Chronique|

Le tourisme rural de Vallue

Faniel Laurent, du Musée végétal de Zamor, explique avec passion les techniques qu’il utilise pour multiplier sa production de fruits.

CHRONIQUE / Le nom de Petit-Goâve sonne une cloche. Parce que Dany Laferrière y a passé son enfance, peut-être. La petite ville, magnifique, vibre comme aucun autre endroit que j’ai visité en Haïti.


La ville a ce je-ne-sais-quoi d’hypnotisant, qui prend aux tripes sans qu’on puisse vraiment l’expliquer. Mais à l’abri de la végétation, dans les montagnes auxquelles s’appuie la ville, se trouve probablement un secret encore trop bien gardé. Le village de montagne de Vallue, une commune de Petit-Goâve, abrite une communauté rurale qui s’est prise en main et qui bâtit jour après jour un environnement où il ne faut pas trop insister pour qu’on s’attarde. Mon coup de cœur en Haïti!

On y accède en voiture sur une partie des 13 km de route construits en montagne. Une partie de ces routes compte des bandes bétonnées pour faciliter le transit. En s’élevant entre les 650 et 1100 m d’altitude, on aperçoit les baies de Petit-Goâve, d’un côté, et de Grand-Goâve, de l’autre.

Vallue, c’est une communauté rurale qui ne reste pas les bras croisés. Son association de paysans, reconnue comme un organisme non gouvernemental, développe l’économie locale grâce à l’agriculture et à l’élevage. Au tourisme rural, aussi, alors que les visiteurs peuvent s’y pointer depuis 2002.

Vallue, c’est donc 1400 habitants, soit 227 familles, et une association de paysans fondée en 1987 pour favoriser l’éducation, l’esprit d’entreprise et la création de richesses collectives. « Nous voulions inventer un avenir fort pour rebâtir nos communautés et valoriser autrement nos montagnes. Il fallait mobiliser les paysans pour en faire une force organisée », dit Abner Septembre, un des membres fondateurs de l’association.

Quand on y pense, les amoureux de dénivellations y trouveront non seulement leur compte pour se dégourdir les jambes, mais ils rencontreront aussi des villageois chaleureux et accueillants. Du même coup, de voir des chemins pavés, de l’électricité et un bélier mécanique qui permet de remonter de l’eau dans les hauteurs du village sans électricité ou autre forme d’énergie, il y a de quoi être impressionné.

Alors on voit quoi, quand on se rend à Vallue?

Au Musée végétal de Zamor, par exemple, Faniel Laurent est une mine d’information. Son jardin luxuriant regorge de fruits dont il prend soin jalousement. Il pratique le marcottage et le greffage et se fait un plaisir d’expliquer ses techniques de culture. À une certaine époque, raconte-t-il, la canne à sucre et le café étaient cultivés dans les montagnes. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Mais on y trouve maintenant des avocats, du corossol, des bananes et des mandarines.

Mais on peut aussi aller à la rencontre de Faustin, qui fabrique son fromage, d’Océana, qui travaille à la transformation de fruits, ou de Dieudonné, responsable de la radio communautaire.

« Nous voulons que la zone serve de modèle pour le développement à Haïti d’un environnement sain, vert, où on pense que les arbres jouent un rôle important. Même si les gens disent qu’Haïti est un pays violent, ici, ce n’est pas violent du tout. On peut marcher à n’importe quelle heure sans danger », dit Dieudonné.

Une randonnée sur le mont Jalousie offre une vue sur la baie de Petit-Goâve.

Mimose, elle, considère comme une fierté que les touristes se déplacent jusqu’à Vallue. « C’est un endroit paisible. Quand ils dorment à la maison, qu’ils achètent quelque chose, ils laissent de l’argent dans la zone. »

Parce qu’on peut effectivement dormir chez l’habitant. Ou se tourner vers la Villa Ban-Yen, un hôtel niché à 750 mètres d’altitude. Il est avantageusement situé pour profiter de la vue, pour aller randonner sur le mont Jalousie ou pour atteindre le Musée végétal. Là, on ne se réveille pas au son de la rue qui gronde ou d’une symphonie de klaxons. On dort au son de la vraie nature.

Océana raconte, elle, à quel point le virage de la communauté vers une forme d’autosuffisance a changé la vie de tout un village. Autrefois, s’ils étaient malades, les villageois devaient descendre la montagne sur un brancard pour se rendre à l’hôpital. Certains mouraient en cours de route. « Je suis allée travailler à Port-au-Prince, mais quand j’ai entendu ce qui se passait ici, je suis revenue. J’ai appris à transformer les fruits pour envoyer les enfants à l’école, mais aussi au bénéfice de notre santé. »

La mobilisation de la communauté permet de retenir les jeunes, qui peuvent maintenant fréquenter l’école chez eux jusqu’en sixième année. Avec le temps, on cherche à s’assurer que la relève qui partira étudier à Port-au-Prince, par exemple, finira par revenir.

« S’il y avait une structure comme l’association des paysans dans les 570 localités communales, Haïti serait une société très avancée. Aujourd’hui, nous sommes une des communautés rurales les plus avancées de la région », estime Abner Septembre.

Avant la création de l’association des paysans, la communauté était enclavée. Son taux d’analphabétisme était élevé, comme le taux de mortalité des femmes enceintes qui mouraient parfois lors de l’accouchement. Les choses ont bien changé.

L’Association des paysans de Vallue est également membre du Réseau national des promoteurs du tourisme solidaire, qui fait la promotion du tourisme alternatif, solidaire et rural en Haïti.

Suivez mes aventures au www.jonathancusteau.com.

Le journaliste était l’invité du RENAPROTS, Zoom sur Haïti, Passion Terre et Air Canada.