Chronique|

Monterrey aller-retour

Le début de soirée peut difficilement être plus beau qu’à l’observatoire de Cerro del Obispado, où un immense drapeau battant au vent crée une hypnotisante mélodie.

CHRONIQUE / Comment savoir qu’on est accro ? Quand l’objet de notre dépendance occupe tous nos temps libres ? Quand on y revient toujours, même quand on ne peut y consacrer qu’un temps très limité ?


Comment savoir qu’on est accro ? Quand l’objet de notre dépendance occupe tous nos temps libres ? Quand on y revient toujours, même quand on ne peut y consacrer qu’un temps très limité ?

En matière de voyage, c’est probablement quand toutes nos vacances se passent à l’étranger. Ou quand même les longs week-ends nous fournissent une excuse pour monter dans le prochain avion...

Coupable ! Je suis accro.

D’abord, avec l’excuse de visiter un ami, je me suis payé de longues fins de semaine à Toronto. En voiture, bien sûr, pour la liberté de mouvement. Il m’apparaissait plus logique, et moins cher aussi, de passer sept heures sur la route que sept heures dans un avion pour un week-end à Paris, par exemple. Et je visitais mon Canada.

J’ai pris goût à partir dès qu’on m’accordait un lundi de congé. Toronto m’a revu sept ou huit fois. Ensuite, avec la même excuse en poche, je me suis envolé vers la ville des vents pour « célébrer » l’Action de grâces canadienne. Trois grosses journées de beau temps pour voir la Cloud Gate, cette fève géante dans le Millenium Park, ou la Crown Fountain, juste à côté, avec ses visages humains projetés sur d’énormes colonnes.

Dieu que j’ai aimé Chicago, son architecture, son métro aérien, ses bars de blues et sa « deep dish pizza ».

Trois jours, c’est court. Mais justement, trois jours, ça nous évite de nous éparpiller. Pas le temps de s’étendre dans tout l’Illinois ou de déborder au Wisconsin ou en Indiana. Pas le temps de tout voir, non plus, mais assez pour contempler, tout simplement.

Pour le dernier long congé, j’ai poussé encore un peu plus. On est accro ou on ne l’est pas. M’assurant qu’un divan saurait m’accueillir à destination, j’ai arrêté mon choix sur Monterrey, au Mexique. Je sais, ils sont nombreux à avoir froncé le sourcil, à m’avoir dévisagé comme si j’étais un demeuré de m’absenter pour une si courte période. Ma dépendance venait d’être soulignée au feutre rouge.

Étrangement, mes vacances, je les trouve en m’installant dans mon siège dans l’avion. Peut-être est-ce la déconnexion complète de l’internet ou l’obligation de ralentir, de m’attarder devant un film ou un bon livre. Mais je décroche enfin.

Sous les 37 degrés au nord du Mexique, j’ai fait connaissance avec Monterrey, surnommée la Pittsburgh mexicaine en raison de ses fonderies. Pourtant, ce qui saute aux yeux, ce sont les dizaines de centres commerciaux qui longent les autoroutes. Monterrey, eldorado de la consommation.

Devant le Museo de Historia Mexicana, les troupes de danse se succédaient au coucher du soleil pour célébrer le début du mois de la Patrie.

Mais on verra aussi Cerro de la Silla, la montagne qui caractérise la ville et qui culmine à 1800 m d’altitude. Énorme, elle peut être aperçue de partout par beau temps. Et pour la toiser encore mieux, on se rend à Cerro del Obispado, une colline sur laquelle flotte un immense drapeau mexicain.

Le drapeau, à 100 m dans les airs, sur un poteau gros comme ça, claque au vent en produisant une hypnotique mélodie. De l’observatoire qu’il surplombe, on peut s’amuser du ballet incessant des bolides sur les grandes artères, toujours congestionnées, ou tomber en admiration devant les pics qui s’élèvent çà et là tout autour de la grande ville.

Le Lonely Planet, excellent pour vendre une destination comme Monterrey, prévient dans son édition 2015 que la criminalité y est omniprésente. Quelques années plus tôt, une guerre entre les cartels de la drogue avait fait une cinquantaine de morts dans un casino.

« Non, non, non ! Tout ça fait partie du passé », tente de me rassurer mon hôte... en me pointant le casino où la tragédie s’est produite. Fermé et abandonné, l’établissement longeant un grand boulevard est entouré de dizaines de croix de bois en hommage aux victimes.

En fin de compte, Monterrey s’est montrée accueillante. La promenade Santa Lucia, le long d’un canal complètement aménagé, avec des fontaines, des murs d’eau et des œuvres d’art, mène au Parque Fundidora, le parc de la Fonderie, qui constitue le lieu de rassemblement par excellence. Par un beau samedi, les couples de jeunes mariés affluent pour prendre des photos à l’ombre de l’ancienne fonderie, transformée en musée. On peut grimper les tours de l’usine et s’offrir une autre vue imprenable sur la ville. Tout autour, les bâtiments ont été transformés en musées, souvent gratuits, ou en salles de spectacles.

En ville, devant le Museo de Historia Mexicana, une scène avait été dressée pour lancer les festivités du mois de la Patrie. En prévision de la fête nationale, dont les célébrations commencent le 15 septembre, 52 troupes représentant les États du pays ont offert des chorégraphies traditionnelles vêtues de costumes tout aussi traditionnels.

Au soleil couchant, j’ai vu des hommes portant des chapeaux de cowboy se déhancher. J’ai vu des femmes élégantes manier l’éventail en faisant tourner leur jupe colorée.

En m’amourachant du folklore mexicain, en dégustant le barbacoa de Tacos Villa de Santiago, je me suis senti juste assez ailleurs pour oublier que le boulot m’attendait au bout de la fin de semaine... et pour accepter de ne pas traiter, pour le moment, cette dépendance qui m’étreint bien fermement.

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