Le bitume disparaît aussitôt le virage, le vrai, entrepris. Une légère traînée de poussière cherche à dérober la bagnole du regard des villageois pourtant fort sympathiques. D’ailleurs, au coin que je viens de tourner, l’ancienne église abrite désormais le restaurant Au clocher, un mur d’escalade, un dépanneur, une salle de visionnement et une salle communautaire. Rien que ça! Les déjeuners y sont d’ailleurs la source de plusieurs miam.
Retour à la forêt du parc régional, donc, qui s’écarte seulement pour laisser passer la largeur d’un véhicule jusqu’à l’orée de la rivière Mistassibi, où une dizaine de tentes rondes, des espèces de yourtes, sont dressées dans un campement éphémère. C’est le village de l’Hôtel Uniq, dont l’acronyme signifie « unités nomades insolites québécoises », une forme de camping de luxe qui s’installe pour plus ou moins deux semaines dans une région avant de lever les feutres et de s’établir dans un autre coin du Québec.
Dormir à l’Hôtel Uniq, c’est les avantages du camping et le confort d’un vrai lit pour passer la nuit. Et après, on peut se vanter d’avoir vécu une expérience un tantinet inusitée. Fin juillet début août, l’hôtel nomade, qui en est à son premier été, lançait ses activités au pays des bleuets, à un jet de pierre de la Chocolaterie des Pères Trappistes.
Le concept lancé par deux entrepreneuses de tout juste 29 ans s’est ensuite déplacé au lac Taureau, évidemment pas assez longtemps pour prendre racine. À nouveau déconstruit le 1er septembre, le village nomade, aussi composé d’un chapiteau communautaire pour les repas, prendra la route des Jardins Métis, entre le 4 et le 20 septembre. Il fermera boutique le 12 octobre, après s’être installé dans la baie de Beauport depuis le 22 septembre.
Si les douches chaudes les plus proches, à Saint-Stanislas, se trouvaient à une dizaine de minutes de voiture, tous les autres sites choisis pour cet été auront de quoi se savonner en tout confort. Le caractère éphémère de l’expérience permet néanmoins de s’aventurer sur des sites où on n’aurait peut-être jamais séjourné.
En soirée, autour du feu, les campeurs qui le souhaitent peuvent se retrouver, partager leurs aventures de la journée, ou simplement profiter d’une bouffée de chaleur. L’esprit communautaire et la discussion s’imposent sans forcer. Un couple rencontré au parc des Grandes-Rivières se promettait d’ailleurs de visiter les quatre versions de l’Hôtel Uniq tellement le concept lui a plu.
Pourtant, cette première année d’hébergement atypique avait été planifiée bien différemment. COVID oblige, les aspirations de Solène April et Myriam Corbeil, à l’origine du concept, ont été revues à la baisse.
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Les deux femmes bossaient depuis 2019 à mettre au monde un projet qui saurait emprunter des routes moins explorées. Elles ont quitté leur boulot à temps plein et ont remporté, dans un concours organisé par l’UQAM, l’accompagnement d’un coach pendant quatre mois. « Au départ, nous voulions un concept quatre saisons, mais toujours en hébergement éphémère. Nous avons trouvé des entreprises comparables, mais seulement après avoir peaufiné notre idée. Nous trouvions le concept flexible. Il nous permettrait d’offrir de l’hébergement lors de mariages, de festivals, ou de mettre en lumière des attraits touristiques », explique Solène April.
Un prototype de tente quatre saisons a été fabriqué. Trop lourd, il a été remplacé par des « lotus », ces tentes aux allures de yourtes. « Nous étions en train de signer des ententes avec des festivals quand la COVID a frappé. Nous étions à une semaine de commander une trentaine de tentes. Finalement, avec nos moyens financiers et les événements qui étaient annulés, nous pouvions nous en procurer dix. Nous avons donc écrit à plusieurs parcs nationaux où il serait possible de respecter la distanciation physique et de fil en aiguille, nous avons pu conclure quatre partenariats », ajoute-t-elle.
Même la fabrication du matériel s’est vue retardée par la pandémie, si bien qu’il n’était pas possible d’ouvrir l’Hôtel Uniq avant le 24 juillet, une fois la saison touristique bien amorcée.
« Finalement, je suis contente d’avoir commencé avec dix hébergements. Ça nous laisse le temps de jaser avec chaque personne. Et pour l’an prochain, nous visons d’avoir un village festif, qui ira d’événement en événement, et un village nature, qui se promènera dans les parcs. Nous gardons le concept de dix lotus par village. »
Pour le moment, Solène April compte travailler au courant de l’hiver pour revenir à son hôtel en même temps que le beau temps. Myriam Corbeil, elle, aura de quoi s’occuper avec son doctorat en psychologie.
« Je suis contente de l’ambiance que nous avons réussi à créer. Nous demandons un minimum de deux jours par séjour pour que les visiteurs aient le temps d’apprécier l’expérience. »
Et même en deux jours, quand on a l’esprit nomade un peu, il est facile de négliger les activités de plein air autour du site d’hébergement. Par exemple, au parc des Grandes-Rivières, les distances vers Val-Jalbert, le Zoo de Saint-Félicien ou même le parc national de la Pointe-Taillon, permettaient de faire des excursions d’une journée.
Il faut bien sûr démontrer un penchant pour la nature avant de se pointer à l’Hôtel Uniq. Les toilettes peuvent parfois être rustiques. En plus du lit double présent dans chaque unité, il est possible d’ajouter un lit pour un supplément. Chaque tente est équipée d’une lampe et d’un ventilateur, au besoin.
En rétrospective, la pandémie aura permis de lancer un nouveau concept tout en douceur. D’ici la conclusion de la première saison de l’Hôtel Uniq, les week-ends affichent complet. Selon des sources bien informées, il reste toutefois des disponibilités en semaine.