Parmi les critères, les caractéristiques prévisibles : ambiance, architecture, modernité, patrimoine, alouette…
En me foutant de toute forme de grille d’évaluation, j’ai rapidement identifié mon numéro 1. Mais une partie de moi s’est demandé s’il fallait vraiment déchaîner les hordes de touristes dans ces endroits qu’on aime, au risque de les changer. Prague, en République tchèque, est qualifiée d’une des plus belles villes du monde. Elle perd néanmoins de son charme quand on a l’impression que tout est organisé pour le tourisme, quand tout autour de nous se met à nous ressembler.
Idem pour Dubrovnik, en Croatie, magnifique vue d’en haut comme d’en dedans. Pour éviter la strangulation par claustrophobie imposée, on s’aventure dans sa vieille ville en soirée, quand les passagers des bateaux de croisière sont partis et que ceux du lendemain sont encore en route. Zagreb, un peu moins jolie, est pourtant plus intéressante à mon avis.
Prague et Dubrovnik se fraieront certainement un chemin parmi les 50 premières positions des villes coup de cœur. Et je soupçonne Paris, Rome ou New York de convoiter le premier rang. Pas de bol pour ma sélection à moi, mon grand coup de cœur pour la capitale danoise : Copenhague.
La place énorme faite au vélo, l’architecture d’antan se mélangeant aux prouesses de l’urbanisme moderne, la beauté d’une ville bâtie au cours de l’eau… Dieu que je m’y suis attardé et que j’ai eu du mal à m’en séparer. J’arrivais dans la dispendieuse capitale en prévoyant n’y passer que deux jours, trois au plus. J’y suis resté collé toute une semaine. À quoi bon chercher ailleurs quand le cœur nous bat déjà beaucoup trop fort?
Et pour me rendre jaloux, on m’annonçait pas plus tard que la semaine dernière qu’Oslo et Hambourg se montraient encore plus belles. Alors très bien : n’envahissez pas trop le Danemark et cherchez plutôt à conquérir ses voisins. C’en fera plus pour moi.
Pour les deux autres marches du podium, j’ai hésité. Quito, en Équateur, m’avait fait le même effet que Copenhague. Elle m’avait hypnotisée au point de me détourner des îles Galapagos, raison principale de mon détour par l’Amérique du Sud.
Du balcon de mon auberge, dans un quartier où il ne faisait pas bon sortir la nuit, on apercevait le volcan Pichincha au loin et les traces d’un marché de rue dans l’ombre que je projetais devant moi. L’âme de cette belle ville a enlacé la mienne. Son parc Itchimba, moins fréquenté des touristes, ou son musée de la Capilla del hombre, consacré à Guayasamin, m’ont littéralement retenu dans la capitale.
Valparaiso, au Chili, a usé de tactiques semblables pour me faire regretter de n’y avoir passé qu’une journée. La combinaison des collines et de la mer, peut-être, un peu comme à San Francisco, me réconforte. Ce sont les avantages de la montagne et du bord de l’eau à la fois. Ce sont les conditions, peut-être, qui alimentent la créativité d’artistes qui fleurissent dans ces belles villes.
Au risque de me perdre dans le champ gauche, j’ai néanmoins décerné la médaille d’argent à Santiago de Querétaro, au Mexique, dont je ne suis pas encore revenu depuis mon passage en février. Elle m’a fait fondre, littéralement, sous son chaud soleil de février, en même temps qu’elle cultivait le mystère en se voilant d’une extrême simplicité.
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Son petit musée d’art contemporain a beau se visiter en moins d’une heure, il est d’une immense efficacité. Et quand on se mêle aux couples âgés, chics de leurs vêtements du dimanche, dansant près de la gloriette d’un parc, une fois le soleil couché, on vibre un gros tantinet.
Voilà qui me mène au bronze, à l’hétéroclite, hétérogène, intense et culturelle capitale allemande : Berlin. Berlin, c’est un premier amour, un coup de cœur naïf pour une grande ville plus grande que nature. Un premier amour, c’est se laisser impressionner, être attiré par ce qu’on ne comprend pas complètement.
Berlin ne brille pas pour son architecture. Son histoire, bien que fascinante, présente des moments sombres à souhait. Mais sa modernité nous ramène dans le moment présent. J’avais le sentiment que je ne finirais jamais de l’explorer, même s’il m’a bien fallu partir un de ces quatre. Berlin, c’est comme tous les ingrédients d’un gâteau qui, pris séparément, ne font sourciller personne. Mélangés dans un grand bol, ils suscitent néanmoins la convoitise.
À force de réfléchir, j’ai presque eu envie de dresser mon propre palmarès, pour moi, pour réaliser qu’il y a un tas d’endroits où il me faudrait retourner : Tunis et sa médina, Addis-Abeba, que je n’ai pas complètement saisie, Marseille ou Lisbonne. Mais je sens à la fois l’appel de tous ces endroits qu’il me reste encore à fouler.
Voyager en ville, pour plusieurs, c’est troquer quatre caribous pour un huard. C’est écraser le même béton sur le même trottoir anonyme entre les mêmes gratte-ciel oppressants. À côté de la richesse d’une jungle, de la tranquillité d’un lac, de l’immensité d’une montagne, les agglomérations rivalisent d’ingéniosité, de culture, d’art, de traditions.
En ville, en se montrant malin, on arrivera à s’échouer dans un restaurant que d’autres étrangers n’ont pas trouvé. On regardera passer la vie, les gens, on se trouvant des points communs ou en laissant nos différences nous captiver. On trouvera des explications, aussi, ou des défis pour comprendre l’organisation de l’espace qui nous paraît chaotique.
J’aime les compromis. Me perdre dans le silence, loin du bruit omniprésent des hommes. Mais aussi me mêler à eux, les hommes, pour qu’ils me montrent ce que je ne sais pas.
Les villes sont plus que des passages obligés. Ils sont des pans de notre histoire. Ils sont là où l’autre a choisi de vivre et a organisé sa société.
Mais peut-être parce que je n’ai pas l’habitude de partager ma bulle avec des millions de personnes, mon palmarès à moi, il comprendrait vraisemblablement des villes de taille petite ou moyenne.
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Le Bourlingueur fera relâche pour les prochaines semaines.