Chronique|

Surf et écologie en Haïti

La maison d’hôte Haïti Surf, située à Cayes-Jacmel, est bâtie de bois et est traversée par un arbre énorme. On y fait du compost en plus de récupérer les matières recyclables.

CHRONIQUE / La route 41 longe la mer des Caraïbes, au sud d’Haïti. À la hauteur de Cayes-Jacmel, la minifourgonnette prend à gauche, sur un chemin cahoteux s’enfonçant dans la forêt et grimpant lentement la montagne.


Entre les arbres qui jettent de l’ombre partout, partout, en pleine forêt, les stands à loterie se multiplient. La loterie est populaire en Haïti! Mais la destination se trouve un peu plus haut, dans un chemin plus ou moins balisé. Les pancartes indiquant les directions ont semble-t-il été subtilisées.

Au bout de la route, si on a bien pris à droite à l’embranchement, se trouve l’hôtel Haïti Surf. En plus des petits bungalows, on y trouve un grand pavillon bâti de bois, autour d’un arbre immense. Dans la cuisine commune, les bacs de recyclage, de compost et de déchets se côtoient. Une histoire rare en Haïti.

En général, les Haïtiens coupent les arbres pour construire. Là, le concept vise à être le plus près possible de la nature.

Haïti Surf, c’est l’initiative de deux Français, Chris Dauba et Joan Mamique, qui ont choisi de s’établir là après avoir travaillé pour des ONG à travers le pays. L’argent gagné en terre haïtienne serait dépensé en Haïti. Et parce qu’ils adorent dompter les vagues, que la mer des Caraïbes semblait leur offrir des occasions encore inexplorées de mettre leurs planches à l’eau, ils ont pris le relais d’une école de surf, Surf Haïti, sur la plage Kabic, un peu plus bas.

Sur la plage Kabic, où les jeunes vont surfer, la dame au chapeau est un personnage très connu.

« Les Haïtiens aiment les trucs en béton, avec des petites fenêtres. Quand les premiers sont venus dans l’hôtel, ils ne voulaient pas rester. Ce qui est bien ici, c’est que vous pensez être tout seul parce que c’est la forêt, mais vous allez toujours croiser quelqu’un sur votre chemin. Et il y a une multitude de sentiers de randonnée dans la montagne », raconte Chris.

Cette maison d’hôte devait d’abord être une maison privée. Mais les demandes de location se sont multipliées. « Il n’y avait rien dans cette zone avant. Depuis qu’on a acheté, les terrains autour se vendent. Nous n’employons que des Haïtiens de la zone pour faire profiter les familles d’ici. Nous avons aussi revu notre échelle de prix à la baisse pour toucher tous les publics. »

Les déchets végétaux sont réutilisés dans le jardin. Les déchets ménagers sont brûlés alors que les bouteilles de plastique sont vendues à un récupérateur. Les bouteilles de vitre, elles, sont cassées et utilisées dans les fondations de la maison.

Chris et Joan souhaitaient s’établir près de la mer pour surfer. « Les gens ne viennent pas forcément en Haïti pour faire du surf. Ils ne savent pas qu’il a des vagues. Quand il y a de belles vagues, nous ne sommes pas nombreux sur l’eau. Tous ceux qui font du surf ici maintenant, c’est nous qui les avons formés. »

On compte donc aujourd’hui une trentaine de surfeurs de différents niveaux, âgés de 10 à 20 ans. « On a essayé d’introduire des filles, parce que ça amène une autre dimension à l’activité, mais les Haïtiennes ont un problème avec le soleil. Elles deviennent plus noires alors qu’elles voudraient être blanches. Elles restent donc plutôt à l’ombre. »
Mano, 26 ans, est moniteur depuis trois ans. Au départ, il surfait avec des bouts de bois. Mais quand il se rendait à la plage, c’était surtout pour jouer au soccer.

« Au début, ils ne comprenaient rien. On essayait de leur montrer la dimension de la relation avec la nature. Il faut parfois qu’on soit derrière pour leur dire de ne pas oublier de nettoyer la plage », dit Chris.

Avec son ami Joan, il a enseigné aux plus jeunes qui, en grandissant, peuvent à leur tour donner des cours. « Maintenant, ce sont eux qui gèrent leur propre association. Ce sont eux qui font la location des planches. »

Les touristes peuvent donc se pointer à l’improviste et s’initier au surf sans être intimidés par la hauteur des vagues. « Les jeunes leur donneront les bases. Il y a du travail à faire pour relever leur niveau, mais ce qu’ils font est déjà pas mal et ils sont vraiment cools avec les gens. »

Les deux Français se plaisent bien en Haïti. Du moins, Chris s’ennuie quand il reste dans son pays natal. « La France me manque pour revoir la famille, mais quand j’y vais, il me tarde de revenir. Je n’aime pas cette société de consommation. On t’empêche de profiter de ta vie parce que tout est tellement régulier. Ma vie ici est beaucoup plus simple, surtout du point de vue matériel. »

Suivez mes aventures au www.jonathancusteau.com.

Le journaliste était l’invité de Renaprots, Zoom sur Haïti, Passion Terre et Air Canada.