Une année ne révèle pas tout, mais qu’il y ait eu gain net de 30 200 emplois en 2018 dans la région de Montréal pendant que le reste du Québec subissait des pertes équivalentes a sûrement à voir avec la main-d’œuvre disponible, considérant que la population des 15 à 64 ans a chuté entre 2011 et 2017 dans les régions alors qu’elle n’a cessé de croître dans la métropole au cours de cette période. Montréal a d’ailleurs récolté 85 % des nouveaux emplois québécois au cours des trois dernières années, selon l’IdQ.
Ce portrait provincial se transposerait dans chacune des régions du Québec. Le renouvellement de la main-d’œuvre pose un défi partout, mais il est plus criant dans les MRC périphériques que dans celle de Sherbrooke.
« La pénurie de travailleurs devient le plus grand frein au développement et comme peu d’immigrants se dirigent vers les petites communautés, ça ajoute à leurs difficultés d’attirer des investissements » commente Mia Homsy, directrice générale de l’IdQ et coauteur du Bilan 2018 sur l’emploi au Québec.
L’un des tableaux préparés par cet organisme, qui n’a pas de liens avec l’Institut de la statistique du Québec mais qui est plutôt né d’un partenariat entre le Conference Board du Canada et aux HEC de Montréal, fait ressortir une perte de 3300 emplois en 2018 dans la Région métropolitaine de recensement (RMR) de Sherbrooke.
« Je ne saurai expliquer les causes de cette année creuse. Il y a eu retour à la croissance des programmes, l’an dernier, dans le budget provincial. Mais il n’est pas impossible non plus qu’il y ait un décalage dans les effets des compressions des années précédentes », avance Mme Homsy.
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Rappelons que l’ex-maire Bernard Sévigny avait estimé que la lutte au déficit provincial avait entraîné des pertes économiques de l’ordre de 60 M$ pour Sherbrooke.
« La tendance sur 10 ans est plus représentative et est très positive puisque les régions de Sherbrooke et de Québec sont les seules à avoir connu un rythme de croissance pratiquement aussi soutenu que celui de Montréal. Il est clair que vous disposez d’un levier. Vous avez une masse critique d’emplois dans des secteurs de pointe, des atouts et des attraits pour affronter mieux que d’autres la pénurie de main-d’œuvre », poursuit l’analyste.
L’IdeQ invite les décideurs « à mettre fin au déni » et appelle à un changement de paradigmes.
« Il faut d’abord admettre que l’obsession de la création d’emplois n’est plus compatible avec la réalité actuelle du marché du travail. Et au-delà des mots, cela implique de revoir la politique de développement qui prévaut depuis plusieurs décennies et d’investir dans de nouveaux leviers de croissance », peut-on lire dans l’étude.
Est-ce dire que nos élus devraient à l’avenir promettre des travailleurs plutôt que des emplois pour assurer la prospérité?
« En quelque sorte, oui. C’est une invitation aux investissements qui augmenteront la productivité et réduiront les besoins de main-d’œuvre. C’est un appel à la créativité pour un soutien autre que des subventions. Des initiatives ont produit de bons résultats pour diminuer le décrochage scolaire et il faut continuer à miser sur les partenariats impliquant les employeurs et les formateurs. Tout part d’une prise de conscience du virage que nous devons prendre », décrit Mia Homsy.
Le taux de postes vacants en Estrie est dans la moyenne de la province. À ce chapitre, les régions du Centre-du-Québec et de Chaudière-Appalaches vivent une problématique plus aiguë.
N’en reste pas moins que, chez nous comme ailleurs, la courbe du vieillissement annonce au cours des prochaines années plus de départs à la retraite que de nouveaux travailleurs. On n’a encore rien vu, et cette étude nous suggère fortement de ne pas attendre que le choc démographique soit encore plus sévère avant de planifier l’avenir autrement.