Les compagnies qui bénéficient de cette aide financière dans le cadre de l’Opération haute vitesse Canada-Québec sont Vidéotron, Telus, Bell, Cogeco, Xplornet et Sogetel. Cette initiative permettra de brancher environ 150 000 foyers.
La directrice générale de l’entreprise estrienne Cooptel, Marie-Ève Rocheleau, remet en question le processus d’attribution de la subvention s’approchant du milliard de dollars. « Sur quoi est-ce qu’on se base pour donner des millions de dollars à des entreprises privées sans processus de sélection ou d’appel d’offres encadré? » questionne-t-elle.
« Gilles Bélanger a mentionné dans Le Devoir la semaine dernière que ce n’était pas des offres de gré à gré, que c’était des appels d’offres dynamiques. Je ne sais pas ce qu’est un appel d’offres dynamique, mais il n’y a pas d’appel d’offres qui a été fait », explique-t-elle en ajoutant qu’elle est d’avis que la taille de l’entreprise n’est pas un facteur pour écarter les compagnies du processus de sélection.
Le député d’Orford et adjoint parlementaire du premier ministre pour le volet de l’Internet haute vitesse, Gilles Bélanger, définit les appels d’offres dynamiques comme un principe d’enchères entre les grandes compagnies de télécommunication afin d’assurer la mise en application rapide du projet. Il est d’avis que ce n’était pas possible d’attendre encore plusieurs années afin de connecter tous les Québécois en passant par le processus d’appels d’offres notamment en raison de la pandémie.
« Le problème d’impliquer les petits joueurs, c’est le temps que ça prend. Ça fait depuis 2003 qu’on fonctionne d’une certaine façon au Québec et les régions ne sont pas encore branchées. On s’est dit qu’on allait utiliser une force de frappe, les plus gros joueurs, ceux qui ont le capital pour implanter, mais aussi pour maintenir [l’Internet haute vitesse]. On va les subventionner en partie, mais pas en totalité. On va leur mettre des pénalités sévères, en millions de dollars s’ils ne respectent pas la date de septembre 2022. Il y a une obligation de couverture de territoire à 100 %, mais sans concurrencer les foyers qui sont déjà branchés à la haute vitesse », mentionne-t-il.
De son côté, l’Alliance des télécommunicateurs indépendants du Québec mentionnait à la fin mars par voie de communiqué que « les gouvernements auraient pu octroyer les contrats au prorata du territoire desservi par l’ensemble des fournisseurs, incluant les fournisseurs indépendants. De cette façon, les gouvernements se seraient assurés à la fois d’atteindre leur but de couvrir le maximum de foyers non desservis (ou mal desservis) le plus rapidement possible tout en diversifiant les partenaires et en favorisant une saine concurrence. »
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Programmes normés
Gilles Bélanger explique que les foyers n’ayant pas accès à une connexion haute vitesse ne faisant pas partie de l’Opération haute vitesse Canada-Québec sont inclus dans des programmes normés tels que Québec branché, Brancher pour innover et Régions branchées.
Marie-Ève Rocheleau considère que le processus d’attribution de la subvention a été inégal. « On se dépêche pour rencontrer une promesse électorale qui est septembre 2022, mais au détriment de la diversité, de l’économie sociale et de la compétition selon moi. »
« Le Québec est plein de trous, car dans les programmes précédents, tout le monde branchait ce qui l’intéressait, sans obligation de brancher à 100 % et selon le modèle de rentabilité », explique le politicien en insistant sur le fait « qu’il a besoin des petits joueurs pour compléter le branchement du Québec. »
Gilles Bélanger soutient que les plus petits fournisseurs pourront couvrir les territoires que les plus grandes compagnies ne sont pas en mesure de desservir. « J’ai un principe d’audit et de vigie des gros joueurs. S’ils sont en retard, je peux leur retirer du territoire et l’assigner à d’autres. C’est pour ça que je veux savoir la force de frappe des petits joueurs. »
Marie-Ève Rocheleau croit que cette mesure vient museler la capacité d’expansion des plus petits fournisseurs. « Ils sont en train de donner une grosse partie du réseau aux plus gros. Ça fait juste diminuer le réseau des plus petits. Ça nous empêche toute expansion possible. On se le dit, on ne met pas de la fibre sur de la fibre. À partir du moment que la fibre est installée, c’est utopique d’aller réinvestir des millions de dollars en remettant de la fibre où elle est déjà existante. En milieu urbain peut-être, mais en milieu rural, ce serait des retours sur investissement de plus de 20 ans. Ça ne ferait pas de sens », souligne-t-elle.
Le député d’Orford mentionne que les plus grands fournisseurs auront l’obligation de maintenir durant minimum cinq ans un taux compétitif chargé aux clients. « Nous, ce qu’on ne veut pas, c’est que le système tombe un an après avoir donné le contrat parce qu’il y a de l’entretien à faire. »
Pour les foyers où l’utilisation de la fibre optique est difficile, voire impossible, M. Bélanger explique que d’autres technologies pourraient être utilisées telles que les satellites à basse orbite. « Il y a des petits joueurs qui ont de bonnes capacités [avec ces technologies]. On va fonctionner de la même façon avec les petits joueurs qu’on a fonctionné avec les gros joueurs. Ce ne sera pas un appel d’offres dans un programme normé où l’énoncé des travaux prenne des mois. »
Mme Rocheleau estime que cette subvention destinée aux grands joueurs des télécommunications est une non-reconnaissance du travail accompli par les plus petites entreprises telles que Cooptel.
Le projet avance dans le Val-Saint-François et dans des Sources
Rappelons que Cooptel a signé des ententes avec les MRC des Sources et du Val-Saint-François afin d’offrir l’Internet haute vitesse aux résidents de ces secteurs. Marie-Ève Rocheleau se dit satisfaite du progrès de ces dossiers. « La MRC du Val-Saint-François va se terminer sous peu et la moitié de la MRC des Sources va se terminer. L’autre partie se terminera en 2022. De notre côté, tout va très bien. Les Municipalités sont contentes. »