La cuisine cajun du Copper Coil Still & Grill, comme son dessert de smores, valait bien un petit détour. Le calme à la lueur des réverbères aussi, à bien y penser. Mais tout bien pesé, j’aurais dû poursuivre ma route jusqu’à Whistler. Les remugles de l’auberge de Squamish y sont peut-être pour quelque chose. Là, la chambre, même la fenêtre béante, transpirait l’effort bien senti.
À Whistler, ce ne sont pas les hébergements qui manquent. Même avec plus d’une trentaine de lits, l’auberge aux allures de chalet que j’avais choisie réussissait à créer des bulles d’intimité. Quelle que soit la fenêtre par laquelle on regardait, la forêt s’imposait. Je me sentais à la maison. Comme les hôtels, l’endroit était frappé par le spectre de la COVID. On n’y louait qu’un lit sur deux. On nettoyait sans relâche. Je n’y ai croisé que trois ou quatre autres vacanciers.
J’aurais passé la nuit là, donc, pour rentabiliser la journée du lendemain. Parce que dans le village de Whistler, avec ses airs de Tremblant, on peut faire les boutiques, se poser au soleil pour observer les consommateurs aguerris, ou jouer les gastronomes dans un des multiples restaurants destinés aux touristes.
Une fois la traditionnelle photo croquée avec les anneaux olympiques, je me suis engagé dans le flot de piétons qui détonne avec le silence qu’on cueille à peu près n’importe où où on s’arrête à l’extérieur du village. En début d’après-midi, les vélos de montagne sont partout à proximité du remonte-pente de Whistler. Sans monture à deux roues, l’ascension n’était possible que par le secteur Blackcomb, dont le pied se trouve à moins de dix minutes de marche.
Parce que chaque montagne semble avoir sa gondole mythique, ici, l’attraction, c’est la Peak 2 Peak Gondola, un téléphérique qui assure le transit, perché comme un coucou, entre Blackcomb et Whistler. Les cabines immenses, auxquelles on accède moyennant la vertigineuse somme de 75 $, permettent de traverser les 4,4 km entre les deux sommets, au-dessus de la vallée Fitzsimmons, en onze minutes seulement. Les amateurs de statistiques se réjouiront d’apprendre qu’il s’agit du téléphérique avec la deuxième plus longue portée entre deux pylônes.
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Chaque cabine peut accueillir jusqu’à 28 passagers. Je vous le donne en mille, la COVID m’en avait donné une pour moi tout seul. Personne à qui m’agripper, donc, quand la bulle de verre plonge vers la vallée après les premiers pylônes. Personne à effrayer non plus, au point le plus haut, soit environ 416 mètres, en lui rappelant que la chute serait brutale si un pépin survenait. Je n’y peux rien, j’y pense chaque fois un instant.
Pour les 75 $, on se tape les onze minutes de sommet en sommet autant de fois qu’on veut pendant les heures d’ouverture. Mais une fois qu’on descend d’une montagne, pas possible de remonter. Le prix inclut aussi normalement un accès au Cloudraker Skybridge, un pont suspendu de 130 mètres au plancher grillagé qui permet de bien sentir l’effet de l’altitude. L’été dernier, cette attraction était toutefois fermée en raison de la pandémie.
Est-ce que je ferais les allers-retours dans le téléphérique pour rentabiliser mon billet? Pas vraiment, à moins de vouloir attraper une des rares gondoles dont le plancher est complètement vitré pour provoquer quelques palpitations. Est-ce que l’activité doit absolument figurer parmi les cinq incontournables d’un voyage en Colombie-Britannique? Probablement pas non plus.
Les sommets des montagnes, eux, valent évidemment qu’on s’y attarde. Une demi-journée pour randonner et traverser de Blackcomb à Whistler en téléphérique, c’est très peu. Trop court en fait. Mais mieux que rien.
C’est qu’un réseau de 50 kilomètres de randonnée nous attend et il y a de quoi s’amuser selon ses capacités.
Fort de mon expérience à la Sea to Sky Gondola, à Squamish, où le temps requis pour chaque sentier semblait basé sur la vitesse d’un enfant de trois ans, j’ai tenu pour acquis qu’on ne pouvait faire confiance à aucune estimation. Je n’ai pas cru qu’il me faudrait une heure et demie, au sommet de Blackcomb, pour franchir la distance du sentier Overlord, évalué à 4,2 kilomètres en incluant le sentier d’accès à partir du téléphérique. Je n’avais surtout pas compris que, contrairement à Squamish, là, les distances devaient être multipliées par deux pour l’aller-retour.
Qu’à cela ne tienne, je n’ai jamais regretté de m’être engagé dans cette randonnée considérée de niveau intermédiaire, qui m’a souvent donné envie de m’arrêter pour apprécier la vue. Peu importe le nombre de photos que je prendrais, aucune représentation ne serait fidèle à la réalité. Il me fallait m’imprégner pleinement de l’ambiance, me laisser bercer par la brise glaciale arrivée des glaciers et pouffer de rire en apercevant une marmotte paniquée, sur sa roche, que je n’ai vue qu’après avoir pesté quelques minutes contre son cri strident qui me gâchait le silence. J’ai ri beaucoup. Pas de la pauvre marmotte, mais de voir qu’une si petite chose pouvait émettre autant de bruit. On a « l’intermédiaire » facile, à Whistler, si bien que la promenade, même si elle nous fait suer un peu, est très, très agréable. Surtout pas éreintante. Et les clairières, remplies de petites fleurs colorées, les minuscules ruisseaux, qu’on traverse sans crainte en sautant de roche en roche, et les sommets partout dans le lointain, immenses malgré la distance, ne peuvent qu’avoir un effet apaisant. Même forcé de porter le coupe-vent en raison des caprices d’Éole, j’ai compris que je préférerais toujours l’altitude qui me rapproche du ciel aux plages ensoleillées trop faciles d’accès.
Whistler m’a rappelé mon amour des montagnes. Et il m’a fait regretter de n’avoir prévu qu’une journée et une nuit pour les contempler.