Dans ce documentaire, outre la barrière linguistique qui sépare les peuples autochtones et les Canadiens français, le réalisateur québécois Santiago Bertolino explore les thèmes de la réconciliation, de la décolonisation et de l’appropriation culturelle sous le regard de l’artiste autochtone engagée.
Par le discours, la poésie, la musique, le théâtre et la danse, celui qui en est à son troisième long métrage souhaitait faire parler une femme qu’il décrit comme « un mélange puissant de force et de douceur ».
Santiago Bertolino raconte avoir rencontré Natasha Kanapé Fontaine par hasard lors d’une manifestation environnementale.
« Sa façon de s’exprimer m’a tout de suite interpellé. Elle avait récité un slam très fort. Quand elle parlait, les gens étaient hypnotisés. Elle avait une force d’attraction. Sa parole ne glissait pas, elle entrait à l’intérieur des gens », raconte celui qui n’a pu s’empêcher de lui proposer l’idée d’un documentaire qui aborderait les enjeux autochtones.
« Elle n’a rien dit. Elle m’a rappelé un an plus tard et elle m’a dit : “On le fait maintenant!” »
Ainsi, de la Slovénie à Kuujjuaq, en passant par la Grande Nuit de la poésie de Saint-Venant, le cinéaste montréalais a suivi Natasha Kanapé Fontaine à travers la promotion de son œuvre littéraire Kuei, Je te salue.
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De la compréhension à l’action
Santiago Bertolino se qualifie comme un homme engagé socialement qui écrit des films pour amener les gens à se questionner. Après avoir abordé les thèmes de la grève étudiante (Carré rouge sur fond noir, 2013) et du journalisme de guerre (Un journaliste au front, 2016), il trouvait important d’« éveiller la population face à la réalité que vivent les peuples autochtones ».
Comme son père, Daniel Bertolino, est aussi documentariste, il explique avoir été introduit à cette réalité très tôt dans sa vie.
« Quand j’avais trois ou quatre ans, mes parents ont lancé la série Légendes indiennes à Radio-Canada, où des autochtones devenaient les acteurs d’une légende qu’ils représentaient. Je me rappelle être allé plusieurs fois sur les lieux du tournage et de m’être fait bercer par des kukum (qui signifie grand-mère en innu). »
Il raconte s’être lié d’amitié, en grandissant, avec des Algonquins avec lesquels il passait du temps dans le parc de La Vérendrye. « J’ai tranquillement passé de la compréhension de la culture à la réalité post-colonisation et post-pensionnat que les peuples autochtones vivaient. J’étais conscient des enjeux autochtones, mais on en parlait encore trop peu dans les médias. »
« J’espère qu’ensemble, on va être capable de tanner les peaux, de nettoyer les imperfections, de pouvoir s’échanger les peaux ensemble, sans maladie [rire]. Puis de s’habiller avec tout ce qui fait la beauté de nos identités ensemble et de faire un Québec dont on rêve, un Québec d’échange, un Québec de partage des valeurs, un Québec qui s’assemble, qui se ressemble et qui est métis. »
Une responsabilité sociale
Le cinéaste révèle avoir toujours été habité par une certaine « responsabilité sociale » dans la réalisation de ses documentaires. Même s’il trouve parfois cela épuisant, il insiste sur le fait que c’est ce qu’il aime faire.
« Mon film, c’est une introduction à toutes les problématiques autochtones. Je veux donner aux gens le goût de s’intéresser à la culture des Premières Nations, d’avoir envie de les écouter, de comprendre leurs besoins et de les soutenir. »
Il espère aussi qu’en faisant de l’éducation citoyenne, on puisse un jour compter sur « un programme d’éducation qui permettrait aux enseignants d’aborder l’histoire des peuples autochtones et d’expliquer rapidement ce qu’est le racisme systémique aux jeunes ».
Devant le lourd passé colonial des peuples autochtones, le cinéaste révèle ne pas être en mesure de donner les réponses à toutes les questions que soulève Natasha Kanapé Fontaine dans son film.
« C’est normal que des gens se remettent en cause et qu’ils soient ébranlés en voyant ce documentaire. Après, ils font le choix de s’informer ou de faire abstraction de tout ce qui est arrivé dans le passé », admet-il.
Le long métrage documentaire Nin E Tepueian — Mon cri est présenté au Festival Cinéma du monde de Sherbrooke du 18 au 25 juin 2020. L’édition numérique de cette année permet de visionner gratuitement des œuvres qui ont marqué le public à l’international. La liste des films à l’affiche se trouve au https://fcms.ca/programmation-en-ligne/.