« C’est un projet qu’on caresse depuis plusieurs années, Johanne Roby [professeure au Cégep de Sherbrooke] et moi, et qu’on essayait de financer, commente Martin Aubé, professeur au Cégep de Sherbrooke. On dirait qu’il fallait attendre le bon timing; et là ça décolle! »
« Ce serait une première mondiale : on créerait ce qu’on appelle une oasis de ciel étoilé, mais en milieu urbain. Souvent, tous ces projets-là ou presque sont dans des endroits loin des villes. Pour le mont Mégantic, par exemple, Sherbrooke fait partie de la réserve, mais il reste que ce n’est pas à Sherbrooke qu’on a une qualité de ciel étoilé. La question de départ était : peut-on rétablir le ciel étoilé dans une ville pour que les citoyens puissent voir la Voie lactée dans la ville? Ça fait un bout qu’on essaie de pousser ce projet-là et il y a eu un bon timing avec le projet de réserve naturelle du Mont-Bellevue. On s’est dit que ça pourrait s’intégrer dans cette initiative-là et ça a intéressé beaucoup de monde. »
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Plusieurs étapes
L’initiative compte plusieurs étapes, explique M. Aubé, la première étant de protéger un espace dans la ville.
La réserve naturelle du parc du Mont-Bellevue, pour laquelle une demande a été déposée, compte déjà des critères de protection de l’environnement. M. Aubé et Mme Roby ont donc suggéré d’ajouter un volet sur l’intégrité du ciel nocturne.
« Le comité de création de la réserve a été très ouvert. »
À court terme, les étudiants travailleront à la caractérisation de la pollution lumineuse de la réserve. Des étudiants du Cégep de Sherbrooke travailleront pendant un an sur cette initiative dans le cadre de deux cours.
Des étudiants et des professeurs des universités de Sherbrooke et de Bishop’s participeront également.
« L’idée, c’est de dire comment on peut caractériser la réserve, voir quel est le niveau d’éclairage la nuit, quelles sont les espèces nocturnes, ce qui a été répertorié jusqu’à maintenant et de produire une sorte de base de données qui éventuellement pourrait servir à de la recherche plus avancée sur ces aspects. » Une étudiante finissante au Cégep de Sherbrooke, Mia Caron, a commencé à cartographier le secteur.
« L’idée c’est de dire ce qu’on peut faire si on veut rendre la Voie lactée visible, parce qu’on ne la voit pas très bien actuellement. On fait des scénarios de conversion d’éclairage pour essayer d’identifier les critères qui permettront de rendre la Voie lactée visible. On sait que c’est faisable. »
Un volet de développement récréotouristique pourrait s’ajouter si des partenaires se greffent, note Martin Aubé, en citant en exemple de l’hébergement adapté à l’observation d’étoiles ou encore un parc de sculptures thématiques. « On n’est pas rendu là », nuance-t-il toutefois.
Hydro-Sherbrooke travaillera dans les secteurs névralgiques
La création d’une oasis en milieu urbain se fera avec l’aide d’Hydro-Sherbrooke, qui fait déjà des efforts pour contrer la pollution lumineuse.
Sherbrooke fait partie de la Réserve internationale de ciel étoilé du Mont-Mégantic (RICEMM), aux côtés d’une trentaine de municipalités des MRC du Haut-Saint-François et du Granit.
À partir de simulations identifiant les actions les plus efficaces pour restaurer le ciel étoilé, les chercheurs pourront cibler les secteurs névralgiques, où le remplacement de luminaires plus respectueux du ciel étoilé est prioritaire.
« Pour nous, ça aura un impact positif, mais il n’y aura pas d’impact budgétaire », précise David Seminaro, chef de la division des lignes à Hydro-Sherbrooke.
Depuis 2014, l’organisation a cessé l’achat de luminaires standards (haute pression au sodium) et achète plutôt une technologie DEL plus respectueuse de la préservation du ciel étoilé.
Le projet est possible même en présence de la station de ski, selon Martin Aubé, professeur au Cégep de Sherbrooke et l’un des instigateurs du projet.
« La station de ski n’est pas ouverte tout le temps, elle ferme vers 22 h, et c’est seulement une partie de l’année. Éventuellement, on pourrait imaginer qu’on change l’éclairage là aussi, mais à court terme, ce n’est pas ça le projet. On va commencer par se concentrer sur la base d’éclairage qui est déjà là et qui est fixe. L’idée est plus de convertir les quartiers autour. »
Pourquoi parler d’oasis plutôt que de réserve? On ne veut pas aller vers une norme, explique M. Aubé, notamment parce qu’on se trouve en milieu urbain.
« Les réserves impliquent des milieux urbains, mais ce n’est pas adapté... Il y a différentes catégories (...) C’est un peu une nouvelle catégorie que l’on crée; on ne rentre pas dans aucune case. Ça va peut-être inspirer d’autres communautés par la suite. »
Les instigateurs ont reçu un premier financement du Pôle régional de l’enseignement supérieur de l’Estrie (PRESE) et feront une deuxième tentative de financement au programme AUDACE.
La création de cette future oasis ne change rien à la demande de réserve naturelle au parc du Mont-Bellevue déposée au ministère de l’Environnement, mais elle permet d’ajouter un objectif de protection du ciel étoilé, note Véronique Bisaillon, conseillère pédagogique en développement durable à l’UdeS.
« On trouvait que compte tenu du positionnement de la réserve du Mont-Bellevue dans la RICEMM, que Sherbrooke est incluse dans le territoire, ça nous permettait de rejoindre notre intention d’en faire un projet-école et ça s’inscrivait dans les visées de protection; le milieu naturel, mais aussi le ciel nocturne. C’est pour ça qu’on a ajouté un objectif qui touche à cet aspect, d’intégrer la dimension d’oasis de ciel étoilé comme un objectif de protection. »