Les astronautes de la Station spatiale internationale ne sont pas seuls à bord

Des scientifiques de l’Université de Montréal et de l’Université McGill ont conçu et testé une nouvelle méthodologie génomique qui a permis de révéler la présence d’un écosystème bactérien «étonnant» à bord de la Station spatiale internationale (SSI).

Nous ne sommes pas seuls dans l’espace. Du moins, pas à bord de la Station spatiale internationale.


Des scientifiques de l’Université de Montréal et de l’Université McGill ont conçu et testé une nouvelle méthodologie génomique qui a permis de révéler la présence d’un écosystème bactérien «étonnant» à bord de la Station spatiale internationale (SSI).

«Nous avons été impressionnés par la diversité de ce qui est en place, a dit un des auteurs de l’étude publiée par Environmental Biology, le professeur Frédéric Pitre de l’Institut de recherche en biologie végétale de l’Université de Montréal. Comme c’est un endroit fermé dans lequel on ajoute fréquemment de nouveaux organismes, la diversité continue d’augmenter, et ça nous a surpris. On s’attendait au contraire à ce que la diversité soit plutôt faible comme diversité bactérienne, mais nos données montrent carrément l’inverse.»

On croit parfois, à tort, que la SSI est un endroit stérile et aseptisé. Même si les différentes agences spatiales ont à coeur de tout nettoyer, tout ce qui arrive à bord de la station - matériel divers, nourriture, équipement de laboratoire et plantes et animaux vivants pour des expériences - vient avec son lot de microorganismes.

Le défi de maintenir propre l’intérieur des habitats en orbite a été initialement documenté dans la station spatiale russe Mir, où les conditions s’étaient tellement détériorées que des moisissures étaient apparues partout dans l’environnement. Les différentes agences tentent de réduire la croissance microbienne à bord de la SSI depuis son lancement en 1998.

«Notre conclusion est (...) qu’on amène avec nous dans ces longs voyages-là toute une diversité de microorganismes qui constituent nos microbiomes respectifs, a dit M. Pitre. La question qu’on a testée était de savoir s’il y avait des différences entre les différents compartiments de la Station spatiale, donc les endroits où les astronautes vivent et/ou les expériences sont conduites, et on s’est rendu compte qu’il y a vraiment une diversité bactérienne qui est présente dans ces deux microenvironnements-là.»

Les chercheurs ont détecté dans les quartiers des astronautes plusieurs bactéries qui proviennent du système digestif, donc du microbiote intestinal. Rien d’étonnant, a assuré le chercheur, puisque les astronautes y vivent depuis plusieurs années, ce qui signifie qu’il y a un ajout constant de bactéries associées aux humains.

Inversement, ils ont observé dans les laboratoires une très grande diversité de bactéries qui correspondent aux expériences qui y ont été menées. Ils y ont ainsi détecté des bactéries associées à des souris, à des rats ou encore à des plantes, et dont l’ADN est facilement identifiable.

Cette identification est importante pour assurer la santé des astronautes et elle sera cruciale pour les futurs voyages spatiaux de longue durée. Elle aura aussi des applications dans les domaines de la gestion de l’environnement et de la santé.

De la Terre à l’espace à la Terre

Les outils qui ont permis d’étudier l’écosystème microbien de la SSI avaient tout d’abord une utilité beaucoup plus... terre-à-terre.

«On travaille sur des problématiques environnementales, et notamment le sol, a expliqué Frédéric Pitre. Le sol est un environnement qui est très complexe, il y a une énorme biodiversité, donc on a développé des outils pour pouvoir étudier ces questions-là. On a voulu tester nos outils dans différents contextes et on a découvert qu’on pouvait avoir accès à des données prises à bord de la Station spatiale internationale, et on s’est dit que c’était un bon contexte pour tester un environnement qui est assez unique. On ne sait pas trop ce qui se passe là-bas.»

La finesse des connaissances qui sont acquises à bord de la Station spatiale peut être appliquée ici sur Terre par la suite, a-t-il précisé.

«Les outils que nous avons développés peuvent être utilisés dans plusieurs environnements distincts, ici sur Terre. On a des projets équivalents dans des environnements extrêmes. Ça a été un moyen de développer un outil qu’on peut maintenant transférer à de plus grandes applications.»

La méthode est aussi présentement utilisée pour comprendre des maladies humaines et les microbiomes.

Reste maintenant à déterminer si les bactéries qui se sont établies à bord de la SSI sont dangereuses pour les astronautes.

«On ne le sait pas vraiment, a admis M. Pitre. On a identifié des choses qui sont intéressantes et qui mériteraient d’être poussées, mais c’est certain qu’on a vu une grande diversité de bactéries, notamment des e.coli et des choses comme ça, mais ce n’est rien de surprenant. Comme il y a des humains, il y a des systèmes digestifs, et avec eux vient une diversité de bactéries.»