SanSe, qui célébrait son 50e anniversaire, c’est un énorme festival de rue qui se tient dans le vieux San Juan, notamment dans la rue San Sebastian. Musique, danse et exposition d’artisanat figurent notamment à la programmation. Tout tête en l’air que je suis, je l’ignorais quand j’ai réservé mon billet pour le Sud. Mais je trouvais que ça tombait bien, si on excluait les difficultés à trouver un lit à bas prix pendant le festival.
Le festival, c’est la fin des célébrations du Nouvel An. C’est aussi un événement touristique de grande ampleur. On vient de partout pour danser et faire la fête, si bien qu’on attend annuellement environ 200 000 festivaliers dans la vieille ville.
Quand l’île a été secouée par des tremblements de terre, fin décembre, puis début janvier, l’organisation du festival, qui relève de la municipalité de San Juan, a été remise en question. D’une part, on évoquait la solidarité envers les sinistrés, ceux qui, au sud du pays, dormaient dans la rue de peur de voir leur maison s’effondrer. D’autre part, on faisait valoir la sécurité. Les fêtards, entassés dans la péninsule de la vieille ville, risquaient de se trouver au milieu d’un mouvement de panique si un séisme frappait en pleines célébrations.
La mairesse Carmen Yulin Cruz a décidé que l’événement aurait lieu. Les Portoricains en avaient besoin dans un moment où leur économie chancelait. Seulement, la foire des artisans serait remise en février. Et les annulations, dans les hôtels, se sont multipliées.
J’ai parcouru la vieille ville le lundi avant le lancement des activités. Les touristes se faisaient rares, dispersés çà et là dans les rues du quartier. Rien pour embêter les cols bleus qui commençaient à installer des clôtures métalliques partout, partout, partout. Partout où il ne fallait pas que des touristes intoxiqués s’aventurent.
Les monuments importants, les plates-bandes et surtout les bords de falaises et les sommets de ramparts ont été sécurisés. Lentement, on bouclait le Campo del Morro, la très vaste terrasse venteuse menant au fort El Morro, probablement une des plus vieilles constructions espagnoles du genre de l’Amérique du Nord. Le terrain de jeu de ce site inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO est tout simplement trop grand pour qu’on laisse les étrangers alcoolisés s’y abandonner sous la pleine lune.
Je m’attendais à une déferlante, à une pluie torrentielle de touristes pré-SanSe qui, comme moi, se donneraient l’occasion de voir le vieux San Juan sans maquillage ni artifice, avant qu’il n’enfile ses habits d’hôte de l’événement le plus festif de l’année.
Rien. À part les clôtures et des toilettes temporaires, bien sûr. Et les scènes, aussi, qu’on dressait au détour des grandes places ou des petits espaces publics le moindrement dégagés.
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Le décompte s’est essoufflé. La fin de semaine s’est présentée et le coup d’envoi a été donné, notamment avec le défilé des personnages dont les têtes énormes sont faites de papier mâché. Vraiment, on sent le talent et le soin dans la fabrication des masques plus grands que nature. Quand on voit les individus déambuler, leur grosse tête sous le bras, on ne peut que s’incliner devant la ressemblance entre l’art et la réalité.
Quelques artisans s’étaient pointés malgré tout. Et dans l’après-midi, jusqu’à la tombée du jour, on tombait sur des manifestations musicales directement dans la rue. Des artistes sur des échasses dansaient énergiquement au son des tambours et entraînaient à leur suite des danseurs amateurs, téléphone au bout du bras pour capter des images.
L’animation, par temps clair, se concentrait surtout dans la rue San Sebastian et les rues voisines. Le transport en commun, jusqu’en fin de soirée, profitait de voies réservées pour déverser son flot de visiteurs. Mais des contrôles avaient été élevés à l’entrée de la péninsule pour limiter les comportements déplacés dans les bouchons de circulation.
Taxis et Uber, en soirée, peinaient à s’approcher de l’épicentre du festival. Plusieurs passagers choisissaient de descendre et terminer la route à pied, laissant les chauffeurs à eux-mêmes pour se désembourber.
Malgré la foule, on circulait sans trop de difficulté dans les rues, de scène en scène, pour écouter les rythmes latins des différentes scènes. Les bars de la rue San Sebastian, eux, tout petits qu’ils sont, n’avaient pas de difficulté à afficher complet.
Et pourtant, on était loin du flot de festivaliers qu’on nous promettait.
Après coup, on confirme que l’année 2020 n’aura pas été la plus achalandée pour SanSe. Ses 50 ans auront été fêtés bien modestement. Parce que dans les vraies fiestas, celles des années précédentes, les foules remplissent les rues d’un mur à l’autre, si bien qu’on doit rivaliser d’ingéniosité pour circuler.
En janvier, la seule déferlante est venue du ciel, dans la nuit de samedi à dimanche, alors que quantité d’entre nous marchaient sans trop d’endroits pour nous abriter dans l’espoir de nous éloigner des masses qui attendaient un transport en commun pour retrouver leur lit.
L’achalandage de SanSe 2020 aura peut-être été plus modeste que prévu, mais elle aura finalement donné un petit coup de pouce avant la grande noirceur de la COVID-19. Si la mairesse s’était montrée trop patiente, qu’elle avait déplacé le festival de deux mois, l’annulation aurait été complète.
Il reste à voir comment Porto Rico se relèvera, alors que l’économie de l’île se trouvait déjà en fâcheuse position après les ouragans, les tremblements de terre et l’instabilité politique. Selon le Miami Herald, si on compare Porto Rico aux États américains, c’est l’endroit où on dispose du moins grand nombre de tests pour connaître le nombre de personnes infectées. 2020 n’aura offert aucun répit jusqu’à maintenant.