Le copain allemand s’imaginait que l’Europe avait bien peu à offrir quand on s’était promené sur des continents un peu plus loin de nos origines de Caucasiens. Pourtant, déjà, j’étais impressionné par le train régional qui m’avait attendu à l’aéroport de Francfort et qui, comme un métro doté d’écrans pour suivre le nom des stations, m’avait conduit à Cologne en une heure coupée en deux.
Le train traverse le Hohenzollernbrücke, ce pont ferroviaire visible sur la plupart des photos de la ville, avant d’entrer en gare. Et quand on en sort, de la gare, on se sent tout petit, tout petit à côté de la fameuse cathédrale de Cologne, Kölner Dom, comme disent les Allemands, un lieu de culte qu’on peinera à faire entrer dans le viseur de l’appareil-photo.
C’est que ça donne mal au cou, aussi, d’essayer d’apercevoir le sommet des clochers, perchés quelque part à quelque 157 mètres de hauteur. Et à moins d’être là près du parvis, les tours jumelles, on les voit de presque partout en ville.
La cathédrale de Cologne, dont la construction a commencé en 1248 pour se terminer en 1880, est inscrite au patrimoine de l’UNESCO. Son vitrail pixelisé, l’œuvre de Gerhard Richter, m’a laissé pantois, comme bien d’autres touristes. J’ai évité le tombeau des trois Rois mages, mais j’ai tout de même grimpé les 533 marches menant à la plateforme d’observation, à près de 100 mètres dans les airs.
Comme si ce n’était pas assez, on trouve dans la cathédrale de Cologne la plus grosse cloche en activité dans le monde. Elle pèse à peine 24 tonnes.
Un guide qui m’a aussi offert un tour de ville ponctué d’anecdotes a juré n’avoir jamais vu la grande église sans ses échafaudages. C’est qu’il faut prendre soin du grès, fragile, qui compose la structure.
Il a aussi précisé que la cathédrale aura été le plus haut bâtiment du monde pendant quatre ans. Devancée par le Washington Monument et la tour Eiffel, elle est considérée comme la plus grosse cathédrale gothique à deux tours du nord de l’Europe… N’importe quoi pour faire durer le prestige.
Si elle a été bombardée 14 fois pendant la Deuxième Guerre mondiale, la magistrale pièce architecturale n’est jamais tombée. Probablement pas parce qu’elle était protégée par les divinités, mais plutôt parce qu’elle servait de point de repère pour les bombardiers.
Et quand on en fait le tour, on trouvera peut-être une gargouille en forme de chèvre, un hommage à la mascotte de l’équipe de soccer locale, honorée en raison d’une victoire en match de championnat, rien de moins.
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À quelques mètres derrière la cathédrale, en marchant vers le Rhin, on aboutit à la place Heinrich-Böll, devant le musée Ludwig, un important musée d’art. Il jouxte aussi l’entrée d’une salle de concert à l’acoustique parfaite, résidence de l’orchestre philharmonique.
Ce jour-là, la place Heinrich-Böll était entourée de rubans rouges et de gardes de sécurité qui incitaient les touristes à faire un détour. Pas à cause du marathon qui s’était tenu plus tôt. Pas parce qu’un incident nécessitait une quelconque enquête. Mais parce que la parfaite salle à l’acoustique parfaite est construite SOUS la fameuse place. Pas de chance, quand les énergumènes frappent son pavé du pied, même doucement, on tue un peu l’art et la magie. Toc! Toc!
Non loin de là, au marché Alter Markt, sur la place publique, on se retrouve devant l’hôtel de ville. Curiosité additionnelle, juste en face, alors qu’une statue immortalise un homme montrant ses fesses aux décideurs. Un pied de nez, ou de fesses, semble-t-il, d’un propriétaire mécontent des décisions prises par la Ville.
Dans la pure tradition des statues qui portent présumément chance, une sculpture signée Ewald Mataré donne un choix quasi manichéen à ceux qui se laisseront prendre au jeu. Deux hommes, un trapu avec une péninsule au milieu du visage et un autre maigrelet avec un chapeau melon, se font face. Frotter le nez du premier apportera le grand amour. Toucher la main du second comblera vos besoins financiers. Il ne faut pourtant faire qu’un seul choix.
Mon étude non scientifique démontre que la plupart des étrangers sont incapables de surmonter la pression qui viendrait avec le choix financier… L’amour triomphe toujours. Presque.
Cologne sait donc raconter les histoires. Les vraies, les légendes, celles qui font sourire.
Et parce que je n’étais pas loin, je me suis aventuré vers Rheinauhafen, le port réhabilité de Cologne, où les prouesses architecturales ont fait pousser les bâtiments de Kranhäuser, des édifices ayant un peu la forme d’une grue. Pour une vue plus prenante, alors que le coucher du soleil s’invitait dans un ciel orangé, j’ai même préféré traverser sur l’autre rive pour marcher sur une presqu’île, un secteur laissé un peu en friche où on s’éloigne de la réalité urbaine, bien qu’on ne cesse jamais de l’apercevoir. Là, à travers l’herbe longue ou sur le bord de l’eau, qui se lancent le ballon, le frisbee, qui s’installent côte à côte pour un pique-nique au son de la musique qu’ils ont apportée.
Sur le chemin du retour, si les ampoules n’ont pas encore dévoré la plante de vos pieds, marcher jusqu’à Hohenzollernbrücke pour fermer la boucle, croquer la photo typique de la cathédrale de Cologne et poser le regard sur les cadenas abandonnés par des amoureux, c’est faire un clin d’œil ludique à une promenade qui fait mentir mon ami Chris.
Avec tout ça, je n’avais effectivement pas encore visité grand-chose. Mais il serait gênant de dire que Cologne, 4e ville d’Allemagne, n’a rien à offrir.