Rupture, réparation et poisson bleu

L’auteur sherbrookois David Goudreault signe un premier livre jeunesse, qui aborde la séparation avec humour et sensibilité. Offert dès le 25 mai, La réparation de mes parents sera officiellement lancé le 31 mai, à la Librairie Appalaches de Sherbrooke, lors d’un 16 h à 18 h.

David Goudreault écrit depuis des années. Beaucoup. Tous les jours. Des romans, du slam, des chansons et des recueils de poésie sont nés dans la foulée.


Mais signer un livre jeunesse, ça, c’est une première pour l’auteur sherbrookois qui lancera le 25 mai La réparation de mes parents.

Publiée chez D’eux, l’histoire qu’il a imaginée aborde la question de la séparation des parents avec autant d’humour que de sensibilité. Probablement parce que le récit s’ancre à un certain vécu. 

« Disons que c’est une autofiction qui trempe sa plume dans la réalité », résume Goudreault, pour qui il était important d’écrire ce livre-là. 

« Pour mes enfants, d’abord, mais aussi pour les autres jeunes qui vivent ou ont vécu la rupture de leurs parents », résume celui qui est papa d’un garçon et d’une fille. 

Le frère et la sœur du livre, c’est d’ailleurs un peu beaucoup eux. On les reconnaît tant dans le coup de crayon que dans la personnalité qu’ils affichent.  

« Mon lectorat cible, c’étaient mes enfants. Je souhaitais leur parler de l’éclatement de la famille, oui, mais je voulais aussi leur raconter une histoire intéressante. La séparation des parents, c’est le sujet qui traverse le livre. Mais l’intrigue véritable, au fond, elle est ailleurs. »

Ailleurs dans un bocal de verre, autour de Grobetta, poisson bleu par qui arrive le comique comme le plus dramatique. 

« L’intrigue véritable est liée au poisson qui disparaît. Le lecteur se demande : mais où est-il parti? »

Avant qu’il ne s’évanouisse dans la nature, l’animal de compagnie a quand même campé ses couleurs. On n’a pas affaire ici à un banal poisson qui se contente de remuer les nageoires dans sa maison vitrée. Non. Grobetta a des sentiments et de l’ambition, lui qui rêve de devenir astronaute. 

C’est à travers lui que passent les enjeux plus délicats de la crise familiale. C’est lui qui ressent (et nomme) les émotions plus difficiles. La petite « entourloupette psychologique » permet, mine de rien, de toucher à différents enjeux sans tomber dans le prêchi-prêcha.

« Disney exploite souvent ce mécanisme : faire vivre les émotions plus intenses au personnage le plus drôle. Ça devient un ressort humoristique auquel on injecte une touche de tragédie. » 

De l’humour, de la tendresse

Allié des enfants, le poisson fugueur et féru de voyages a également permis à l’auteur de s’amuser avec la langue en développant un champ lexical à saveur maritime.   

« Ça amène un autre ton, d’autres strates. Tout en étant divertis, les enfants apprennent quand même l’essentiel de ce qui les concerne. Il y a plusieurs messages au fil des pages. Ils comprennent que ce qui arrive n’est pas de leur faute, par exemple. Ils réalisent aussi que, si le lien entre les parents s’est brisé, celui qui unit chacun d’eux aux enfants n’est pas entamé. » 

Le récit permet enfin de saisir l’idée qu’une fois passée la tempête qui suit la fin du sentiment amoureux entre les parents, il y a des embellies. Une amitié possible, même.   

« C’est une belle histoire de rupture. Et au final, c’est une belle histoire tout court, qui permet un bon moment de lecture, peu importe la situation familiale qui est la nôtre », remarque David Goudreault, qui a bien sûr « testé » son histoire auprès de ses enfants. 

La narration, sympathique, les a fait rire. Sitôt le livre terminé, ils voulaient le recommencer. 

« Je m’attendais à ce que ça les remue un peu, j’ai été heureux de découvrir qu’ils étaient ailleurs, qu’ils retenaient surtout l’humour et la tendresse familiale. J’ai vu que l’histoire fonctionnait. Après ça, c’était important pour moi qu’ils soient fiers de la façon dont je les représente. »

Comme c’était important, aussi, que la maman de ses enfants lui donne son aval.

« Elle a été la première lectrice. C’est quelqu’un de qui je suis encore très proche. Elle a abordé le tout avec beaucoup d’ouverture, en étant consciente que c’était d’abord un objet littéraire, mais également un outil pour nos enfants et pour tous les autres qui plongeraient le nez dans l’album. »

À la défense du livre jeunesse

Les illustrations, signées France Cormier, campent une famille métissée, avec un papa à la peau blanche et une maman à la peau noire. Là encore, c’est ancré à la réalité.

« Tant qu’à mettre mes enfants en scène, je souhaitais les représenter avec justesse. J’ai partagé ma vie pendant 10 ans avec une femme noire, je suis sensible à la question de la représentation et de la diversité dans les œuvres culturelles. Dès le départ, j’ai été enchanté par les dessins de France. Elle a vraiment capté et respecté la personnalité de chacun. Elle est venue ajouter des couches à l’histoire avec différents détails qui bonifient la lecture. »

Le projet, qui s’est échelonné sur deux ans, est le fruit « d’un vrai beau travail d’équipe ».

« Je suis plutôt solitaire et je fais souvent cavalier seul dans mes projets. Mais avec la préparation de mon récent disque et avec ce livre-là, j’ai vécu deux superbes expériences de création à plusieurs. » 

Tellement superbes qu’elles lui donnent envie de recommencer. 

« L’aventure de ce livre jeunesse, c’est un gros coup de cœur et je souhaite en écrire d’autres. Surtout que je mesure maintenant toute l’importance de la littérature jeunesse. »

Maintenant seulement? 

« Avant, je considérais l’importance de la chose, oui, mais avec un peu de recul. En allant donner des ateliers dans les écoles primaires, j’ai constaté la disparité qui existe entre les bibliothèques. » 

Au fil des discussions qu’il a eues avec l’éditeur et ancien enseignant Yves Nadon, sa vision s’est encore précisée. 

« Le livre jeunesse, c’est le parent pauvre de la littérature, alors que c’est un moment crucial pour accrocher les jeunes lecteurs. Si on veut que notre culture soit vivante, avec un imaginaire riche, il faut investir la littérature jeunesse. J’ai envie de parler de cet enjeu, de monter au front. Je n’en fais pas un nouveau cheval de bataille, mais je me range du côté de ceux qui croient à la littérature jeunesse. Et je vais en parler lorsque j’ai une tribune. »