Chronique|

Haïti, d’amour et de racines

Né à Sherbrooke, Nicolas Demers-Labrousse embrasse pleinement ses racines haïtiennes. En plus d’œuvrer au sein d’Avocats sans frontières, il s’implique dans le développement du tourisme en Haïti.

CHRONIQUE / Ses racines haïtiennes n’ont pas tardé à reconnaître la terre de son héritage paternel. À Port-au-Prince, Nicolas Demers-Labrousse se sent à la maison. Il s’est enraciné. Il embrasse la langue et la musique créoles sans renier son attachement pour le Québec, où il a grandi. Ayiti, c’est son pays et sa fierté.


La coïncidence. Né d’un père haïtien et d’une mère québécoise, il a grandi à Sherbrooke. Par amour pour son Ayiti chérie, il représente l’agence Zoom sur Haïti pour accompagner les touristes, dont moi, qui s’aventurent dans le pays.

Les oreilles m’ont frisé. Sherbrooke. « Je connais un Labrousse à Sherbrooke », que je dis. « C’est mon père », qu’il répond. On se connaissait presque déjà.

D’un trait, Nicolas peut expliquer la cuisine locale, enseigner quelques mots de créole, ou raconter comment batteries et génératrices permettent de contrecarrer les fréquentes coupures d’électricité.

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Fort d’un bac et d’une maîtrise en relations internationales, le jeune homme de 33 ans bosse pour Avocats sans frontières à Port-au-Prince. Il a parcouru de fond en comble le pays que son père, président de la faculté de médecine d’Haïti, a dû quitter pendant le régime des Duvalier.

« À Sherbrooke, la communauté haïtienne est tissée serrée. Il y avait des rassemblements fréquents pour Noël, les anniversaires, ou pour des matchs de soccer. Dès qu’on savait qu’un Haïtien arrivait à Sherbrooke, on l’intégrait », raconte Nicolas.

Petit, il volait vers les Antilles pour visiter des membres de la famille. Plus grand, il y retournait par lui-même. « Ici, je me sentais bien. J’ai découvert des coins cachés dans l’arrière-pays. En découvrant les provinces, je voyais une culture bien différente de celle de Port-au-Prince. J’ai découvert des possibilités de randonnée, des rivières... Haïti, c’est la chaleur de vivre, la fraternité et un style d’humour bien particulier. Quand je suis au Québec, l’impact que je peux avoir n’est jamais aussi grand que quand je suis en Haïti. »

C’est à Port-au-Prince que Nicolas Demers-Labrousse a élu domicile depuis deux ans.

Nicolas Demers-Labrousse s’est éveillé à la richesse de sa culture dès le secondaire. « C’est devenu cool d’être Haïtien. Il y avait les Fugees, Wyclef Jean... Les filles me demandaient de traduire les chansons qui étaient en créole... »

Son père, Henri Labrousse, organisait justement des cours de créole à la maison. Il faisait aussi partie du Groupe de réflexion et d’analyse pour une Haïti nouvelle, pour que la diaspora s’implique pour la perle des Antilles.

Au moment du tremblement de terre en 2010, Nicolas a organisé un tournoi de soccer pour soutenir les actions en Haïti, particulièrement le camp de réfugiés mis sur pied par une de ses tantes. Là, on venait en aide à 600 personnes. On y a même célébré 12 naissances.

Le jeune Sherbrookois, toujours prêt à partager son amour pour son Haïti, n’a pas hésité à sauter dans l’aventure de Zoom sur Haïti et de Passion Terre, qui ont concocté à ce jour deux circuits pour découvrir le pays. Le premier passe au sud, vers Jacmel et les montagnes de Vallue. Le second, au nord, explore Cap-Haïtien et Labadie. « Le tourisme solidaire, selon moi, peut aider Haïti. Ce que je vois à la télévision, ce n’est pas mon pays. Ce n’est pas ma vision. Si on met les projecteurs seulement sur Port-au-Prince, on oublie que le pays a aussi sa beauté. »

Nicolas Demers-Labrousse a donc travaillé pour créer ces parcours écotouristiques qui conduiraient les visiteurs dans les endroits cachés, pour découvrir ces secrets trop bien gardés. « Ma force, c’est le terrain. Nous voulons former des agents récepteurs qui accueilleront les gens voulant aller en province. Le concept, c’est que les intervenants des endroits visités aient une belle relation avec la population locale et respectent la culture haïtienne. Peu importe la densité du tourisme, les retombées sont tellement énormes qu’on ne peut pas s’en passer. »

Selon lui, l’écotourisme pourrait redonner une fierté au peuple haïtien. Ce côté « éco », d’ailleurs, se traduit par un partenariat encore très jeune avec une organisation de Cité Soleil, qui récupère le plastique et qui le vend pour qu’il soit transformé en semelles de chaussures. « Quand on comprendra que plus notre pays est propre, plus il est beau, nous pourrons aller chercher ce petit plus pour nous aider à sortir de la pauvreté. »

Le jeune expatrié lance d’ailleurs un message à la diaspora haïtienne, qu’il souhaiterait voir revenir en Haïti pour constater les changements survenus dans leur pays.

« Quand tu reviens en Haïti, que c’est toi qui conduis pour la première fois pour aller quelque part, que tu vis chez l’habitant, il y a un déclic cent fois plus grand qui se fait. Tu as une autre vision complètement. Ces racines auxquelles tu étais attaché se concrétisent encore plus et il y a de nouvelles choses que tu comprends. C’est pour ça que j’encourage grandement les Haïtiens de deuxième génération, de la diaspora, qui ne sont jamais venus, à venir voir ce que c’est le vrai pays.

« Quand j’ai développé ces tours-là et que j’ai ramené mes parents en Haïti, ils ont dit ‘‘wow, on n’a jamais vu Haïti comme ça’’. Mon père est retombé amoureux de son pays. Ça, c’était un beau moment dans ma vie. »

Nomade de nature, Nicolas Demers-Labrousse se voit bien vivre à l’étranger pour rapporter des idées vers Haïti. « Je me verrais passer un an ou deux au Costa Rica, pour voir ce qui pourrait s’appliquer ici en matière de développement durable. Je me verrais aller passer un an en Côte d’Ivoire pour voir comment ils ont conçu l’étalement urbain. »

Mais revenir, ce sera toujours dans les plans.

Suivez mes aventures au www.jonathancusteau.com.

Le journaliste était l’invité de Renaprots, Zoom sur Haïti Passion Terre et Air Canada.