Malgré le froid mordant, les citoyens et les organismes étaient nombreux à avoir répondu à l’appel de la Bande féministe (la b.a.F) de se joindre à cette mobilisation contre les féminicides et les violences envers les femmes. « Qui sera la prochaine? Quand est-ce que cela va arrêter? » demande à la foule visiblement émue l’une des militantes féministes. « Écoutez-nous vivantes. Écoutez-nous avant qu’on perde notre dernier souffle, battue, poignardée, hachée, fusillée », poursuit-elle en référence à la manière dont les huit femmes ont été tuées.
« Huit féminicides en huit semaines, c’est plus qu’alarmant. C’est une crise de santé publique, il faut vraiment prendre cela au sérieux », déplore Marie-Danielle Larocque, agente de communication sociale pour ConcertAction Femmes Estrie, un des organismes présents lors de l’évènement.
Elle juge important de rappeler que la violence envers les femmes concerne tout le monde et l’ensemble des paliers gouvernementaux. « Il faut que tous les gouvernements mettent en place une stratégie pour enrayer cette violence-là ».
Elle invite d’ailleurs le gouvernement provincial à appliquer les 190 recommandations d’un comité d’experts qui figurent dans le rapport Rebâtir la confiance, pour mieux accompagner les victimes d’agressions sexuelles et de violence conjugale. rapport Rebâtir la confiance, pour mieux accompagner les victimes d’agressions sexuelles et de violence conjugale. « Le gouvernement a tous les éléments en main pour prendre des actions, mais il ne le fait pas », déplore-t-elle.
Des fonds et des actions
La députée solidaire Christine Labrie a rejoint la foule rassemblée devant le Marché de la Gare de Sherbrooke. « On a déjà dit beaucoup de choses, mais ce n’est plus le temps de dire des choses, il faut passer à l’action », a-t-elle lancé. Mme Labrie promet de faire connaître au gouvernement provincial les revendications des organismes estriens. « Je vais me charger avec plaisir d’envoyer la liste de tous les besoins financiers des organismes en Estrie qui souhaitent offrir davantage de services, à la fois aux victimes, mais aussi aux personnes qui ont des comportements violents et qui veulent obtenir de l’aide », assure-t-elle.
Selon Annie Pilon, la directrice adjointe de La Méridienne, une maison d’hébergement en Estrie, « le gouvernement doit comprendre que son dernier budget ne répond pas aux attentes, il doit réinvestir ». Son organisme se dit prêt à aider plus de femmes « mais il faut de l’argent ». Elle explique que davantage de fonds permettraient de consolider les services, mais, également, d’ouvrir de nouvelles places pour héberger les femmes en danger. « Les maisons en Estrie sont presque pleines et les demandes d’aide augmentent d’année en année », alerte-t-elle.
Mme Labrie se dit inquiète. « Avec le déconfinement, il va peut-être y avoir plus de séparations et on sait que c’est un moment très critique. La rupture, c’est le moment où il y a le plus de risques de féminicides », avertit-elle.
Mme Larocque pense qu’il est également important d’investir dans le logement social au Québec. « Le logement, c’est une des clés pour se sortir d’une situation de violence, mais aussi de pauvreté ». Elle trouve donc « aberrant » que « le gouvernement Legault ait investi seulement pour 500 logements sociaux, pour tout le Québec ».
Également présente lors de la manifestation, la conseillère municipale Annie Godbout pense que le palier municipal a aussi un rôle à jouer pour lutter contre la violence envers les femmes. Elle est d’avis qu’une meilleure concertation entre les différents acteurs pourrait être un geste important, surtout lorsque peu d’argent est disponible. « Il y a beaucoup d’organismes, ça ajoute au défi d’avoir beaucoup d’organismes, il y a un défi de cohésion sur le territoire », explique-t-elle. « Il y a toujours une question d’argent, mais il faut aussi que chacun joue bien son rôle », pense-t-elle.
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Un enjeu systémique
« On parle souvent d’argent et c’est important. Mais il faut aussi voir le problème des violences envers les femmes comme un problème systémique, comme un problème global de société », ajoute Mme Larocque. Il faut donc, selon elle, une réponse systémique à ce problème systémique « parce que les réponses actuelles ne suffisent pas ».
Elle juge important d’agir en amont, via l’éducation, et ce, de la petite enfance jusqu’à l’âge adulte. « Il faut tout le temps continuer à s’éduquer sur ces questions-là », affirme-t-elle.
Annie Pilon pense également qu’il faut des moyens pour accentuer la sensibilisation, notamment dans les écoles. « Les relations saines, ça commence à la base de l’éducation de nos filles et de nos garçons et c’est ce qu’on veut continuer à promouvoir ».
Mme Pilon demande à tous de rester disponible pour les femmes en détresse. « Tout le monde doit se sentir concerné, la violence conjugale ce n’est pas privée. Si vous avez des personnes autour de vous qui ont besoin d’aide, écoutez-les sans jugement et restez disponible pour elles. Même si elles ne prennent pas la décision de quitter directement, restez disponible car elles vont vivre de plus en plus d’isolement. »
Si vous êtes victime ou témoin :
SOS Violence conjugale 1-800-363-9010