C’était prévu que je taquine les frontières ouest de l’Allemagne en louant une voiture qui me conduirait du nord au sud du pays. En partant de Cologne, sachant que je décollerais ensuite de Zurich, j’envisageais la tournée du Luxembourg, un crochet vers l’Alsace et une traversée de la Forêt Noire.
Mais voilà que la liberté offerte par ma vrombissante Ford Fiesta m’incitait à partir d’emblée vers l’Ouest, vers Aachen, Aix-la-Chapelle en français, où la cathédrale est inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco.
La chapelle palatine qui en constitue le cœur a été commandée par Charlemagne lui-même quelque part entre les années 790 et 800. C’est d’ailleurs là qu’il aurait été enterré.
La cathédrale est visible de loin et comporte son propre musée. Pour les curiosités, on rapporte que le diable avait accepté de financer la fin des travaux pour la construction de la cathédrale en échange de l’âme du premier qui passerait la porte de l’établissement une fois la construction terminée.
Les villageois auraient alors envoyé un loup dans l’église pour tromper le diable qui, s’apercevant de la supercherie, aurait claqué les portes tellement fort qu’il se serait sectionné un pouce. On peut encore palper le doigt arraché du malheureux sous une des poignées des portes principales. Dans le vestibule, une statue commémore le loup dont l’âme aurait été arrachée par un trou percé dans la poitrine.
Sinon, Aix-la-Chapelle est une petite ville charmante, avec ses parcs où grouille la vie quotidienne, de même que ses innombrables statues et fontaines. L’une de ces fontaines, formée de pantins métalliques, retient l’attention des passants qui s’amusent à la modeler à leur façon.
L’énorme hôtel de ville gothique, impressionnant de beauté, peut être visité en partie. Outre la vue qu’il offre sur la cathédrale, on retiendra la salle de couronnement, à l’étage, qui aura vu le couronnement de 32 rois.
Sur la grande place devant l’édifice, un marché se dresse en matinée avec des fruits, légumes et repas typiquement allemands.
Avec ses quelque 260 000 habitants, Aix-la-Chapelle vit à un rythme plus lent que les grandes villes qui l’entourent, notamment Cologne. Elle se visite facilement en une journée et il est essentiel d’y goûter la spécialité locale, une sucrerie nommée printen, une espèce de galette à la mélasse contenant du gingembre, de la cannelle, du clou de girofle et une flopée d’épices.
Consacrée comme LE délice incontournable pour les touristes, on la décline sous toutes sortes de formes dans des boutiques qui en ont fait leur spécialité. La première bouchée laisse perplexe. La deuxième un peu moins. Et si on pousse l’audace jusqu’à manger toute une galette, il est fort probable qu’on en vaudra une autre et qu’on arrive difficilement à s’arrêter.
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Après avoir fait un tour rapide de la vieille ville, j’avais l’intention de me diriger directement vers le Luxembourg, qui figurait ensuite sur mon itinéraire. Mais la proximité des Trois Bornes, ce lieu où l’Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas se rencontrent, m’a convaincu de faire un léger détour.
D’abord, il fallait passer aux Pays-Bas, près de Vaals, et grimper la colline campée sur les trois frontières. Les propriétaires astucieux du restaurant Wilhelminatoren, situé tout près des frontières, ont érigé une tour de 34 mètres pour observer le panorama. C’est la définition même de l’attrape-touristes.
Pour monter, il faut payer trois euros avant de traverser un tourniquet. On emprunte ensuite les escaliers ou l’ascenseur pour voir principalement la vallée du côté néerlandais. Une autre tour, celle qu’on annonce dans les livres de voyage et sur les sites internet, se trouve plutôt à quelques centaines de mètres de là, presque à cheval sur les trois bornes.
Pour le reste, il a fallu garer la voiture du côté belge pour marcher jusqu’au petit obélisque installé à l’intersection des trois frontières. Au sol, des lignes dorées marquent la symbolique limite entre les nations. On peut alors se demander de quelle largeur doit être une frontière. Cinq centimètres? Dix centimètres? Un mètre?
Des bancs mobiles placés sur des rails permettent aux touristes de s’asseoir et de bouger la structure pour passer d’un pays à l’autre. Du côté allemand, les drapeaux des trois États sont installés côte à côte.
Les égoportraits et les photos de famille se succèdent dans une interminable valse. Tout le monde passe devant tout le monde, s’impose dans les photos des autres ou monopolise les frontières pour ses quelques secondes de gloire. C’est fou comme quelques lignes au sol, trois drapeaux et un petit obélisque de béton peuvent faire.
Mais bien sûr, bien sûr, je le concède, j’ai moi aussi voulu ma photo souvenir. Après le symbolique arrêt à cheval sur trois pays, je me suis surtout amusé à me tenir en retrait, derrière les trois drapeaux, du côté allemand. Personne ne voyait l’intérêt de s’y aventurer. Pourtant, c’est de là qu’on avait la meilleure vue sur l’action.
Bref, les Trois Bornes ne valent pas particulièrement le détour, même si quelques points de vue en montant ou en redescendant la colline sont au moins un peu jolis.
Une heure plus tard environ, je m’arrêtais devant un panneau annonçant la frontière du Luxembourg.
Y’a rien là, en réalité, mais en Amérique du Nord, les pays sont tellement grands, dans des espaces immenses, que jamais nous ne pourrions passer d’un État à l’autre aussi rapidement. C’est un peu ça, les distances tellement courtes en Europe, qui impressionnait le Nord-Américain en moi.
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