Je les aime pour leur mystère, pour leur puissance naturelle, pour leur tranquillité effrayante presque provocante.
Je les déteste un peu parce que j’ai toujours cette envie de les dompter, de prendre le risque calculé de les gravir. Sauf que les volcans, contrairement aux montagnes, ont la fâcheuse habitude de ne pas passer par quatre chemins : ça monte presque comme sur un mur d’escalade. Presque, dans le sens de pas vraiment, mais l’absence de végétation et de sentiers, comme la pierre volcanique glissante, nous oblige en général à redoubler d’efforts pour atteindre les sommets.
J’ai passé tout droit au mont Tongariro, en Nouvelle-Zélande, faute de temps. J’ai randonné sur les flancs de la bête, mais mon pas trop lent m’a convaincu de ne pas chercher à atteindre le cratère. L’écriteau « En cas d’éruption, courez vers le bas de la montagne » ne m’avait pas convaincu. Valait mieux espérer que le géant ne se reveille pas, mon meilleur temps aux 100 mètres n’étant pas digne de mention.
Le défi était beaucoup moins éreintant pour l’Erta Ale, en Éthiopie, haut de seulement 613 mètres. Là, mon manque de cardio n’était pas la raison de mes difficultés respiratoires. Les nuages de fumée toxique, près du magma en fusion, m’ont privé d’oxygène un instant. J’ai réalisé le ridicule de m’être trouvé dans un énorme nuage de fumée noire, au sommet d’un volcan, quand on m’a fourni un masque à gaz de fortune au sommet du volcan Villarica, au Chili, d’où s’échappait un timide fumet. Deux poids, deux mesures.
Il fallait donc prévoir que mon incursion au Guatemala compterait au moins une de ces montagnes de feu.
À Antigua, la rue de mon auberge était bien connue pour sa vue sur le volcan d’Agua. Le monstre, qui domine la vieille ville de 2000 m et qui culmine à plus de 3700 m d’altitude, est presque impossible à manquer. Sauf qu’il se cachait dans un épais brouillard depuis mon arrivée.
Ce sont toutefois deux autres volcans qu’on m’offrait de fouler : Pacaya et Acatenango. Pour le premier, il fallait prévoir une demi-journée. Pour le second, il est recommandé de passer une nuit pour voir le volcan Fuego en éruption et observer le lever du soleil.
Cette fois-là, j’ai choisi l’option facile en suivant les recommandations des employés de l’auberge : mieux vaut choisir la randonnée de matinée. Primo, le soleil a des tendances matinales. Secundo, quand il pleut, les sentiers sont boueux et plus difficilement praticables en après-midi.
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Va pour le matin vers le volcan Pacaya qui, depuis mon passage, a connu d’importantes éruptions.
Au moment de partir d’Antigua, Agua était toujours emmailloté dans sa couette de brouillard. Rien à faire.
La camionnette a fait la tournée de la vieille ville pour récupérer tous les passagers et nous a déposés au pied du sentier. Des villageois ont offert de louer des chevaux pour monter sans le moindre effort. Honnêtement, ce serait un luxe inutile à moins d’avoir un amour inconditionnel pour l’équitation. On peut aussi se procurer un bâton pour stabiliser les jambes encore un peu endormies. Et on s’élance.
Pacaya aura probablement été un des volcans les plus faciles à gravir de toutes mes expéditions. Là, le sentier traverse d’abord une forêt avant le dernier droit, à découvert, exposé aux grands vents.
Sur un petit belvédère, nous avons effectué une première pause. « Ici, normalement, la vue est magnifique sur le volcan d’Agua », décline le guide. Nous ne voyions qu’une énorme toile blanche. Toute la pluie s’est mise à tomber. On repassera pour le soleil qui se pointe plus souvent en matinée.
La courte randonnée vers le sommet nous menait dans un paysage lunaire : des rochers d’un gris de déprime léchés par des nappes de brouillard vaporeuses. Même le cratère s’était en partie dissimulé.
Surprise : le guide avait amené, dans son sac à dos, un plein sac de guimauves à faire griller. Noircir des sucreries sous la pluie, au sommet d’un volcan, c’était une première pour moi.
Invoquons la loi de Murphy ou le karma, le ciel s’est dégagé sur le chemin de la descente. Au loin, on apercevait, incandescente, la traînée de lave que laissait échapper le volcan Fuego. Et la toile blanche qui cachait le sommeil du volcan Agua s’est entrouverte pour qu’on puisse au moins confirmer que notre guide n’était pas un menteur. Aujourd’hui, Pacaya est placé sous surveillance en raison des explosions qui y surviennent et des coulées de lave qui en émanent.
Par ailleurs, la pluie cacherait une bonne partie du beau et de l’inusité qu’offre Antigua. En montant vers Vuelta Grande, on peut visiter Hobbitanengo, un village écoresponsable avec des logis troglodytes tout droit sortis du Seigneur des anneaux. Si le stationnement, en haut de la montagne, peut être atteint en voiture, il faut prendre une navette pour franchir les derniers mètres escarpés. Par temps dégagé, la vue sur la vallée de Panchoy est semble-t-il sublime. J’ai un peu regretté de ne pas avoir prévu d’y passer la nuit, en espérant chasser le mauvais temps. Ce jour-là, il a suffi que je me fende d’un sourire jusqu’aux oreilles d’avoir atteint le sommet de la montagne pour que le brouillard s’épaississe... encore. En moins de deux, on ne voyait plus dix mètres devant soi. Remarquez, le mystère engendré donnait presque le goût d’écouter Bilbon nous raconter une vieille fable à propos d’un anneau magique.
Avec ses trois petites maisons, le site demeure visiblement très intime, même si les touristes peuvent le visiter sans y dormir. Les derniers visiteurs doivent néanmoins partir avant la tombée de la nuit, ce que j’ai fait à contrecœur en me promettant de revenir.