Même si la direction de BRP s’est assurée d’instaurer les mesures de contrôle appropriées, 10 cas d’infection ont néanmoins été déclarés parmi ses travailleurs.
Sachant qu’il suffit qu’un seul employé se mette en danger hors du travail pour mettre en péril les activités de toute une entreprise, comment gérer une telle situation ? Comment concilier les droits des travailleurs et les obligations des employeurs dans le contexte actuel ?
Selon Manon Poirier, directrice générale de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés (CRHA), il s’agit d’une responsabilité partagée : « Tous les employeurs ont la responsabilité d’assurer un milieu sain et sécuritaire à l’ensemble de leurs employés. Mais les employés ont, eux aussi, une responsabilité légale de contribuer à ce milieu sain et sécuritaire ». À commencer par le fait de ne pas se présenter au travail si l’on présente des symptômes ou si l’on se sait atteint du virus.
Mme Poirier reconnaît que pour certains employés, le fait de rester à la maison peut vouloir dire une perte de revenus, si le nombre de congés permis a déjà été atteint. Dans certains cas, et si cela est possible, l’Ordre recommande aux employeurs de revoir leur politique de congés et de faire preuve d’un peu de souplesse.
« Dans le contexte actuel, est-il possible de bonifier les congés, ne serait-ce qu’un peu ? Sinon, on se retrouve dans cette problématique où on demande à l’employé de choisir entre perdre du salaire ou exposer ses collègues à un risque d’infection. L’important, c’est de mettre des balises et que ces balises soient clairement expliquées et comprises par tous les employés. »
Directives claires
Selon Mme Poirier, lorsque les directives sont claires, « la grande majorité des travailleurs vont se présenter et faire leur travail. C’est certain qu’il va toujours y avoir des gens qui vont chercher à abuser de la situation. Mais il faut faire attention de ne pas pénaliser la majorité du groupe pour quelques individus. Si on se rend compte qu’on a des doutes, on peut toujours questionner et demander des preuves. »
Selon la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), « le refus d’une personne de se présenter au travail ou son absence sans justification ni lettre de démission ne peut pas être interprété comme un départ volontaire. »
Dans une telle situation, l’employeur est tenu de communiquer avec l’employé de façon vérifiable, comme par courrier recommandé. Cependant, la lettre ne doit en aucun cas contenir des menaces ni de suppositions, rappelle la FCEI.
« Si l’employé persiste à ne pas répondre, il faut continuer à consigner l’absence de réponse avant d’envisager l’abandon d’emploi ou la non-exécution du contrat. De telles situations doivent être gérées au cas par cas », recommande la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante.
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Une peur bleue de retourner au travail
Au Québec, deux travailleurs sur cinq (44 %) disent éprouver de la peur à l’idée de retourner dans leur milieu de travail. Un employé sur deux (50 %) refuserait carrément de remettre les pieds au travail s’il sentait que son employeur ne prend pas les mesures nécessaires à sa sécurité face au coronavirus.
Ces chiffres sont ceux que la firme KPMG a recueillis lors d’un sondage mené au début du mois d’août auprès de 1080 travailleurs québécois. Ils révèlent aussi que, pour la quasi-totalité des travailleurs (92 %), la pandémie est loin d’être terminée et qu’une deuxième vague est envisageable dès la rentrée d’automne.
Ce que craignent les travailleurs, c’est de contracter la COVID-19 au bureau et par la suite de contaminer leurs proches (71 %). Parmi eux, 73 % se disent inquiets de l’attraper par un collègue asymptomatique ou par un collègue qui se présenterait quand même au travail en se sachant malade.
À l’heure où les entreprises ont de la difficulté à redémarrer, ces données viennent confirmer que l’absentéisme risque de continuer de faire mal au cours des prochains mois. Ou du moins jusqu’à ce que l’on revienne à une certaine normalité.
L’importance de communiquer
Selon le sondage de KPMG, tout n’est pas perdu pour les employeurs. Malgré les craintes qu’ils expriment pour leur santé, près de neuf travailleurs sur 10 (87 %) ont confiance que leur employeur prendra et maintiendra toutes les précautions nécessaires pour protéger leur santé et leur sécurité.
« C’est clair, la pandémie oblige tous les employeurs à instaurer des protocoles et des mesures de sécurité, et à repenser leurs façons de communiquer avec les employés. Mais la bonne nouvelle dans tout ça, c’est que ces derniers ont confiance que leur employeur sera à la hauteur de la situation à ce sujet », dit Yvon Audette, chef de l’exploitation, services-conseils en management, de KPMG Canada.
Et si tel est le cas, 78 % des Québécois seraient plus fidèles à leur employeur ou fourniraient volontiers un effort supplémentaire sachant que leur entreprise a leur sécurité à cœur. Alain Goupil