Tikal, c’est un énorme site archéologique de la civilisation maya précolombienne nommé au patrimoine mondial de l’UNESCO. J’aime ça, moi, les sites du patrimoine mondial de l’UNESCO, parce qu’ils ont forcément une histoire, une valeur immense, un cachet unique qu’on gagne à découvrir. On m’avait surtout déjà dit, après mon premier passage au Mexique, dans le Yucatan, que les pyramides de Tulum et de Chichén Itzá n’impressionnaient pas autant que celles de Tikal. Dès lors, la réserve de biosphère maya guatémaltèque s’était retrouvée sur ma liste d’endroits à visiter.
Parce que le transit n’est pas toujours simple, et surtout pas rapide, il m’a d’abord fallu subir six bonnes heures, de San Juan La Laguna à Guatemala City, à bord d’un « Chicken Bus », un autobus scolaire coloré qu’on hèle au coin d’une rue.
Qui dit « Chicken Bus » dit transport local. On s’y entasse par dizaines. Et on sourit en voyant les touristes s’y risquer. Pourtant, côté confort, j’ai vu pire. Seulement, c’est peu pratique pour pousser un roupillon quand on se retrouve coincé dans les congestions monstres à l’approche de la grande ville.
Autre point négatif, le terminus des « Chicken Bus », davantage une espèce de garage, est planté au milieu de nulle part, d’où il faut se débrouiller pour retrouver la civilisation. Et même les terminus de Guatemala City sont petits et désorganisés. J’ai à peine eu le temps d’attraper deux bananes et un paquet de biscuits que je m’embarquais pour la nuit vers Flores, ville de passage pour quiconque cherche à visiter Tikal.
Si certains s’installent là une journée ou deux, dans une ville grande comme la main dont le cœur touristique est une île sur le lac Peten Itza, j’ai opté pour l’inconfort d’un autre bout de route, encore près de deux heures, pour atteindre les portes du parc national. De l’entrée, où un scarabée plus gros que ma main déambulait sur le trottoir, il faut compter une quinzaine de minutes pour voir le bout de la route. Vaut mieux acquitter tous les frais d’entrée comme il se doit si on veut s’économiser un aller-retour inutile.
Le comble, c’est de dormir là, à l’orée de la jungle, à un saut de crapaud des sentiers menant aux ruines mayas. Si le budget le permet, c’est à mon avis un incontournable. Pas de vroum, vroum de la ville, pas de stress, mais le « hou-hou » des singes hurleurs, tôt le matin, pour ceux qui souhaitaient faire la grasse matinée.
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C’est grand, Tikal, mais ça se parcourt en une journée. Et je l’avoue, d’emblée, ce qui m’a surtout plu, c’est la densité de cette jungle, de ces arbres énormes dans lesquels de tout petits singes jouent à cache-cache pour nous observer de très haut.
Pendant presque toute ma visite, je me suis senti seul au monde. C’est probablement la joie de la basse saison et le choix de commencer par les ruines les moins achalandées, comme le palais des Acanaladuras.
Bien entendu, l’énorme Temple 1, ou Temple du Grand Jaguar, celui qu’on voit forcément sur toutes les photos, est particulièrement impressionnant. Comme d’habitude, avec ma grande maladresse, j’y suis arrivé en traversant l’acropole, où je n’avais probablement pas le droit de grimper. Quand on se perd et qu’on improvise en se guidant à vue de nez, on fait des bêtises. La pyramide la plus célèbre m’a presque paru irréelle, sur la Gran Plaza, si bien que je n’ai pas su réellement ce que je ressentais. Ça me fait ça, les monuments trop connus. La tour Eiffel m’a laissé aussi coi, entre l’émerveillement d’un enfant et l’indifférence totale. C’est beaucoup pour deux petits yeux qui ne savent plus comment tout voir.
En fin de compte, c’est surtout le regard qu’on porte, du sommet du temple d’en face, qui vole la vedette.
Avec le recul, j’ignore pourquoi je ne me suis pas aventuré très près du Temple 1 pour le sentir vibrer, pour me laisser dominer par ses 47 mètres de hauteur. Probablement qu’au fond, j’étais surtout intimidé.
De là, ceux qui poussent plus loin, vers la place des Sept Temples, peuvent s’offrir une longue volée de marches pour découvrir une vue sur le Monde perdu et la forêt qui s’étend partout à l’horizon. Mais il y a mieux encore. Vraiment mieux. Tout au fond du site, où les coatis ont la sainte paix pour fouiller les poubelles que les visiteurs ont abandonnées, on se tape l’ascension du Temple 4, à 65 mètres de hauteur celui-là. De là, l’horizon vert de la canopée laisse transpercer, comme des montagnes au-dessus des nuages, la cime d’autres constructions mayas. Justement, je me suis demandé ce qu’ils voyaient, les mayas, il y a environ 3000 ans. Et aussi, les 3000 bâtiments connus dans la portion centrale du site archéologique représentent quelle fraction de ce qu’a réellement été la grande cité où vivaient probablement plus de 100 000 individus?
Quand on se rapproche ainsi du ciel, on voit rapidement quand il prend la couleur de la suie, le ciel, et on reçoit le signal qu’il faut rentrer avant que la jungle nous coule dessus. C’est en se pressant dans l’écho du tonnerre qui tambourine qu’on se félicite de loger directement dans le parc.
Et parce qu’une demi-journée suffisait pour voir Flores et profiter de ses terrasses sur le toit des bâtiments, je n’ai pas tardé à m’offrir une autre nuit complète dans un bus pour rentrer à Guatemala City en me disant que je peinerais probablement à trouver un site maya plus impressionnant que Tikal.