Plus de plaintes année après année au CIUSSS de l'Estrie-CHUS

Les plaintes ont été en hausse en 2018-2019 au CIUSSS de l’Estrie-CHUS et augmenteront encore en 2019-2020. Quatre secteurs d’activités sont considérés comme particulièrement vulnérables dans l’établissement : les services aux jeunes, l’hébergement en CHSLD, les services en psychiatrie et la maltraitance envers les aînés et les personnes majeures en situation de vulnérabilité.


C’est ce qui ressort du dernier rapport de Denis Beaulieu, le commissaire aux plaintes et à la qualité des services du CIUSSS de l’Estrie-CHUS.

« On remarque une augmentation des plaintes médicales, tant du côté des soins et services que du côté des relations interpersonnelles », indique Denis Beaulieu.

Cette augmentation du nombre de plaintes du côté des relations interpersonnelles, qui est constante depuis quelques années, a d’ailleurs donné lieu à un plan d’action pour améliorer les rapports interpersonnels au CIUSSS de l’Estrie-CHUS « dans une vision élargie ».

« L’organisation met un effort constant sur les ressources humaines. Il y a eu par exemple l’adoption d’une politique de la civilité », nomme en exemple Denis Beaulieu.

« Il y a aussi des projets-pilotes qui vont voir le jour dans certaines salles d’urgence. Évidemment, comme il y a, dans les salles d’urgence, des gens malades, qui souffrent, qui attendent, qui sont inquiets, il y a plus de risques d’y avoir des problèmes. Le personnel doit intervenir pour donner davantage d’information et apaiser la clientèle. À certains endroits par exemple, on peut voir le temps d’attente sur des télévisions. Il faut aussi qu’on rende le wifi disponible. Il y a des gens avec des téléphones, mais plusieurs aussi ont des tablettes sans accès à internet. Pour occuper les gens, il faut qu’on crée des environnements physiques et technologiques intéressants », indique Denis Beaulieu.

Secteur jeunesse

Parmi les quatre secteurs les plus vulnérables de l’Estrie, on retrouve celui de la jeunesse. Rappelons que la direction de la protection de la jeunesse (DPJ) a d’ailleurs été mise sous tutelle par le ministre de la Santé et des Services sociaux le 5 mars dernier.

« Ce qu’on constate à travers les plaintes, c’est une difficulté à recruter. C’est un secteur d’activité très difficile. Ce n’est pas n’importe qui qui peut aller travailler là, car on est confrontés à de la négligence. Plus que jamais, ça met en lumière que c’est toute la société qui doit travailler à la protection de l’enfance. Ça prend des actions globales », explique M. Beaulieu.

La situation en santé mentale a aussi défrayé la manchette à de multiples reprises au cours des deux dernières années. De nombreuses plaintes provenaient d’ailleurs de patients hospitalisés au département de psychiatrie à l’Hôtel-Dieu.

« C’est un milieu très difficile. D’abord, l’environnement physique n’est plus adapté. L’urgence psychiatrique est petite, c’est cloisonné. Des gens qui souffrent d’une dépression sévère côtoient des gens en psychose… Ça crée un environnement propice à rendre les gens dans un état instable », indique Denis Beaulieu.

« Les risques de désorganisation sont importants, d’où l’importance d’utiliser les meilleures techniques d’intervention. D’ailleurs, l’équipe désignée pour répondre aux codes blancs a gagné un prix récemment au Gala d’excellente du CIUSSS de l’Estrie-CHUS. Il y a les contentions physiques spécialisées. Mais avant ça, il y a des signes de la désorganisation et c’est là l’importante d’utiliser les bonnes façons d’intervenir », ajoute M. Beaulieu.

« Il aura des programmes pour améliorer les relations interpersonnelles, les manifestations de compassion… » insiste-t-il.


Denis Beaulieu est commissaire aux plaintes et à la qualité des services au CIUSSS de l’Estrie-CHUS.

Les « soins intensifs » en santé mentale

Depuis la publication de son dernier rapport, le commissaire aux plaintes et à la qualité des services du CIUSSS de l’Estrie-CHUS a vu apparaître très clairement un nouveau secteur vulnérable : la direction des déficiences intellectuelles et des troubles du spectre de l’autisme (DI-TSA), notamment à cause de la problématique des listes d’attente.

« C’est un secteur d’activité très particulier, où il y a entre autres des troubles du comportement sévères et difficilement contrôlables », met-il en contexte.

C’est pourquoi les résidences en assistance continue (RAC) du CIUSSS de l’Estrie-CHUS sont maintenant sur le radar de l’équipe de Denis Beaulieu.

Les RAC sont en quelque sorte les « soins intensifs » des résidents atteints de déficience intellectuelle ou de troubles du spectre de l’autisme et souffrant de troubles graves du comportement.

« Le défi est important là aussi, et le CIUSSS a un projet pour consolider les RAC. Le défi est de trouver des endroits sécuritaires, avec des matériaux sécuritaires », indique-t-il.

Les défis pour le CIUSSS de l’Estrie-CHUS sont grands. Heureusement, « il y a plein de belles actions qui se font malgré les immenses défis qu’il y a dans le réseau de la santé ».

« Il y a plein de belles choses innovantes qui se font, la recherche se poursuit, les gens sont encore motivés, il y a plein de gens qui trouvent le moyen de développer des outils, qui développent des projets en les tenant à bout de bras, et c’est très inspirant et motivant », souligne Denis Beaulieu.

La transformation de salons en chambres d’hébergement doit être une mesure temporaire dans les CHSLD, mais cela est trop souvent devenu une solution permanente à cause des listes d’attente perpétuelles pour obtenir une chambre en CHSLD, indique le commissaire aux plaintes et à la qualité des services du CIUSSS de l’Estrie-CHUS.

+ Sherbrooke a besoin de nouvelles places en CHSLD

 La situation est difficile dans les CHSLD où « les listes d’attente sont perpétuelles », indique le commissaire aux plaintes et à la qualité des services du CIUSSS de l’Estrie-CHUS Denis Beaulieu.

« Les gens vivent de plus en plus vieux, avec des problèmes de santé de plus en plus importants. On retrouve de plus en plus de problématiques complexes de démence, de troubles du comportement sévères », explique M. Beaulieu.

« À Sherbrooke, il faudra des projets de construction. On ne pourra pas continuer éternellement avec des mesures qui devaient être temporaires et qui finissent par être permanentes », ajoute M. Beaulieu.

Dans les CHSLD, « il faut vivre avec les bâtisses actuelles, qui ne sont pas flexibles. Comment ajouter dix lits dans une installation sans s’embarquer dans des constructions qui prennent des années? Je comprends la difficulté. Mais les locaux qui sont adaptés pour devenir des chambres doivent quand même refléter un bon milieu de vie » met en garde Denis Beaulieu.

Au fil du temps, on a donc transformé des « salons des familles » et d’autres locaux du genre en chambre pour résidents. Ces mesures devaient être temporaires – quelques semaines durant la période hivernale par exemple.

« Mais ce sont des solutions qui sont devenues permanentes. Les listes d’attente sont perpétuelles », indique-t-il.

La situation est particulièrement problématique à Sherbrooke. « Même en développant des places à l’interne, il y a des limites à ça. »

« En contrepartie, il y a des locaux qui étaient utilisés à d’autres fins et qui étaient très utiles, et qui ne peuvent plus l’être, comme les salons des familles, les chambres de convalescence et les chambres de fin de vie », indique-t-il.

Rappelons qu’il y a en ce moment deux projets de nouvelles constructions de CHSLD désuets, à Lac-Mégantic et à Magog, et tous les deux sont retardés pour différentes raisons.

En février, la ministre responsable des Aînés et des Proches aidants, Marguerite Blais, a annoncé que la région sociosanitaire de l’Estrie aurait droit à 156 places en « maison des aînés » pour des usagers en « perte d’autonomie modérée » et 72 places en maisons alternatives, dont la mission est de recevoir une clientèle adulte ayant des besoins spécifiques.

Le gouvernement de la CAQ a promis de créer 2600 nouvelles places d’ici deux ans au Québec dans le cadre de la mise sur pied des nouvelles maisons des aînés et maisons alternatives, un engagement de 2,6 milliards $.