Chronique|

Ces lieux qu'on aime : des meules, des gens et des chemins de terre (toujours!)

L’idée ne nous vient pas naturellement de partir sur une virée de fromageries comme on le ferait pour une route des vins ou des microbrasseries. Pourtant, il y a des heures de plaisir, de lenteur, de saveurs et de découvertes qui nous attendent. C’est le cas à la ferme Les Broussailles de Jean-François Clerson et Julie Labrecque à Martinville.

Y a des matins, c’est un cheddar. Le lendemain c’est un crottin, de la feta ou du fromage frais dans l’huile avec de l’ail grillé, du poivre, du basilic et de la tomate séchée. Chaque fois ou presque, j’ajoute une ricotta fabriquée avec le petit lait, histoire de maximiser le plaisir et la récolte laitière matinale.


Le lait, c’est le cadeau des biquettes. Et les biquettes, c’est le cadeau que ma douce et moi on s’est offert il y a quelques années déjà, histoire d’ajouter à nos ambitions d’autonomie alimentaire et de satisfaire la maniaque de fromage que je suis.

Mea culpa, mais zéro mea culpa.

Le fromage, c’est une des plus belles choses qui soient.

Les artisans fromagers sont des magiciens que je vénère.

Et leurs fromageries sont de véritables paradis, entre autres sur mes terres de retranchement, à califourchon entre le Centre-du-Québec et les Cantons-de-l’Est.

Je vous tape le chemin en vous incitant à choisir le gravier, toujours, parce que c’est plus beau, plus lent et plus souriant. 

Vous pourriez faire le tour en une journée. Mais non, faites pas ça. Savourez, slackez-vous les épaules, donnez du lousse au temps, souriez bêtement. Amenez-vous une glacière aussi.

L’idéal, c’est de partir le vendredi matin, peu importe d’où.

Du Presbytère...

On se rejoint à Sainte-Élizabeth-de-Warwick, bastion de la famille Morin, à quelques kilomètres en retrait de la 116, au Centre-du-Québec.

Deux options. 

D’abord celle où tu cherches un peu de tranquillité, tu commences alors par aller à la fromagerie du Presbytère, idéalement avant 14 h, c’est pas de trouble à trouver en plein cœur du petit village, inquiète-toi pas. 

Au comptoir, les tentations sont nombreuses, tu peux te lâcher lousse, mais le Louis d’Or et le bleu sont des incontournables.

Perso, je te conseille de repartir aussi avec quelques livres de beurre salé maison (malade!), un bout de Taliah, fromage de brebis vieilli qui peut ressusciter toutes les papilles mortes de la terre, et un (ou deux) petit(s) Chèvre à ma manière fabriqué pas très loin, à Warwick, à la fromagerie de l’Atelier, mais dispo assez régulièrement au Presbytère.

Une fois la récolte complétée, le pain et le boire ramassés, tu prends tes clics et tes claques, pis tu files pique-niquer sur ta nappe à carreaux au parc Marie-Victorin de Kingsey Falls ou à l’étang Burbank de Danville, au gré de quelques routes de campagne, bien entendu.

L’option 2, celle où t’as envie d’un bain de foule un peu fou, ferait en sorte que tu vivrais ton vendredi soir drette au Presbytère en amenant ton kit de pique-nique, tes rafraîchissements et tes gens préférés pour te gaver de fromage dans le petit lait, de grains et de toutes les beautés du comptoir avec quelques centaines, voire quelques milliers de personnes. Ben du monde à messe et au Presbytère! Nos hommages à Jean Morin qui déambule habituellement dans la foule, une meule à la main, pour partager sa bonne humeur et son fromage.

À la Nouvelle-France...

La panse bien pleine et le stress courant plus détendu, vous pourriez bien avoir dormi à Danville, village agréable s’il en est, et pris le petit-déj à la Binnerie du carré ou à la Mante du carré (vous aurez deviné qu’il y a un carré) avant de reprendre la route.

Idéalement toujours, prenez les petites routes de terre de Cleveland vers Richmond, traversez la rivière Saint-François par le pont de fer, (y a Les gars d’la saucisse juste après à droite si jamais) puis faites un arrêt au Marché champêtre de Melbourne pour mettre la main sur un fromage de la Ferme écologique coop d’Ulverton, des pâtes fermes de chèvre rares et surprenantes. Saluez Olivier de ma part.

Laissez le GPS ou votre carte routière vous proposer d’autres chemins de terre vers Racine, terre de révolutionnaires écologiques, du Marché Locavore et de la Fromagerie Nouvelle-France, là où le lait de brebis est transformé en plaisir assuré par Marie-Chantal Houde.

Les révolutionnaires et leur joyeuse bande tiennent à Racine un très sympathique marché, le samedi, jusqu’à 13 h, juste à côté de la boutique de fromages. 

Vous y retrouverez quelques fromages de leurs complices du Presbytère, mais aussi leurs produits phares, c’est-à-dire l’excellent Zacharie Cloutier, le yogourt au lait de brebis et le Pionnier concocté conjointement par les vaches de Sainte-Élizabeth-de-Warwick et les brebis de Racine, des petites bêtes qui vont si bien ensemble.

Tellement qu’on les a aussi mises à contribution pour créer un déjà râpé de fondue au fromage, mixte parfait de Zacharie Cloutier et du Louis d’Or de Sainte-Élizabeth. Tu ne le sais pas encore, mais tu veux manger cette fondue-là avec du pain aux noix, des pommes pis des poires, et tu veux aussi t’en servir sur ta pizza maison. La pizz de la mort? Pâte maison, le mixte de fromage, quelques tranches de pommes, des asperges et un pesto de pistaches maison.

Après, tu meurs.

Ou tu reprends la route... 

Jusqu’à l’incontournable Station

Entre les hauteurs de Racine et celles de Compton, tu pourrais décider d’aller passer ton samedi soir à Magog ou du côté de Coaticook pour voir sa Foresta Lumina

Mais tu peux aussi y aller pour Sherbrooke, la Reine des Cantons-de-l’Est, surnommée plus familièrement Sherby par la communauté étudiante.

Si jamais c’est le cas, on vous suggère de zyeuter la programmation des Concerts de la cité, du Granada, du Boq ou de la Petite boîte noire, de choisir parmi les excellents restos qui ont poussé au fil de la dernière décennie et de profiter de la terrasse de La Buvette, bistro zéro déchet sympathique dont le menu bouffe est court, mais délicieux et abordable, et le menu boire très élaboré et varié.

On boira cependant modérément. Parce que dimanche matin, on va faire le train.

Bon, peut-être pas le train, mais une visite à la ferme biologique de la Station, sur réservation notons-le, avant de se grappiller du service, des sourires et des conseils hyper sympathiques, un grilled cheese de feu et de refaire le plein de produits et de fromages pour emporter.

La famille Bolduc — aucun lien de parenté, mais avec un nom pareil, ce sont de bien bonnes gens, on le devine — travaille de concert sur les terres, dans les prés, dans les bâtiments et dans la fromagerie qui s’agrandit, ça se goûte dans le palais en mordant dans un morceau d’Alfred le fermier vieilli à divers degrés (mon dieu que c’est bon!), le Comtomme, le Hatley, la raclette ou peut-être même la rare pâte molle si avez de la chance.

Et un dernier tour dans les Broussailles

L’environnement de la Station et la campagne magnifique autour vous donneront envie de vous y établir, ou à tout le moins de prolonger le plaisir.

Alors faites-le. Restez parmi nous. 

Allez aux petits fruits ou aux pommes dans un des nombreux vergers du coin, perdez-vous encore sur les chemins de terre en partant dans la campagne de Hatley, Kingscroft, Ways Mills, ou encore du côté de Moe’s River et Martinville où, sur le chemin Bulwer, la Ferme les Broussailles ouvre ses portes tous les après-midis afin de vous faire découvrir le paradis des biquettes.

C’est l’endroit idéal pour découvrir la chèvre laitière et des fromages fermiers au lait cru tout simplement savoureux, qui suivent le gré des saisons et de l’alimentation aux champs.

C’est petit, bucolique, discret et sympathique. Julie et Jean-François sont des gens accueillants, et, on va se le dire, les chèvres sont des bêtes tout à fait curieuses et divertissantes. 

Vous pourriez même vous laisser tenter, en adopter quelques-unes et vous lancer dans le caillé à votre tour. Ça nous fera un autre point en commun.