« Les premières neiges tombent sur le Québec. À l’aube de la disparition de leur petite communauté de religieuses, les Sœurs Auxiliatrices commencent ce qui deviendra le tri d’une vie — une vie de luttes. » Tels sont les premiers mots du synopsis du long-métrage de 75 minutes portant sur les huit religieuses âgées de 76 à 93 ans vivant aujourd’hui à Montréal.
« Elles ont fait le choix de mettre consciemment fin à leur communauté. Pour un cinéaste, il y a là un élément narratif passionnant pour écrire un film », explique Maxime Faure.
C’est par hasard qu’il a rencontré l’une des religieuses, à qui il a manifesté le désir d’en apprendre davantage sur sa communauté.
« Pour un projet, j’ai rencontré l’une des sœurs, Nicole Jetté. Je ne savais pas que c’était une religieuse : elle dégageait une énergie forte, elle était souriante et rayonnante. Elle portait des jeans, un t-shirt blanc et des running shoes. C’est un personnage qui m’a interpellé. »
Résolument féministes
Ainsi soient-elles, produit par Les films du Balibari - Métafilms et distribué au Canada par Les Films du 3 mars, a mis six ans à venir au monde, mais n’a nécessité qu’un tournage de 27 jours. Le résultat final satisfait les Sœurs Auxiliatrices.
« Le cinéaste a été très respectueux de nos observations, commente Gisèle Ampleman, l’une des dernières sœurs encore vivantes, mais il a quand même pris certaines libertés. C’est la vision d’un jeune homme d’une trentaine d’années sur une communauté religieuse. »
Déjà, avec l’aperçu que propose la bande-annonce, on peut prendre conscience du caractère résolument féministe des Sœurs Auxiliaires, malgré leur dévotion à la religion catholique.
« Le fait qu’elles soient à la fois croyantes et féministes m’a interpellé. Je ne savais pas que c’était possible et j’ai eu envie de comprendre comment elles conjuguaient cette contradiction entre leur féminisme et leur appartenance à une institution patriarcale », indique M. Faure.
« Ça n’a pas été facile, raconte Mme Ampleman, qui s’est entre autres impliquée au sein de la Fédération des femmes du Québec et a donné de nombreux ateliers sur la violence conjugale. Pour plusieurs, il était inconcevable que des religieuses se disent féministes. On a été victime de beaucoup de préjugés. »
Malgré les avancées féministes des dernières décennies, Gisèle Ampleman est d’avis que beaucoup de luttes restent à mener. « On a fait des avancées à certains niveaux, mais on a connu des reculs à d’autres, constate-t-elle. Pour les femmes, rien n’est gagné, surtout quand on voit qu’à la dernière élection fédérale, la question de l’avortement est revenue dans l’actualité. »
« On ne pourra jamais s’asseoir sur nos lauriers », ajoute-t-elle.
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Faire le bien
Si le film immortalise la fin du chapitre québécois des Sœurs Auxiliatrices, communauté fondée en 1856 en France et encore bien active ailleurs dans le monde, il faut se rappeler que celui-ci a été fondé à Granby il y a 70 ans pile-poil cette année.
« On est arrivées en avril 1949 et, rapidement, on a été prises en charge par la population. C’était extraordinaire ! », se souvient Marie-Paule Lebel, une autre membre de la communauté.
Les plus âgés se souviendront peut-être de ces religieuses qui se déplaçaient à vélo dans les rues ; les plus jeunes, sans nécessairement connaître la sororité, ont peut-être bénéficié des nombreuses initiatives auxquelles elles ont donné naissance dans la région, à commencer par le Centre de bénévolat, un service d’aide à domicile, la popote roulante, Drogues Secours de même que la maison de campagne coopérative La Botte de foin, à Dunham, pour ne nommer que celles-là.
Ces religieuses, qui furent 35, tout au plus, se sont même frottées au mouvement syndical et à la politique municipale et provinciale.
Car sans se consacrer à une œuvre précise, les sœurs ont toujours eu pour vocation de venir en aide aux plus démunis d’ici et d’ailleurs et de dénoncer bien fort les injustices dont elles étaient témoins.
« On a aussi mené une lutte pour fonder une maison de transition pour les ex-détenus de la prison de Cowansville, Le Joins-Toi. Aujourd’hui, on en compte cinq en Montérégie », rappelle Mme Ampleman, qui a également accompagné bon nombre de personnes vivant de l’aide sociale dans l’amélioration de leur qualité de vie et la défense de leurs droits.
« Une lutte qui a duré sept ans et qui s’est déplacée devant les tribunaux ! , renchérit Mme Lebel. Heureusement, le maire de l’époque, Paul-O. Trépanier, était de notre côté. »
« Aider à tout bien, quel qu’il soit » : telle était la devise des Sœurs Auxiliatrices.
« Nous avons été appelées à intervenir là où on avait besoin de nous », mentionne Mme Ampleman.
« Chacune allait selon ses talents », poursuit Mme Lebel, qui a aussi consacré 19 ans de sa vie au Rwanda, dont elle a assisté au génocide.
Un legs inespéré
Comme cette année marque le 70e anniversaire de l’arrivée en sol québécois de la communauté, le long-métrage tombe à point nommé, si bien qu’il est perçu comme un legs des religieuses à la société.
« Pour nous, c’est quelque chose d’inespéré qui arrive au bon moment. On croit que le documentaire va apporter une autre dimension de l’engagement religieux, estime Mme Ampleman. Et surtout, il va démontrer que nous ne sommes pas des femmes tristes, car ce qui frappe dans le film, c’est que, même si on est à la fin de notre parcours, on vit ça de manière très sereine. »
Ainsi soient-elles sera lancé dans le cadre des 22e Rencontres internationales du documentaire de Montréal, dont il fait partie de la sélection officielle.
Le long-métrage sera projeté dans la métropole le dimanche 17 novembre en début de soirée, de même qu’en après-midi, le 19 novembre. Il sera aussi possible d’assister à l’une des deux représentations prévues à Saint-Jean-sur-Richelieu le lendemain.
Le film sera distribué dans les salles du Québec en 2020.
Un documentaire alternatif d’environ 50 minutes comprenant des extraits inédits sera aussi diffusé sur les ondes de Radio-Canada, l’an prochain.
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