Chronique|

Les 300 ans du Liechtenstein

Le château de la famille royale ouvre ses jardins une fois par année, le 15 août, pour les citoyens et les touristes.

CHRONIQUE / Cinq ans! Cinq ans que je cassais les oreilles d’un ami européen avec mon envie de poser les pieds au Liechtenstein. Cinq ans que j’étais fasciné par ce petit pays enclavé entre l’Autriche et la Suisse. Le hasard faisant bien les choses, j’y passerais par le plus grand des hasards le jour où on soulignerait avec force son 300e anniversaire de création.


Non, mais les coïncidences font parfois bien les choses.

Tout a commencé par une blague à l’été 2014. De passage à Zurich, j’évoque le nom du Liechtenstein, pays dont je ne connais rien. Je glousse à l’idée de visiter en une journée ce pays qui fait 25 km de long et 160 km2. Je pouvais presque (pas vraiment) en voir les montagnes à partir de Zurich.

J’ai dégoté les horaires des trains, analysé la circulation des autobus. Niet! Leçon de vie d’adulte : cette année-là, il n’était pas réaliste de me rendre dans le quatrième plus petit pays d’Europe. Déception.

Parce que j’ai une tendance à la répétition, j’ai remâché les lettres formant le mot Liechtenstein des centaines de fois par année par la suite. Pas d’obsession là, quand même. Juste une saine curiosité.

Cinq ans plus tard, j’ai visité le même ami, établi depuis dans l’ouest de l’Autriche. Il s’est aussi trouvé un emploi… au Liechtenstein. Points de suspension!

Le 15 août étant jour de fête nationale, il s’agit d’un jour férié. C’est aussi semble-t-il le meilleur moment pour s’inviter aux célébrations dans la petite principauté. Si on en profitait pour souligner le 300e anniversaire, notons que le vrai jour de naissance du pays est plutôt en janvier.

J’ai donc consulté mon guide du Lonely Planet traitant de toute l’Europe. Sur ses 1325 pages, cinq seulement portent sur le Liechtenstein. J’ai tout lu!

J’y ai donc appris que le franc suisse y est la monnaie, qu’on y parle l’allemand et qu’il s’agit du plus grand fabricant de dentiers au monde. Si le prince agit comme chef d’État, le système politique en est un de monarchie parlementaire. Les femmes n’y ont obtenu le droit de vote qu’en 1984.

Le nom de l’État vient de la famille qui l’a créé et le Liechtenstein n’a pas d’armée. Il s’est engagé dans un conflit militaire pour la dernière fois en 1866. On comprend donc qu’il est demeuré neutre pendant les deux guerres mondiales.

Pays riche, il est l’un des rares dont le gouvernement n’a aucune dette. On y compte aussi plus d’emplois offerts que de citoyens.

Impatient, je me suis levé le 15 août avec l’attitude du conquérant. Je percerais enfin le mystère du Liechtenstein. En voiture, nous nous sommes approchés jusqu’à Feldkirch, en Autriche, pour y trouver un stationnement. C’est en transport en commun s’il vous plaît que nous terminerions le trajet.

« C’est le prince qui paye », a annoncé le chauffeur d’un bus sur lequel de petits drapeaux avaient été accrochés. Plus fébrile que jamais, j’ai reçu comme une douche froide la question de l’ami :

« As-tu amené ton passeport? »

Oups! Nope!

Devant le parlement, la plus grande scène pour les festivités du 300e anniversaire du Liechtenstein avait été installée.

Le précieux document, bien calé dans mes bagages, dormait quelque part près de mon lit. Non seulement je n’ai pas l’habitude de voir mon passeport contrôlé en Europe de l’Ouest, mais je change généralement de pays avec tout mon attirail dans le sac à dos. Pour une seule petite journée de festivité, je n’y avais pas pensé.

Joie du transport en commun, l’autobus a franchi le poste frontalier désert en le contournant. « On ne m’a demandé mon passeport que deux fois depuis que je travaille au Liechtenstein », admet ensuite l’ami, ajoutant qu’une simple preuve d’identité aurait probablement suffi à m’ouvrir les portes du « royaume ».

Tadam! J’y étais. Liechtenstein bonjour! Le nez collé à la fenêtre, je cherchais déjà les caractéristiques uniques de ce pays, comme si je venais de changer de continent. Évidemment, il était difficile de reconnaître un Liechtensteinois par des caractéristiques physiques. Surtout que, ce jour-là, la plupart des passagers du bus étaient probablement des étrangers.

Sous un ciel gris, j’ai découvert Vaduz, la capitale, en moins d’une heure. La foule dispersée agitait de petits drapeaux qu’on remettait gratuitement à ceux qui se joignaient à la fête. Certains visiteurs avaient enfilé une couronne de carton semblable à celle qu’on distribue chez Burger King.

Vaduz, dit le Lonely Planet, est ce genre de capitale où le boucher connaît le pâtissier. On dirait effectivement un village avec, sur la colline perché, un château médiéval surplombant la zone urbanisée. Au centre-ville, de petits chapiteaux ont été érigés. On fait griller de la saucisse, on sert des friandises comme dans les festivals ou on assiste à des spectacles de petite envergure.

J’étais loin de l’émerveillement.

Pour être honnête, une scène plus impressionnante avait été dressée devant l’édifice du parlement. C’est en soirée qu’elle devait s’animer davantage.

L’autre vérité, c’est que je ne me suis pas invité dans les jardins du château, où il fallait semble-t-il un billet pour prendre un verre avec le prince. Ce dernier en aurait profité pour prononcer un discours pour les citoyens présents.

Après une courte tournée au cœur de Vaduz, quand le ciel s’est mis à couler, je me suis mis sur la route du retour vers l’heure du souper. Cette fois-là, le poste frontalier n’était plus désert et les automobilistes devaient s’immobiliser pour montrer leur passeport. Joie du transport en commun, nous avons une fois de plus esquivé toute forme de contrôle.

Mais voilà, en abandonnant les festivités modérées un peu tôt, il semble que j’ai manqué le clou des célébrations : l’énorme feu d’artifice illuminant le château en fin de soirée.

Promis, je retournerai au Liechtenstein un de ces jours ensoleillés, avec des attentes modérées, pour explorer ses montagnes et m’offrir une tranquille randonnée.

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