DPJ : une psychoéducatrice raconte sa séquestration

La Semaine d’action en protection de la jeunesse a été soulignée à Sherbrooke, mercredi, par une manifestation qui s’est tenue sur l’heure du midi devant les bureaux de la Protection de la jeunesse, rue Dufferin.

Il y a deux ans, une psychoéducatrice à la DPJ, a été séquestrée alors qu’elle tentait de trouver une solution à une situation familiale tendue.


Comme plusieurs de ses collègues qui travaillent à la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ), elle dit que les menaces verbales, les agressions physiques et psychologiques font de plus en plus partie des conditions de travail dans lesquelles les éducatrices spécialisées et les travailleuses sociales ont à évoluer.

« Je vais toujours m’en rappeler, dit-elle, au sujet de la séquestration dont elle a été victime. C’était au mois d’août 2019. Je m’étais rendue dans ce milieu familial pour essayer de trouver une solution à la situation, mais ça mal tourné… »

Alors qu’elle discutait avec le père de famille sur différents scénarios possibles afin d’amoindrir les difficultés que vivait la famille, celui-ci s’est soudainement emporté. 

« Il m’a séquestrée pendant 20 minutes. Je ne pouvais plus sortir de la maison, je ne pouvais plus rien faire. Il m’a dit : ‘Je vais te laisser sortir quand tu vas avoir trouvé une solution à mes problèmes.’ Finalement, au bout de 20 minutes, à force de discuter et de parler avec lui, on a fini par trouver une solution et j’ai enfin pu sortir… », a raconté la psychoéducatrice en marge de la manifestation qui s’est tenue mercredi midi devant les bureaux de la DPJ de la rue Dufferin.

Plus d’une centaine d’employés de la DPJ de l’Estrie ont participé à cette manifestation organisée par l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux, visant à ce que ses membres obtiennent la reconnaissance qu’ils réclament compte tenu de la situation.

Pénurie et surcharge

L’ATPS revendique depuis plusieurs mois de meilleures conditions de travail pour ses membres, aux prises avec une pénurie de personnel et une surcharge de travail, pendant que les listes d’attente à la DPJ ne cessent de s’allonger.

Malgré l’épisode de la séquestration et toutes les menaces qu’elle a pu recevoir depuis 10 ans, la psychothérapeute dit aimer encore profondément son métier. « Je l’ai tatoué sur le cœur », dit-elle. Mais elle ajoute qu’elle en est à ses dernières semaines à l’emploi de la DPJ. Elle a avisé son employeur qu’elle quittait ses fonctions « surtout pour des raisons liées à la conciliation travail-famille », dit-elle sans entrer dans les détails.  

Sa collègue Denise Morin ne cache pas, elle non plus, avoir envie de quitter.

« Moi aussi, j’ai mon métier tatoué sur le cœur. Mais quand tu regardes les conditions de travail, chaque fois qu’il y a une ouverture de postes, l’envie te prends d’aller travailler ailleurs », dit cette travailleuse sociale qui œuvre depuis 24 ans auprès des jeunes contrevenants.

Une situation que déplore Danny Roulx, représentant national de la région de l’Estrie pour l’APTS, qui rappelle que la DPJ est aux prises depuis des années avec un roulement de personnel important.

« Je regardais les chiffres avant de m’en venir à la manifestation de ce midi et ce qu’on constate, en Estrie, c’est que le niveau moyen d’ancienneté du personnel est de cinq ans. Les conditions de travail font en sorte que les gens ne restent pas », a-t-il répété. 

Un travail où, tous les jours, les employés sont confrontés à la pauvreté et à la misère, où les gestes de violence sont fréquents, rappelle-t-il.

Dans un contexte de pénurie de personnel et de personnel absent en grand nombre, il était encore plus important à ses yeux d’interpeller le gouvernement en faveur de ces « travailleurs dévoués ».