Chronique|

Des nouvelles des aventuriers confinés

Julien Bilodeau et ses coéquipiers se sont entraînés en février dernier au réservoir Manicouagan, afin de se préparer à leur expédition prévue l’an prochain, en mars 2021.

CHRONIQUE / Ils carburent aux découvertes, aux terrains inexplorés, aux vastes terrains de jeu. Comment se portent nos aventuriers confinés? La Tribune s’est entretenue avec Julien Bilodeau et Frédéric Dion.


En mars 2021, Julien Bilodeau et ses coéquipiers doivent entreprendre une traversée du Canada, du nord au sud. L’objectif : parcourir quelque 8000 km en vélo, canot et ski de fond.

Il y a cinq ans, Julien Bilodeau traversait le Canada de Montréal aux Territoires du Nord-Ouest. Avec ses compagnons de l’aventure Les chemins de l’or bleu, le Sherbrookois avait parcouru près de 7000 km.

Comment ça va, le confinement?

« Pour quelqu’un qui aime bouger, c’est crève-cœur d’être à la maison. J’aurais beaucoup de temps pour aller pagayer en canot, partir en randonnée ou en camping. C’est un peu crève-cœur d’avoir tout ce temps-là. La chose que j’aime le plus au monde, c’est d’enseigner mais la deuxième, c’est l’aventure et les expéditions. Là, j’ai beaucoup de temps, ce que je n’ai pas d’habitude. Je n’ai pas la possibilité d’y aller, mais ce n’est pas grave, parce qu’on a un projet qui s’en vient. La logistique est déjà compliquée, on se retrouve dans une logistique encore plus complexe. On a beaucoup de temps pour préparer ce qu’on va avoir à préparer pour le mois de juin », lance d’entrée de jeu Julien Bilodeau, enseignant à l’école spécialisée du Touret, à Sherbrooke.

Ce n’est pas parce qu’il est forcé d’être en pause que son grand projet l’est aussi. « Ça me permet de relativiser beaucoup de choses. Le monde est en mode de solution. Une expédition, c’est beaucoup ça, être en mode solution », dit-il en notant également que le confinement lui donne l’avantage d’être moins à la course.

Le grand départ est prévu autour du 15 mars 2021. Le trio (qui se transformera en quatuor au cours de l’expédition) prévoit se faire déposer sur l’île d’Ellesmere, à la station météorologique Eureka. L’arrivée doit se faire à Pointe-Pelée au lac Érié en Ontario.

« On n’a jamais rien mis sur la glace. Pour nous, c’est 2021 », lance-t-il en notant que l’expédition pourrait aussi être décalée par la force des choses.

L’aventurier Frédéric Dion

De grandes décisions

Toutefois, note Julien, l’équipe tiendra d’abord compte des consignes de santé publique. Les équipiers seront aussi appelés à prendre des décisions importantes. Par exemple, évalue-t-il, s’ils veulent que leur matériel soit livré à temps, ils devront mettre celui-ci sur un bateau qui dessert des communautés autochtones… en juillet prochain. Le navire quitterait alors avec de la nourriture pour 120 jours par personne et presque tout l’équipement de plein air de Julien. Un échéancier qui viendra très rapidement, surtout dans le contexte actuel.

Il raconte qu’il entend notamment cuisiner des plats déshydratés maison pour environ 80 jours d’expédition.

L’équipe devait aussi lancer une campagne de sociofinancement. Elle fait encore partie des plans, mais les circonstances forcent à revoir le moment.

En février dernier, Julien Bilodeau et sa bande sont allés s’entraîner au réservoir Manicouagan. En 18 jours, ils ont parcouru 240 km. « On avait beaucoup de choses à essayer : les menus, l’équipement hivernal, bâtir un esprit d’équipe... Il faut qu’on se connaisse dans nos pires moments avant de partir. Ce n’est pas le temps d’être en plein milieu sur la banquise de l’Arctique et de commencer à se rendre compte qu’il y a des éléments qu’on aime un peu moins. »

Julien Bilodeau lors du « camp d’entraînement » dans le secteur du réservoir Manicouagan, en février dernier. 

Aventures et philosophie

Ceux et celles qui suivent Frédéric Dion le savent : l’aventurier diffuse des capsules en ces temps de confinement. Le Montcarmelois y voit une occasion de réflexion dans ce temps d’arrêt forcé.

« Les outils que j’ai développés pour mes aventures sont des outils qui s’appliquent bien dans la vie, dans la situation que l’on vit. Quand on parle de choisir son attitude, choisir plutôt que subir, de se donner des missions et y aller une étape à la fois... Le seul moment dans la vie où on a du pouvoir, c‘est dans le ‘‘ici et le maintenant’’. »

Il a eu envie de partager ses réflexions. « On parle de temps de solidarité. Chacun a son petit effort à donner : les médias, on connaît votre part, les gens de la santé, des transports... Aventuriers... Mmmm... Ok. Moi, c’est ça, ces outils-là, la capacité de les rendre accessibles et de les diffuser. C’est ma façon d’être solidaire », dit celui qui a élaboré le concept de l’antidoute avec sa conjointe psychologue.

En ces temps de confinement, la famille de Frédéric Dion fait la part belle aux conversations philosophiques. « On est beaucoup tourné vers la philosophie. On a un petit pot avec des pensées. Chacun pige une pensée, la lit, et on en discute, si on est d’accord ou pas. On a toujours un 20 minutes de philosophie en famille. »

À l’instar de tout le monde, Frédéric Dion voit son quotidien chamboulé : ses conférences ont été annulées, ses camps de survie... L’aventurier caressait l’idée d’atteindre le pôle intérieur de l’Europe à l’automne 2020, mais le projet sera vraisemblablement mis sur la glace. « J’en étais à étudier quel serait le prochain pôle », dit-il en ajoutant qu’il penchait pour l’Europe ou l’Australie. Rappelons que l’aventurier souhaite, au cours des 10 prochaines années, atteindre les pôles intérieurs des continents. Il est revenu d’Amérique du Sud à la fin janvier en compagnie de ses deux comparses, Jacob Racine et Daniel Barriault.

Il en est d’ailleurs à l’étape de production du film de son dernier périple, qui devrait être prêt en juin.

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