C’est la contagion de la jeunesse. Et de la connaissance. On se sent plus intelligent juste d’être là. Ça bouillonne.
À Fribourg-en-Brisgau, dans le sud-ouest de l’Allemagne, ça sent la ville étudiante. Du moins à l’approche de la vieille ville.
Ce qui frappe aussi, en arrivant en voiture, c’est la lenteur avec laquelle la circulation progresse. Pas que les automobilistes prennent forcément la route d’assaut tout le monde en même temps. C’est plutôt la limite de vitesse, établie à 30 km/h partout dans la zone urbaine, qui dicte le rythme. Ou plutôt, probablement que ce sont les nombreux radars photo, installés tellement rapprochés les uns des autres qu’on se sent un peu gêné d’appuyer sur l’accélérateur.
Une fois la voiture bien garée près d’une petite place publique entourée d’arbres matures, la promenade dans la périphérie de la vieille ville est agréable. Pas de foule. Pas de stress. Et pourtant, les cafés un tantinet avant-gardistes vibrent d’activités.
Pour explorer le secteur de la vieille ville, j’en avais pour tout juste 24 h avant de me trouver un train qui me sortirait de l’Allemagne. Sans plan, je me suis lancé à l’assaut du quartier en me promettant d’errer au hasard. Hasard ou pas, on revient rapidement à son point de départ.
Pour ceux comme moi qui ont besoin de bien moins que les fleurs du tapis pour trébucher, il faut se méfier des bächles, ces petits canaux en bordure de rue qui sont emblématiques de la ville. Ils servaient autrefois à la ravitailler en eau et pouvaient être utiles pour éteindre des feux. Certains superstitieux iront même jusqu’à croire qu’ils marieront un habitant de Fribourg s’ils trébuchent dans l’un de ces ruisseaux artificiels.
Il faut aussi se méfier des vélos, qui sont particulièrement nombreux à l’approche de la gare et de la bibliothèque de l’université, un magnifique bâtiment vitré, moderne, qui tranche avec le caractère historique des constructions voisines. Juste en face, ce qui semble être une vulgaire fontaine, au premier coup d’œil, est en fait un magnifique mémorial sur le site de l’ancienne synagogue. Celle-ci a été incendiée dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938, au cours de la nuit de Cristal.
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Si elles n’attiraient pas déjà l’attention par elles-mêmes, ces tranchées font le plaisir des petits, qui y font parfois flotter un jouet, ou celui des marchands, qui y déposent les bottes de pluie qu’ils vendent.
Aujourd’hui, une plaque a été installée pour symboliser, entre autres, la lutte à l’antisémitisme et au racisme.
Dans le rayon des attractions plus joyeuses, on peut difficilement manquer la cathédrale dont les fondations sont vieilles de plus de 700 ans. Si on ne s’est pas foulé la cheville dans les bächles, on peut gravir son clocher de 116 mètres pour se donner un peu le vertige au-dessus de la place du marché.
Le vertige, je l’ai aussi défié en gravissant Schlossberg, cette colline de 456 mètres qu’on peut en partie monter en téléphérique. Non, 456 mètres, ce n’est pas l’Himalaya. Pas de quoi avoir le mal des hauteurs. Surtout qu’en me donnant la mission de gravir le monticule à pied, je m’étais promis de rebrousser chemin quand j’en aurais assez. L’orgueil étant l’orgueil, je me suis permis d’aller tout en haut. Tout en haut de la tour Schlossberg, une tour métallique de 35 mètres. Au sommet, une toute petite plateforme d’observation donne l’impression de se tenir en équilibre sur le mât d’un bateau. Une seule personne ne peut la conquérir à la fois.
Quand le vent frappe, que toute la structure chambranle, c’est là que le vertige frappe. Mais l’aperçu de la Forêt-Noire, la vue sur la cathédrale aussi, valent bien quelques tremblements des genoux.
Idéalement, on redescend par une route différente, volontairement ou pas, mais on se dirige, comme moi, vers le biergarten Kastaniengarten pour se remonter le courage. Le « jardin de bières », comme ailleurs en Allemagne, est une terrasse sur laquelle on peut consommer une boisson alcoolisée ou un simple rafraîchissement. Ici, on paie pour la vue, aussi, mais elle le vaut bien. Surtout si le soleil tape.
De retour dans la vieille ville, on peut admirer quelques-unes des œuvres d’art de rue, s’étonner devant la porte de Martin (Martinstor) et la porte des Souabes (Schwabentor), les deux portes anciennes de la ville, ou encore se lancer à la recherche du crocodile « vivant » dans les canaux de la Petite Venise (Klein Venedig). Pas de quoi être effrayé, néanmoins, puisqu’il s’agit d’une statue installée en 2001.
Mais vraiment, à Fribourg-en-Brisgau, c’est l’atmosphère et la vie qu’on regarde passer, idéalement de l’un des restaurants branchés, qui donne la plus grande satisfaction.