Oui, j’aime sentir le béton sous mes pieds et progresser au pas de marche pour m’attarder aux façades des bâtiments, aux arbres majestueux, aux murales originales. Mais explorer une ville à vélo, c’est aussi se donner le droit de s’éloigner davantage « juste » pour voir le coucher de soleil sous un angle différent ou « juste » pour essayer un restaurant prisé du quartier chinois, à quelques kilomètres du lieu où on passera la nuit.
Avec Mobi, on peut choisir le forfait d’une journée, à 12 $ pour l’abonnement et à 6 $ pour chaque tranche de 30 minutes dépassant la première demi-heure gratuite. Pour un mois, on chargera plutôt 25 $, un prix très avantageux dès qu’on souhaite rester plus que deux jours. Les frais pour ceux qui s’éternisent passent alors à 3 $ pour chaque 30 minutes supplémentaires. Dans tous les cas, il suffit de verrouiller la bicyclette à nouveau dans une des multiples stations pour remettre le compteur du temps à zéro. Les radins comme moi surveillent leur montre et planifient les arrêts en conséquence.
Vancouver a compris. Les pistes cyclables sont presque partout au centre-ville. Là où des voies cyclables ont été aménagées, on a souvent installé une bordure de béton pour séparer les vélos des voitures. Une peinture verte au sol permet de repérer rapidement les traverses à risque. Même les promenades où cyclistes et piétons se croisent sont suffisamment larges pour permettre des couloirs séparés et bien identifiés par la signalisation. Y’a que l’accès aux ponts cyclables, parfois, qui sèment la confusion et qui envoient les pogos moins dégelés, comme moi, au cœur de la circulation automobile. C’est là qu’on réalise qu’une infrastructure parallèle nous permettrait de rouler en toute sécurité. Ouais! Un peu pogo, le touriste.
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Le seul vrai défaut du réseau de vélopartage vancouvérois, c’est qu’il ne va pas encore partout. Pas de borne pour s’enfoncer dans le quartier de Kitsilano ou pour l’Université de Colombie-Britannique. Rien pour Vancouver
Nord non plus.
Mais il y a bien de quoi s’amuser, déjà, au centre-ville, où on peut se laisser tenter par la paresse pour franchir trois coins de rue plus rapidement, une fois qu’on a payé notre abonnement.
Ma première promenade m’a mené autour de False Creek, où la berge fait le bonheur de joggeurs. Les parcs George-Wainborn et David-Lam sont de petites oasis de verdure parfaites pour se poser, pour regarder les passants, ou même pour observer les bateaux sur la baie. La vue y est parfaite sur les silos couverts d’œuvres d’art, à proximité de l’île Granville, et pour développer l’envie de monter à bord d’un bateau-taxi, un aquabus, qui représente une curiosité en elle-même.
J’ai levé les yeux vers les étages des tours d’habitation avec vue sur la baie. Je me suis demandé combien un appartement aussi bien situé à Vancouver pouvait coûter avant de m’interroger sur la vue dont bénéficient les locataires. Ce coin-là de la ville présente une aura de bonheur, de calme. On a l’impression que de vivre là, c’est avoir mal aux joues tellement on sourit. Et forcément, parce qu’on peut courir autour de la baie, on retrouverait tous une forme d’enfer si on déménageait dans le quartier. Pas le choix!
Des fois, j’ai presque regretté d’avoir pris le vélo, même, parce que l’art me tombait dans l’œil partout le long de la route. M’arrêter chaque fois m’aurait largement ralenti. On peut penser au Trans Am Totem, un tronc d’arbre surmonté de voitures empilées, un hommage à la technologie et une critique à la fois de la culture des biens de consommation jetables. L’architecture du musée Science World est à elle seule un chef-d’œuvre qui insuffle une touche de modernité supplémentaire au panorama. On verra aussi les moineaux géants du village olympique ou l’intrigant montage « Should I be worried », une structure aux allures de quai abandonné surmontée d’un écriteau qui pose LA question qu’on devrait peut-être se poser : devrions-nous nous inquiéter.
On trouvera des stations Mobi éloignées à l’entrée de l’île Granville, certainement un incontournable pour quiconque a envie de se battre avec des goélands pour deux ou trois frites.
L’île Granville, c’est un énorme marché public où des repas d’un peu partout sur la planète sont servis. Difficile de faire un choix entre les saucisses allemandes, les bols de poké, les sandwichs végans et les pâtisseries abondantes. C’est aussi une occasion de s’attarder dans les boutiques des artisans ou de se payer une crème glacée artisanale. Bien entendu, on peut aussi faire le plein de fruits et légumes, et même s’y payer un tour guidé.
Le look de l’endroit est chouette, aussi, puisqu’on a recyclé de vieilles usines pour passer du monde industriel à une modernité dominée par les foodies et les artistes.
Parce qu’on a pédalé jusque-là, on mérite bien les calories de Lee’s Donuts, qui sert apparemment des beignes à se rouler par terre. Mon taux de sucre remercie mon impatience et l’interminable file d’attente qui m’ont découragé. Ma recherche infructueuse d’une sucrerie aussi satisfaisante, sans file d’attente, m’a à tout le moins permis de m’égarer un peu à travers les vieux bâtiments.
Si revenir sur nos pas ne nous plaît pas comme idée, on peut toujours traverser la baie sur le pont qui lie le centre-ville à l’île Granville et faire son bonhomme de chemin vers une des plages où se rassemblent les citadins en fin de journée.