Chronique|

L'Inde d'Udaipur

Au Bagore-ki-Haveli, en plus d’un spectacle de marionnettes, on peut assister à des danses traditionnelles.

CHRONIQUE / À Udaipur, dans le sud du Rajasthan, en Inde, le chauffeur de taxi tourne en rond. La nuit déjà tombée enveloppe les rues où les piétons sont toujours nombreux. L’écho renvoie une musique comme les battements d’un cœur aux pulsations de course. Le prince vient de se marier.


Si toutes les ruelles se ressemblent dans une ville où on vient d’arriver, je comprends bien quand même que nous sommes perdus. Mon chauffeur ne trouve pas l’auberge et finit par se résoudre à téléphoner. L’établissement, Mewargarh Palace, situé tout en haut d’une colline, dans les enchevêtrements de rues étroites, ne peut être atteint en voiture. Ceci explique cela.

Dans l’obscurité, à franchir à pied les derniers mètres jusqu’à la porte d’entrée, je n’avais porté que très peu d’attention à l’environnement qui m’entourait, si ce n’est que de la salle à manger de l’auberge, aménagée dans la cour intérieure, la vue sur l’autre versant de la colline était très jolie avec ses milliers de lumières minuscules.

La nuit s’est poursuivie, bruyante, en étirant les célébrations de mariage jusqu’à l’aube. La basse, les chants stridents se faufilaient dans les chambres par les ouvertures au-dessus des portes, à défaut de fenêtres. Les chiens aboyaient en réponse aux mélodies ininterrompues.

Au petit matin, en mettant le pied dehors, je me sentais comme au cœur d’une médina, sans les marchands et les guides cherchant à soutirer l’argent des touristes. J’avais l’impression de sortir de chez l’habitant dans une ruelle pleine de vie.

Là, une motocyclette est stationnée près d’un muret pendant que sèchent des vêtements abandonnés au soleil. Des déchets jonchent le sol sous des fils électriques qui pendent, bien emmêlés dans un branchement douteux. Sur un balcon, un homme discute avec un autre, en bas, dans la rue. Et un enfant, pieds nus, court pour que s’envole son cerf-volant.

Dans une ruelle d’Udaipur, en Inde, un enfant s’amuse avec un cerf-volant.

Le photographe amateur en moi n’a pas pris le temps de cadrer, d’ajuster la lumière. Il a pointé l’objectif et a croqué la scène en espérant qu’elle traduise bien l’atmosphère d’Udaipur. Parce que cette ville n’a rien de la frénésie de Jaipur ou de Jodhpur, ou encore du caractère très touristique et désertique à la fois de Jaisalmer. Dans cette photo, il y a toute l’essence de l’Inde.

J’ignore si on peut attribuer ce cachet bien unique au prince et à son palais, ou à la présence du lac Pichola, particulièrement paisible.

Là, à travers les bâtiments empilés les uns sur les autres, des temples imposants surgissent au coin des rues. Les boutiques en façade exposent des ustensiles de cuisine, des épices aussi, alors qu’un marché de paniers et de légumes prend forme quand les vendeurs s’agglutinent à même le bitume, dans un espace dégagé. Il y a le va-et-vient. Et les piles de légumes qui donnent faim.

Le lac, bien sûr, mérite une promenade en bateau, ne serait-ce que pour apercevoir le palais, fermé en raison du mariage lors de mon passage, d’un point de vue non obstrué. Par bon temps, on apercevra le palais de la Mousson, perché sur une montagne à l’horizon. Et sur les rives, les hommes font leur toilette nonchalamment en se savonnant à même le lac. Ceux-là bénéficient certainement d’une eau moins polluée que celle du Gange, à Varanasi par exemple, où ils sont encore nombreux à faire une baignade matinale, savon et brosse à dents en main.

Le palais de la Mousson, à une dizaine de kilomètres par la route, constitue un excellent belvédère pour observer le coucher du soleil sur la ville. On réalise tout à coup qu’Udaipur est entourée de nature. L’entretien du palais, ancien observatoire d’astronomie, a été négligé, mais les touristes continuent de s’y rendre et de profiter de la vue imprenable.

Si je fuis les endroits bondés par les touristes, en soirée, j’ai tout de même été impressionné par le spectacle de danse traditionnelle et de marionnettes au Bagore-ki-Haveli. Bien sûr que je n’ai rien compris au dialogue des pantins avec un enfant du public, mais une femme dansant avec une pyramide de huit pots sur la tête m’a laissé sans voix.

Les spectacles traditionnels nous réservent parfois des surprises décevantes. Les danseurs désabusés de répéter les mêmes chorégraphies mettent à l’occasion la pédale douce, tellement douce que leur désenchantement est contagieux. Pas à Udaipur, où des musiciens s’exécutent en même temps que les danseurs, dans un décor soigné.

Udaipur m’a plu plus que les autres grandes villes du Rajasthan. Seulement, mieux vaut se promener en groupe une fois le soleil disparu. Un homme assurément intoxiqué m’a agrippé par un bras alors que nous marchions vers l’hôtel. Insistant pour que je lui rembourse une dette que je n’avais jamais contractée, il s’est montré insistant. Heureusement que j’ai su m’en dégager sans conséquence en le laissant piailler tout seul dans notre sillage.

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