse-Île-et-le-Mémorial-des-Irlandais. Depuis la première fois qu’on m’en a parlé, il y a 17 ans, j’ai su qu’il fallait que je m’y rende. J’ai seulement la procrastination un brin patiente. Sur la route, peu de visiteurs croisés dans les jours précédents connaissaient l’existence de Grosse-Île. Pourtant, il y a assez à faire dans cette ancienne station de quarantaine pour occuper toute une journée.
Mine de rien, entre 1832 et 1937, plus de 7500 étrangers partis pour la promesse d’un monde meilleur au Canada ont eu Grosse-Île comme dernière escale. Ils y ont été enterrés après avoir succombé à la variole, au choléra, à l’influenza, au typhus ou à la peste. Certains employés de l’époque reprennent aujourd’hui vie sous les traits de personnages qui nous accueillent au quai comme si nous débarquions nous-mêmes d’une longue traversée. Il faut alors rapidement s’emparer d’un horaire pour la journée, qui permet de diviser la foule en petits groupes et d’organiser la visite en plusieurs stations qui nécessiteront des investissements en temps entre quinze et trente minutes.
Mine de rien, entre 1832 et 1937, plus de 7500 étrangers partis pour la promesse d’un monde meilleur au Canada ont eu Grosse-Île comme dernière escale. Ils y ont été enterrés après avoir succombé à la variole, au choléra, à l’influenza, au typhus ou à la peste.
Quoi de plus naturel que de commencer par la désinfection? Miss Wade nous attendait pour s’assurer que nous ne présentions aucun signe alarmant de maladie. Pas de toux? Pas de manifestations d’étranges hémorragies? Il ne fallait pas pour autant négliger la stérilisation des vêtements, qu’on plaçait à l’époque dans une énorme étuveuse pendant une trentaine de minutes. Les gros caissons métalliques sont l’une des reliques les plus impressionnantes de tout le site. Ça commence fort!
À l’étage, les douches bien cordées, où l’on forçait les nouveaux arrivants à se laver, donnent l’impression de visiter une prison. Des anneaux avaient été installés pour encercler le corps des individus et éviter qu’ils se mettent à l’abri de l’eau qui leur tombait sur la tête. Celle-ci contenait du bichlorure de mercure pour assurer la désinfection. Plusieurs d’entre eux ne connaissaient que les bains, raconte-t-on, si bien qu’on craignait de les effrayer avec les douches.
Dans une salle de vidéo, à la sortie du bâtiment, une femme arrivée au Canada alors qu’elle était enfant se souvient avoir été choquée que des étrangers la regardent se laver, à son passage à Grosse-Île. Elle ne comprenait pas, alors, qu’on cherchait à éviter les épidémies.
On nous raconte aussi que les nouveaux arrivants provenaient de 60 pays différents, notamment l’Angleterre, l’Écosse, la Scandinavie, l’Europe de l’Est et la Russie. On les avait attirés entre autres avec des publicités vantant les grands espaces, l’école gratuite... et un climat sain. On omettait de leur parler de l’hiver, bien entendu.
Sur l’île de la quarantaine, comme sur les navires, tous n’étaient pas égaux. Les passagers de première classe tuaient le temps dans un bâtiment richement décoré alors que ceux de troisième classe s’entassaient sur l’île comme ils le faisaient dans les bateaux. On peut d’ailleurs visiter l’hôtel de première classe, où les chambres exiguës sont toutes dotées d’un lavabo. Pratique pour le lavage des mains à répétition!
Bien entendu, il importe de s’intéresser à l’histoire des Irlandais, qui ont été les victimes de la plus importante épidémie en 1847. Terrassés par le typhus, 5400 Irlandais succomberont en une seule année. Un monument, près du cimetière où ils ont été inhumés, répertorie le nom de toutes les victimes portées à leur dernier repos sur l’île.
À quelques mètres du cimetière, où des croix ont été ajoutées avec le temps, un autre monument, plus imposant celui-là, est visible même de la mer. La croix celtique de 15 m, construite avec de la pierre de Stanstead, serait l’une des plus hautes croix celtiques au monde.
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Un petit train nous emmène aussi à l’autre bout de l’île, là où étaient isolés les malades dans l’espoir d’une guérison. En chemin, on croise l’école du village, où l’institutrice nous rappelle qu’il faut bien faire nos devoirs. Surtout, on peut voir l’ambulance qu’on utilisait en 1891, encore en très bonne condition. La charrette, attelée derrière un cheval, avait été construite par Pierre « Pit » Masson, le charretier du village qui agissait aussi comme conducteur d’ambulance. Sous son siège, il avait installé une cloche qu’il activait avec son pied pour qu’on libère le passage. Même s’il assurait le transit des malades, il n’a jamais été contaminé lui-même.
La visite se conclut un peu plus de cinq heures après notre arrivée. On aura alors appris que de l’anthrax a déjà été fabriqué sur l’île et on n’aura probablement jamais réussi à attraper un des acteurs décrochant de son personnage. Igor s’amuse même à fredonner dans la langue natale de son personnage pendant qu’il ramasse du bois.
Notons par ailleurs que les guides de Parcs Canada vivent en partie sur l’île au courant de l’été et qu’ils retournent à la terre ferme en alternance.
Comme il n’y a pas de restaurant à Grosse-Île, il est préférable d’y amener son propre repas. Les Croisières Lachance, qui assurent le transport, proposent une boîte à lunch pour 16 $. Il sera toutefois probablement moins cher de passer par l’épicerie avant de voguer sur le Saint-Laurent.
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