Chronique|

La deuxième chance de Thessalonique

La Tour blanche, à droite, est le monument le plus célèbre de Thessalonique. Elle est avantageusement située pour obtenir une vue sur le golfe.

CHRONIQUE / On a rarement une deuxième chance de faire une bonne première impression. C’est vrai pour les nouvelles villes ou même les nouveaux pays aussi. Ce premier sentiment nous mettra sur nos gardes pendant un temps ou nous poussera rapidement à vouloir en découvrir plus.


C’est un peu le talon d’Achille de l’Inde, un pays riche en traditions qu’il vaut absolument la peine d’explorer. Mais on raconte souvent qu’il n’y a pas de zone grise, en Inde : on aime ou on n’aime pas.

C’est qu’il faut parfois un temps d’adaptation, si nos sens sont sursollicités parce qu’il y a tant à voir, à entendre et à sentir. Tout nous paraît nouveau, si bien qu’on sera émerveillé... ou tenté de succomber à la panique. Laisser le temps au temps devient parfois la meilleure façon de changer ses perceptions.

Mais encore faut-il avoir le temps.

Quand j’y repense, je me congratule d’avoir offert un peu de temps à Thessalonique, au nord de la Grèce. La ville moderne, un brin branchée, figurait sur ma liste des incontournables pour une raison obscure. Juste un feeling, une impression que je m’y plairais.

Thessalonique partait avec deux prises. Même si la Grèce m’a offert des rencontres exceptionnelles, ça ne clique toujours pas avec le pays lui-même. Difficile de dire pourquoi. Les paysages magnifiques, la nourriture qui donne envie de se gaver sans arrêt, le soleil qui brille continuellement ne suffisent pas. Je ne connecte pas.

Et ce jour-là, j’arrivais de Kalambaka, village où j’avais égaré mon appareil photo. Je chiquais de la guenille en silence dans mon train de ne pas avoir eu plus de temps pour tenter de le retracer. Quand le train s’est vidé pour un transfert qu’on ne m’avait pas annoncé, je n’ai lâché ma guenille que pour pousser un soupir de mécontentement. Je suis passé à un cheveu de rester coincé au milieu de nulle part.

À mon arrivée à Thessalonique, le bus a sillonné la rue Egnatia, un grand boulevard achalandé un peu terne. Les bâtiments modernes construits à la suite de l’incendie majeur de 1917, parfois un peu austères, m’ont fait plisser le nez.

J’ai inspiré profondément avant de me diriger vers la Tour blanche, le plus célèbre monument de la ville, qui a autrefois agi comme une prison. Érigée en bordure du golfe de Thessalonique, elle propose une vue magnifique sur le boulevard de bord de mer qu’elle domine.

Très touristique, le lieu est entouré de vendeurs de bracelets qui usent de leur charme pour améliorer leurs ventes. Le stratagème de plus en plus connu dans les grandes villes d’Europe consiste à amorcer la conversation de façon très amicale. Le marchand attache ensuite un bracelet autour de votre poignet et ne tarit pas d’éloges pour dire à quel point il vous fait bien avant d’exiger une rétribution pour l’objet qu’il vient de vous offrir.

On nous sollicite aussi toutes les cinq minutes pour nous proposer un tour de bateau, quand ce ne sont pas deux musiciens de rue qui se battent pour occuper le même espace sur la promenade.

Des fois, on a juste envie qu’on nous foute la paix.

J’ai commencé à me réconcilier en soirée, quand le centre de la ville s’est animé sous un ciel obscurci. Les restaurants, les terrasses aux fumets appétissants et l’ambiance décontractée et festive m’ont plu. C’est sans compter les vestiges historiques éclairés d’une lumière blafarde.

Surtout, en remettant les compteurs à zéro, en invitant le sourire au jour deux de la visite, j’ai compris pourquoi plusieurs considèrent Thessalonique comme leur coup de cœur en Grèce.

Thessalonique m’a plu à cause d’Ano Poli, autrefois le quartier turc, qui compte des églises et des monastères inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco. Ses maisons à colombage ont survécu à l’incendie de 1917, même si le feu avait pris naissance dans ce quartier à flanc de colline. Le vent avait alors poussé l’élément destructeur vers la mer en épargnant ce vieux quartier.

En faisant travailler les mollets pour gravir les rues escarpées, on finit par s’offrir une vue panoramique sur toute la ville. On atteint aussi les vieux remparts et une ancienne prison érigée dans un édifice ottoman. La prison, qui a fermé ses portes en 1989, sert aujourd’hui de lieu d’exposition pour des œuvres d’art originales.

Thessalonique a aussi fini par me charmer avec sa promenade de front de mer qui s’éloigne du centre-ville. Les badauds se rassemblent avec raison près de la sculpture des parapluies de Georges Zongolopoulos. L’art, rassembleur, enjolive une promenade autrement très bétonnée. Il s’agit aussi probablement d’un des plus beaux endroits pour observer le coucher du soleil.

 Thessalonique fait la démonstration que les deuxièmes chances nous permettent parfois de changer d’idée.
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Pour regarder le coucher du soleil à Thessalonique, la sculpture des parapluies de Georges Zongolopoulos m’est apparue comme le meilleur endroit.