Urgence d’agir pour sauver les langues autochtones

La Table ronde <em>Langue (s) en péril : entre perceptions et réalité</em> se déroulait au Cégep de Sherbrooke samedi dans le cadre de l’École d’hiver par l’Institut du Nouveau Monde. Sur la photo de gauche à droite, David Birnbaum, député de la circonscription de D’Arcy-McGee, Guillaume Rousseau, avocat et professeur agrégé et vice-doyen aux études à la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke, Ozalée Contant-Nolett, étudiante à l’Université de Sherbrooke, Abénakise d’Odana et Philippe Charland, professeur de langue abénakise à l’Institution Kiuna.

Les langues autochtones sont en grand péril au pays, ce n’est un secret pour personne. En fait, sur les 70 langues autochtones parlées au Canada, seulement trois survivront s’il n’y a pas d’actions qui sont posées.


C’est l’un des sujets qui a été abordés lors de la Table ronde Langue (s) en péril : entre perceptions et réalité, qui se déroulait au Cégep de Sherbrooke samedi dans le cadre de l’École d’hiver par l’Institut du Nouveau Monde. 

L’inuktitut (35 000 locuteurs), le cri et ses dialectes (30 000 locuteurs) et l’Ojiboué et ses dérivés (30 000 locuteurs) sont les seules langues qui pourraient survivre selon Philippe Charland, professeur de langue abénakise à l’Institution Kiuna et chargé de cours en histoire des Autochtones à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et en langue abénakise à l’Université de Sherbrooke.

« Le seuil minimum pour qu’une langue puisse survivre est d’environ 30 000 locuteurs, mentionne-t-il. En dessous de ça, la langue disparaît éventuellement. La dégradation peut se faire extrêmement rapidement. Ce sont donc les trois seules langues qui devraient survivre et encore là les gens de l’est et de l’ouest du pays ont de la difficulté à se comprendre entre eux. On les considère comme une même langue, mais ce n’est pas la même chose nécessairement. »

Des actions fortes doivent être posées immédiatement pour redresser la situation si on veut sauver ces langues selon M. Charland.

« Quand les enfants jouent ensemble dans une autre langue, c’est le début de la fin, illustre-t-il. Il faut au moins qu’il y ait un lien qui se crée. Le simple fait de l’intégrer dans le système scolaire est une bonne chose même si c’est juste une seule fois par semaine. Il faut renverser le cycle pour que ces langues reviennent. Il faut que les gouvernements veuillent vraiment, parce qu’en ce moment, ça vivote. Elles sont toutes en péril, mais il n’est pas trop tard. »

L’un des freins majeurs à la survie des langues autochtones au Canada est la rareté des locuteurs. On peut apprendre une langue, encore faut-il être en mesure de la parler avec quelqu’un.

« Il n’y a pas beaucoup de locuteurs même pour les langues les plus parlées, souligne M. Charland. Il faut que les gens veuillent vraiment se rencontrer pour le faire. »

La technologie à la rescousse

L’internet et les réseaux sociaux sont l’une des pistes de solution pour faire face au manque de locuteurs. Même éloignées, des personnes peuvent échanger en langue mohawk par exemple sans avoir à se rencontrer. M. Charland texte même en Algonquin de temps en temps.

« On peut adapter les claviers de nos téléphones, lance-t-il. La graphie est inspirée des langues romanes dans la plupart des langues. On peut se texter en abénaquis, il n’y a aucun problème. »

Dur à apprendre

Les langues autochtones ne sont toutefois pas nécessairement faciles à apprendre. Selon M. Charland, une personne doit suivre quatre sessions de langue algonquienne pour arriver à la même maîtrise qu’une session de langue espagnole, par exemple.

« Après quatre sessions, les personnes comprennent ce que je leur dis, résume-t-il. Une fois que tu as compris l’organisation de la grammaire, tu seras plus libre et tu vas pouvoir te développer par toi-même. Tu peux même créer tes propres mots, il n’y a aucune limite. »

Bon débat sur le bilinguisme en milieu de travail

La table ronde, organisée à l’initiative de la citoyenne engagée Karine Veilleux, a donné droit à de bons débats sur la place de l’anglais au Québec. Le français au travail a notamment été débattu par David Birnbaum, député de la circonscription de D’Arcy-McGee et porte-parole de l’opposition officielle en matière d’affaires autochtones et Guillaume Rousseau, avocat et professeur agrégé et vice-doyen aux études à la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke. 

M. Birnbaum a fait valoir le point que les Québécois de langue anglophone doivent avoir le droit en période de crise ou lors d’une visite importante chez le médecin de pouvoir être servi en anglais.

« Je veux comprendre à 100 % ce qui m’arrive », a-t-il fait valoir.

Cette déclaration a mis en lumière l’importance du bilinguisme en milieu de travail chez les employés de l’état, ce qui a fait réagir Guillaume Rousseau qui estime que l’anglais ne doit pas être obligatoire pour accéder au marché du travail. 

« Dans le privé, il faut absolument super bien parler en anglais dans les hautes sphères, souligne M. Rousseau. Le seul endroit au Québec où on peut avoir de super bons emplois bien placés et bien payés et travailler en français, c’est au sein de l’État québécois. Si l’État québécois en fait beaucoup pour le français et moins pour l’anglais, c’est pour compenser le marché qui se passe en anglais. »

« Certains employeurs demandent une maîtrise abusive de l’anglais et n’oubliez jamais une chose, les gens francophones qui ne parlent pas anglais, ce sont souvent des gens qui ont moins d’éducation et moins de revenus, résume M. Rousseau. C’est facile pour nous, à l’université ou au cégep, de dire que tout le monde devrait être bilingue. Si on les discrimine pour l’accès à l’emploi, on ne les aidera pas à se sortir de la pauvreté. »