Chronique|

La ville ultrareligieuse de Safed

La petite ville de Safed, en Galilée, est plutôt calme en matinée et en soirée, quand les touristes de passage sont partis.

CHRONIQUE / Malgré la chaleur accablante pesant sur Israël, en début d’été, il fallait prévoir de quoi se couvrir pour les soirées fraîches à Safed, dans les hauteurs de la Galilée, à proximité du Golan. Même dans le jour, personne ne se battait pour les quelques parcelles d’ombre qu’on pouvait trouver.


Safed, à 900 m d’altitude, compte environ 32 000 habitants. C’est aussi le lieu de naissance du leader palestinien Mahmoud Abbas. Le principal défi, en arrivant, est de déterminer comment écrire le nom de la ville. Outre Safed, on l’appelle aussi Tsfat ou Tzfat.

De l’ouest du pays, la route vers cette ville mystique est particulièrement jolie. On gravit des montagnes sur des routes aux courbes infinies. Et la navigation dans la ville elle-même requiert un brin d’étude puisque les principales rues, à sens unique, peuvent nous forcer à de longs détours pour revenir en arrière.

J’ai dormi au Safed Inn, un bed and breakfast situé aux limites de la ville, dans un coin à l’opposé du vieux quartier. L’établissement, avec son énorme jardin et son offre de copieux petits-déjeuners, se trouvait à deux pas d’une base militaire. Deux pas exactement. Du jardin, en se mettant sur le bout des pieds, on voyait les jeunes hommes et femmes s’entraîner de l’autre côté d’un mur surmonté de barbelés.

On les voit d’ailleurs partout en ville, les jeunes enrôlés, avec leurs uniformes, déambulant nonchalamment. Au premier coup d’œil, ça surprend un peu. Mais dans un pays où le service militaire est obligatoire, c’est chose commune.

Le premier soir, je me suis échoué dans un restaurant irakien complètement vide. Le repas typique, un bouillon avec des boules de semoule et un peu de viande, mijotait dans une grande casserole. Le chef, un costaud moustachu, m’en a servi plusieurs louches en me regardant d’un air amusé.

Une promenade dans la nuit neuve m’a fait aimer Safed immédiatement. La ville sainte, très religieuse, est la capitale de la kabbale, un courant mystique du judaïsme. À n’en point douter, à la lumière faiblarde éclairant les rues piétonnes de la vieille ville, on sent tout de suite une atmosphère étrange mais apaisante. Safed a une âme.

Il y a aussi ce sentiment d’immensité quand on se tient tout en haut du grand escalier, Ma’alot Olei Hagardom, qui traverse la vieille ville pour descendre vers l’ancien cimetière juif. La vallée, à l’horizon, n’est que l’immensité d’une épaisse obscurité parsemée de quelques flambeaux lumineux.

Les allées, où les boutiques bourdonnent en plein jour, sont désertes une fois la nuit tombée. Les volets des fenêtres sont fermés. Des ribambelles de fanions aux couleurs d’Israël flottent nonchalamment. À l’occasion, on entend le bruit des pas sur la pierre quand des hommes quittent la synagogue pour rentrer à la maison.

Assis dans le grand escalier, j’ai regardé ces passants, majoritairement des juifs hassidiques, se déplacer avec une détermination évidente. Pas de pertes de temps en chemin. J’ai rapidement compris pourquoi, comme touriste, il est préférable d’éviter Safed un jour de sabbat. Déjà en soirée, c’est le calme plat. Les journées de repos sont donc forcément encore plus silencieuses.

On se perd avec joie dans les ruelles étroites de la vieille ville, où les portes et les volets bleu ciel tranchent sur des murs blancs. Comme dans un labyrinthe, on se surprend à passer deux fois devant la même synagogue, devant la même galerie d’art.

Les portes et les volets des ruelles, à Safed, sont peints en bleu.

Il s’agit d’ailleurs d’une autre particularité de la ville. Les artistes y ont élu domicile et les galeries pullulent. Les toiles, les sculptures ou les objets originaux ont de quoi satisfaire même les amateurs les plus capricieux.

Mais en pleine journée, les rues deviennent pratiquement impraticables en raison des hordes de touristes qui débarquent d’un autobus pour arpenter la vieille ville en quelques heures. Les portes des galeries bouchonnent et les restaurants ne fournissent plus de servir les kebabs et les falafels.

On peut alors se tourner vers le vieux cimetière juif, où le calme et le décorum dominent. Si on y retourne en soirée, on verra des croyants allumer des chandelles et parfois, on les entendra aussi prier.

Autrement, un marché vibrant d’activité, où l’on trouve autant des vêtements que des fruits et des légumes frais, est dressé sur une grande place, en plein air, juste à l’extérieur de la vieille ville.

J’avais inscrit Safed sur ma liste d’incontournables et je suis heureux de m’y être attardé deux jours, même si la ville est particulièrement petite, pour me donner le temps de contourner les visites touristiques et de m’imprégner de l’atmosphère étrange qui la baigne.

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