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Dimanche au marché de Chichicastenango

CHRONIQUE / Au bout de la 6e Avenue, où la foule avait été dense d’un bout à l’autre, les bouffées d’air commençaient à venir plus facilement. Pour descendre la rue construite en grosses pierres, perpendiculaire sur la gauche, la 3e Avenue, il fallait manœuvrer entre les vieilles camionnettes remplies à craquer qui menaçaient de s’ébranler à tout moment.


L’espèce de trottoir largement surélevé, en banquette, servait de siège pour une grande quantité de femmes et d’enfants qui attendaient vraisemblablement qu’on les récupère en même temps que leurs emplettes. Entassées les unes sur les autres, les dames en habits traditionnels tenaient qui un grand panier, qui un poulet qui ne bronchait pas.

Et à l’autre intersection, au bout de la 7e Avenue, les voitures s’avançaient doucement à travers les piétons fourmillant de tous les côtés.

Bienvenue à Chichicastenango, une ville de 150 000 habitants de l’ouest du Guatemala qu’on visite principalement le jeudi ou le dimanche pour son marché public. Celui-ci est considéré comme un des plus impressionnants d’Amérique centrale.

Ce jour-là, c’était dimanche. Au fond du marché, au bout de la dernière rue achalandée, à cette intersection où les femmes patientent et les camionnettes se faufilent dans les passages étroits, la population locale vend ses animaux. Planté sur le coin de la rue, j’observe cette valse qui ne ressemble en rien aux marchés touristiques auxquels je suis habitué. 

Un homme va et vient, avec sur le dos un énorme panier circulaire dans lequel sont accroupis une dizaine de poulets. Une espèce de gros filet fait de cordages le recouvre pour éviter que les volatiles s’enfuient. Les bêtes sont déposées à l’arrière d’un camion, dans des paniers qui s’empilent les uns sur les autres.

De l’autre côté de l’intersection, une femme un peu ventrue tire deux poulets, par les pattes, d’un grand sac de jute blanc. Elle leur secoue les plumes un peu, semble se plaindre de leur état de santé avant de les reposer dans les sacs. Elle en trouvera d’autres ailleurs.

Tout près, en plus des poulets, des canards et des oies se partagent un autre panier. Un petit schnauzer attend lui aussi de trouver preneur. 

Un dindon, debout en bordure de rue, retenu par une corde accrochée à une patte, demeure immobile. Il fait fi des trois chatons d’au plus un mois qui s’emmêlent sous son plumage. « Trois dollars pour ce chaton » annonce une femme avant que sa voisine ne lui fasse concurrence en ne demandant que quatre caribous. Un gros dollar pour un chaton alors qu’on exige trois fois plus pour une poule maigrichonne. 

Je suis reparti vers la Plaza, cette place centrale au cœur du marché public, dans une rue où on grillait de la viande et où les tortillas de maïs jaune ou mauve cuisaient sur une plaque chaude. 

En m’approchant de la chapelle del Calvario, une petite église blanche construite au sommet d’une volée de marches, les marchands habitués aux touristes se font plus nombreux. La sollicitation devient bien présente. On tente de nous refiler des ceintures, des vêtements et des produits de l’artisanat.

La chapelle del Calvario, sur la photo, comme l’église Santo Tomas située en face, reçoit les offrandes sous forme de chandelles et de fleurs.

En ligne droite avec la petite chapelle, l’église de Santo Tomas, plus grosse, est connue pour ses rituels qui relèvent davantage des traditions mayas que catholiques. On y fait brûler des chandelles sur de petites plateformes ou on dépose à titre d’offrandes des fleurs achetées sur le parvis achalandé. Devant la porte, les responsables de la prière balancent incessamment un encensoir fumant en psalmodiant des chants en l’honneur des ancêtres.

L’intensité tant du marché des animaux que des célébrations dans les églises m’a semblé plus importante en matinée. Après le dîner, les foules s’étaient dispersées, les citoyens de Chichicastenango avaient regagné leurs quartiers et les marchands tentaient leur chance pour quelques derniers dollars avant que les touristes poursuivent leur route.

C’est qu’on se rend à Chichicastenango principalement pour le marché. Des navettes partent notamment d’Antigua et des villages autour du lac Atitlan en matinée et reviennent vers 14 h. J’étais parti de la ville coloniale d’Antigua vers 7 h et il fallait compter entre deux et trois heures pour franchir la centaine de kilomètres qui me séparaient de ma destination.

Les navettes privées, qui chargent une douzaine de dollars par personne, sont légion. Les chauffeurs acceptent pour la plupart des arrangements pour surveiller les bagages pour ceux qui ne voudraient pas revenir à leur point d’origine et qui souhaiteraient poursuivre dans une autre direction en milieu de journée. 

Avec plus de quatre heures pour arpenter les rues bordées d’étals, il y a amplement de quoi faire des découvertes. Les commerces traditionnels côtoient la restauration rapide occidentale et l’artisanat se mélange aux légumes et aux biens du quotidien. 

Pour ceux qui en auraient assez du battage du marché, une promenade vers l’ouest les mènera dans le coloré cimetière, qui semble être un lieu où les familles se rassemblent pour manger ou pour regarder le temps passer, près des caveaux.

Par une ensoleillée journée de la saison des pluies de la fin septembre, période peu prisée des touristes, Chichicastenango constituait assurément une escale qui valait le détour. En haute saison, je me l’imagine encore plus cacophonique.

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