Chronique|

Le patrimoine de l’UNESCO : de l’histoire et du beau

À Sigiriya au Sri Lanka, parcourir le réseau d’escaliers et de tunnels pour atteindre le sommet d’un rocher haut de 180 mètres permet d’obtenir cette vue incomparable sur la région.

CHRONIQUE L’ami ne faisait pas de cachettes. Son objectif de vie à lui, ce sera d’avoir visité tous les sites touristiques inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO. Il en aura pour des années à s’amuser. Si mes chiffres sont bons, on compte plus de 1100 de ces joyaux historiques. Et on en ajoute de temps à autre pour rallonger la liste.


Bien sûr, pour les Européens, il est plus facile de progresser vers l’atteinte d’un tel objectif. L’Italie compte à elle seule 55 sites répertoriés, contre 46 pour l’Allemagne et 45 pour la France. Ces trois pays monopolisent plus de 10 % des endroits que l’UNESCO juge nécessaire de protéger. Les vieilles villes des pays même les plus petits se sont frayé une place dans l’histoire.

En opposition, le Canada compte une vingtaine de lieux inscrits au patrimoine mondial, contre 55 pour la Chine.

J’ai réalisé avec le temps que j’étais moi-même un adepte des sites de l’UNESCO, parce qu’ils ajoutaient un sens à mes périples. Ces lieux ne sont pas ceux qui dictent mes destinations, mais une fois mon choix arrêté sur un pays, je m’informe pour valider si un détour ne s’imposera pas de lui-même, tantôt pour une curiosité dont j’ignorais l’existence, tantôt pour un incontournable que je rêvais de voir en vrai.

L’idée m’est revenue en pleine pandémie quand Lonely Planet a demandé à ses lecteurs combien de sites du patrimoine mondial de l’UNESCO ils avaient visités. Difficile de penser qu’on puisse compiler des statistiques fiables à cet effet, à moins d’avoir un outil efficace pour nous aider. Comme il existe une application mobile pour tout, il est effectivement possible, avec World Heritage, de consulter la liste, de cocher les sites visités, en plus d’apprendre leur année d’inscription et les critères considérés. On peut au surplus y lire un brin d’histoire et situer le site sur une carte.

Faire l’exercice peut demander beaucoup de patience si on souhaite passer à travers les 1100 sites inscrits. Heureusement, comme ils sont classés par pays, on arrive à réduire un peu l’ampleur de la tâche.

D’emblée, quand j’ai fait du voyage un passe-temps, j’avais des visées sur quelques-uns de ces endroits que j’idéalisais. Mes rêves d’enfant me portaient déjà vers le Taj Mahal, en Inde, ou la Grande Muraille en Chine. Mais à part la vieille ville de Québec, où j’ai travaillé pendant huit mois, mes deux premiers crochets sur la liste reviennent aux rives de la Seine, à Paris, et au palais de Versailles, pas très loin de là.

Mine de rien, sur les rives de la Seine à Paris, on croise Notre-Dame, le Louvre, la place de la Concorde, le Grand Palais des Champs-Élysées, la tour Eiffel et le palais de Chaillot. Ça fait beaucoup pour des yeux encore inadaptés aux merveilles architecturales de l’Europe. C’est le classique, mais dès mon arrivée à Paris, la première fois, j’ai pris le métro jusqu’à la station de Trocadéro pour apercevoir la fameuse réalisation de Gustave Eiffel.

L’église de Tenaun, sur l’île de Chiloé au Chili, est l’une des 16 églises de bois de la région à être inscrites au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Je m’attendais à un coup de baguette magique, je pense, à des feux d’artifice et à des airs d’accordéon, comme si on gardait les lieux historiques dans des écrins. Je n’avais pas anticipé le ronron des moteurs et les pas pressés des badauds qui ne voient plus la chance qu’ils ont de vivre là.

J’avais déjà zyeuté à l’époque la ville fortifiée historique de Carcassonne, comme si je pouvais voir toute la France dans le même séjour. Il m’aura fallu une douzaine d’années avant de m’y aventurer. J’ai même passé la nuit à l’intérieur des fortifications. Là, l’histoire se palpe du bout des doigts, se sent dans l’air qu’on respire. Il y a de quoi écrire à sa mère bien plus que lorsqu’on navigue sur le canal du Midi, autre site répertorié par l’UNESCO. Là, c’est l’ingéniosité humaine qui a permis la révolution industrielle qui impressionne. Et probablement qu’on s’en amourache davantage à le parcourir à vélo qu’en pirogue…

Ce risque de gonfler les attentes existe bel et bien avec une liste de sites prodigieux et incontournables comme celle de l’UNESCO. Parlez-en à la statue de la Liberté et à l’Opéra de Sydney, qui sont bien plus petits en vrai que dans notre imaginaire. L’Opéra, par contre, devient beaucoup plus intéressant quand on se permet de le visiter de l’intérieur. Et il est vrai qu’il donne de foutues belles photos.

On ne réalise pas non plus qu’il faudra jouer du coude dans la foule pour visiter le Taj Mahal et que l’expérience sera loin d’être mémorable. On oublie qu’on sera trempé de pied en cap en parcourant les majestueux, immenses et impressionnants temples d’Angkor au Cambodge. Et qu’il y a des sites moins achalandés et tout aussi impressionnants que la pyramide de Chichén Itzá, au Mexique.

Ce qui me plaît, néanmoins, c’est de découvrir des sites largement moins connus pour lesquels les attentes seront forcément moindres. Je pense aux églises de bois de Chiloé, au Chili, qui finissent pas toutes se ressembler avec leur architecture mi-européenne, mi-indigène. Essayer de les voir toutes, comme je voulais le faire, constitue sans doute une erreur. Mais elles nous conduisent dans des villages hors du temps, comme Chonchi, dont je ne suis toujours pas revenu, ou dans des villages fantômes, dans le secteur de Tenaun par exemple, où il faut réellement trouver le gardien des clés pour voir l’intérieur des lieux sacrés.

Pareilles, mais différentes, les églises de bois de Maramures, en Roumanie, avec leurs clochers élancés et leurs fresques murales, nous entraînent dans des campagnes et des villages paisibles. Là plus qu’au Chili, le circuit en voiture nous entraîne dans des paysages typiquement roumains où les foules ne sont pas légion.

Coup de cœur immense aussi pour la vieille ville de Pingyao, en Chine, relativement touristique, mais tout de même moins achalandée que Pékin et Shanghai. C’est un exemple bien préservé d’une ville traditionnelle fortifiée. Dans le même sens, la médina de Fès, au Maroc, avec ses tanneries, permet de prendre d’excellentes photos. Se perdre dans ses labyrinthes aura été une joie, encore plus très tôt le matin, quand les marchands n’avaient pas encore sorti leurs étals.

J’ajouterais la ville ancienne de Sigiriya, au Sri Lanka, où des successions d’escaliers et de galeries mènent au sommet d’un rocher haut de 180 mètres d’où la vue sur la région vaut le voyage à elle seule. On y trouve les ruines d’une citadelle vieille de plus de 1500 ans.

Ce qu’il y a d’intéressant, donc, entre rêver aux sites bien connus qu’il me reste à cocher, comme la Grande Barrière de corail en Australie ou Rapa Nui sur l’île de Pâques, c’est que j’en trouverai encore des centaines dont j’ignore l’existence et qui me mèneront peut-être sur des chemins moins explorés qui valent encore plus le détour.