Selon les experts, les conditions actuelles dans les océans sont propices à ce que le prochain hiver ressemble notamment à ceux de 2007-2008 ou de 2000-2001.
Le premier nous rappelle des accumulations de neige devenues des records dans plusieurs régions du Québec, particulièrement dans le corridor du fleuve Saint-Laurent. L’Estrie avait également reçu cette année-là plus de neige que d’habitude, mais un printemps favorable avait atténué les impacts sur le cheptel de cerfs de la région.
Ce ne fut pas le cas en 2000-2001, hiver auquel des milliers de chevreuils n’ont pas survécu. Le bureau régional de la Faune avait été inondé d’appels de citoyens qui avaient trouvé les restes de cervidés. Nos forêts étaient devenues un immense cimetière puisque le biologiste Marc-Jacques Gosselin avait alors estimé les pertes entre 10 000 et 15 000 bêtes.
« Le chevreuil et son habitat en ont mangé toute une! L’hiver a pris pratiquement l’équivalent d’une saison de chasse » avait analysé M. Gosselin.
Sans crier au loup et annoncer une hécatombe sur la foi de pronostics assez généraux, il y a certaines similitudes entre la situation de l’automne 2001 et celle d’aujourd’hui.
Premièrement, la neige est arrivée tôt et de ce fait, elle a drainé pas mal d’énergie chez les mâles qui sont constamment en déplacements et qui cessent pratiquement de s’alimenter durant la période frénétique de l’accouplement. La résistance au froid est amoindrie même chez les plus costauds lorsque les réserves de graisse sont sollicitées avant la fin de l’automne.
Les chutes de neige de la dernière quinzaine ont déjà poussé les cerfs dans les couverts des résineux. D’une part parce qu’ils y sont mieux protégés du vent, mais aussi parce que les branches retiennent momentanément la neige avant de la déverser aux extrémités, comme l’eau s’écoulant d’un parapluie.
Pour bien saisir l’astuce, pensez au réseau de sentiers moins enneigés que nous pouvons emprunter le long de nos maisons en exemptant les amoncellements se formant là où les toitures se vident de neige.
Puis, chaussez une paire de raquettes et allez vérifier si le couvert de neige uniforme d’une érablière est propice à la même économie d’énergie. Vous comprendrez pourquoi les cerfs cherchent à s’éviter cette misère.
Les hivers hâtifs et persistants obligent les chevreuils à entrer tôt dans leur aire de confinement et à y vivre plus longtemps si l’hiver s’étire. Or, la bouffe n’est pas illimitée. Plus la densité du cheptel est élevée, plus le problème d’alimentation se pose d’ailleurs rapidement. Car 200 chevreuils broutant dans un même ravage bouffent pas mal plus que s’ils ne sont que 50 en quête de jeunes pousses.
La mortalité hivernale étant la somme de tous ces facteurs, les conditions ayant prévalu en 2000-2001 avaient été le pire des scénarios. Le cheptel s’est tout de même vite remis de cette sévère trouée.
La cible du plan de gestion 2010-2017 devait nous amener à une population de 40 900 chevreuils dans les zones 4, 6 nord et 6 sud. Le cheptel est probablement un peu plus important que cela. Les mises à jour de fin de saison nous le diront d’ici peu.
En prenant cette cible pour référence, c’est dire qu’un hiver rigoureux, qui entrainerait un taux de mortalité de 20 %, pourrait éliminer entre 8000 à 10 000 bêtes. La récolte annuelle des chasseurs ces dernières années a plutôt été de l’ordre de 15 000 à 16 000 cerfs.
Complétons le portrait avec les statistiques des collisions routières impliquant des chevreuils, qui sont passées de 850 en 2015 à 1058 en 2017, selon les chiffres fournis par la direction régionale du ministère des Transports.
Beaucoup de neige passe toujours. Mais les chevreuils doivent trouver autant que nous que trop, c’est comme pas assez!