Heureux qui, comme Petula…

Environ 700 personnes ont profité hier soir à la salle Maurice-O’Bready des grands succès et des nouvelles chansons de Petula Clark.

Critique / Avec Petula Clark, on a presque hâte d’avoir 85 ans. La plus francophile des chanteuses britanniques est d’une vivacité à faire rêver, d’un charisme qui transcende les années, d’une puissance vocale à rendre jaloux nombre de consœurs et confrères. Heureux qui, comme Petula, garde le feu si bellement allumé. Un peu plus et on pourrait croire que c’est elle qui a inspiré l’adjectif « pétulant ».


Bien sûr que sa démarche laisse transparaître quelques muscles fatigués. Évidemment qu’il y a des approximations et que la souplesse vocale n’est plus ce qu’elle était. Mais le capital de talent, d’aisance et d’énergie qui reste à la belle Anglaise est amplement suffisant pour donner un grand plaisir à son public.

Et vous devriez la voir éloigner le micro lorsqu’elle décide de pousser une note…

Il y avait, en outre, une atmosphère particulière à cette tournée suivant un album entièrement réalisé au Québec. Vu d’ici, paru le mois dernier, a été notamment signé par des « jeunots » comme Louis-Jean Cormier, Antoine Gratton, Alexandre Poulin, Kevin Bazinet…

De ce nouveau répertoire entièrement neuf, de cette indirecte déclaration d’amour au public québécois, Petula a retenu six chansons intercalées dans ses succès des 50 dernières années, dont plusieurs qui ont vraiment fait mouche, telle Je reviens de loin.

Cet amour pour ces fidèles admirateurs (ils étaient quand même 700 à la salle Maurice-O’Bready mardi soir), il est directement exprimé dans la dernière chanson du spectacle, Jamais adieu (de Nelson Minville), seul rappel de cette soirée de presque deux heures avec entracte (n’oublions pas que les chansons étaient beaucoup plus courtes à l’époque).

« Je vous dis au revoir et un grand merci pour toutes ces années ensemble », a salué Petula avant de regagner les coulisses sous les acclamations.

Oh yep! yep! yep!

Le spectacle avait commencé dans une vague de bonheur similaire, la chanteuse mimant la surprise devant tant d’affection. Elle aura une autre ovation au cours de son tour de chant, lorsqu’elle interprètera, avec un touchant aplomb, la Chanson d’Evita, en version française.

Mais ce sont évidemment les années 1960 qui ont tenu le haut du pavé, les années yé-yé subissant une judicieuse actualisation sans pour autant perdre tout de leur cachet. Entre les « Oh yep! yep! yep! » de Je me sens bien auprès de toi et la belle folie de Tout le monde veut aller au ciel, il y a eu bien des souvenirs (souvent en pots-pourris), de My Love à Que fais-tu là, Petula?, de Chariot (qui a donné I Will Follow Him aux États-Unis) à I Know a Place, sans oublier de grands classiques comme C’est ma chanson et Downtown, cette dernière chantée dans les deux langues.

Les nouvelles chansons se sont bellement insérées dans l’ensemble, plusieurs ayant une facture typiquement années 1960, sans pour autant être ringardes. Sourire, par exemple, aurait pu être écrite par les Beatles.

Si l’adulation pour Petula Clark tient beaucoup, ici, à son français impeccable (elle a eu des numéros 1 exclusifs au Canada, telle Sauve-moi, chantée au retour de l’entracte), elle s’appuie aussi sur son humour typiquement britannique, par exemple lorsqu’elle raconte sa rivalité avec Sophia Loren ou le jour où Serge Gainsbourg a renversé une bière dans son piano. Des blagues qui n’ont fait qu’accroître la complicité avec la salle au fil de la soirée.

Mais de beaux moments d’intensité étaient aussi au rendez-vous, telle l’interprétation de Cette nuit qui n’en finit plus, livrée dans un douloureux déchirement, ou Pour être aimée de toi, dont Petula a composé la musique sur un texte d’Aznavour (en 2011) et qu’elle a offerte seule au piano.

Se mettre en danger, essayer des choses nouvelles, cultiver les amitiés, s’émerveiller sans cesse : est-ce ça, le secret de la jeunesse, Madame Clark?