Tantôt, des marchands établis en amont ou en aval de petits villages ont dressé des tables et des étalages de fruits frais. Les chapelets de dattes ou de piments pendent aussi en attendant qu’un voyageur s’arrête. Tantôt, un feu crépite dans la poussière du bord de route, un mouton attaché à proximité. Tout est prêt pour des grillades fraîches.
À moins de 200 km de la capitale, la ville de Kairouan peut passer en quelques clignements des yeux si on ne porte pas une attention particulière. Ses mosquées, inscrites au patrimoine mondial de l’UNESCO, constituent pourtant une pause très intéressante.
Ce n’est pas tous les jours qu’on s’arrête dans une ville fondée au 7e siècle qui, de surcroît, a constitué la première ville sainte du Maghreb.
On y trouve les bassins des Aghlabides, deux immenses réservoirs à ciel ouvert construits au 9e siècle et reliés entre eux.
Surtout, la Grande Mosquée, relativement déserte lors de mon passage, remplit complètement le regard. Avec ses quelque 520 colonnes, sa vaste cour centrale et son cadran solaire, perdu au milieu de toute cette étendue sacrée, il y a de quoi s’attarder. Le cadran solaire sert à connaître l’heure des prières.
Un peu plus loin, sur une place plus achalandée, au cœur du trafic de la grande route, Zawiya de Sidi Sahib s’élève. Il s’agit du mausolée du compagnon de Mahomet, Abou Zama el-Balawi. On raconte qu’il y reposerait avec trois poils de barbe du prophète.
Ce mausolée jouxte une autre mosquée ornée de complexes motifs en céramique. En traversant le hall et une grande cour centrale, on peut s’approcher de la pièce où se trouve la sépulture, mais il est impossible d’y entrer.
On dit de Kairouan qu’il s’agit de la ville des 300 mosquées. Il est donc possible d’y passer plusieurs heures si la religion nous fascine. Sinon, on peut toujours se laisser entraîner dans un magasin de tapis, où on nous expliquera comment ceux-ci sont confectionnés. Mais il faudra savoir négocier ou résister si on tombe sous le charme.
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Si on préfère le soleil qui nous tape sur la tête et qui nous fait plisser les yeux, en arrivant à Tozeur, on prend la direction du Chott el-Jérid. Le chott, c’est la plus grande plaine saline de Tunisie. C’est comme une mer sans eau, quoiqu’il y a parfois quelques flaques ici et là, avec le reflet du soleil qui nous laisse croire que des caravanes de chameaux peuvent apparaître à tout moment.
C’est un paysage lunaire, avec des piles de sel çà et là, des montagnes tout au fond d’un horizon qui se fond avec le ciel et l’infini de la plaine.
Ce jour-là, le chott, c’était le bout du monde. Nous nous sommes arrêtés le long de la route, près de stands à souvenirs placardés, plus abandonnés que jamais. À quatre ou cinq grandes enjambées, des cabinets de toilette turquoise dans un état qui n’inspire pas confiance. On aurait cru un village abandonné dans un film western.
Et de l’autre côté de la route, dans l’immensité, un monticule de terre est surmonté d’un drapeau tunisien que le vent fait danser. En bas, un bédouin de papier mâché a abandonné les efforts pour faire avancer son chameau, tout aussi construit de papier mâché.
Plus loin, abandonnée là, une statue d’un conquérant à cheval qui écrase une gargouille menaçante ajoute une touche d’absurde.
À tout le moins, c’est génial pour les photos.
Enfin, les plus gourmands, s’ils sont un tantinet curieux, visiteront le musée de la datte, appelé Eden Palm, les trésors de l’Oasis, au cœur de la palmeraie de Tozeur.
Je l’avoue, dit comme ça, un musée de la datte, ça paraît banal. Quand on y met les pieds, les salles modestes, un tantinet défraîchies, donnent la même impression.
Pourtant, avec un bon guide, on peut en apprendre des tonnes et des tonnes. Par exemple, on vous dira que le palmier dattier est une herbe géante et que ses racines peuvent atteindre la nappe phréatique jusqu’à 120 mètres de profondeur.
On nous dit aussi que son pollen a la même forme qu’un spermatozoïde, que son bois est inattaquable par les termites, et qu’un palmier dattier met neuf mois à produire des fruits.
Au musée, on produit des miels de datte qui, semble-t-il, sont reconnus pour leurs vertus thérapeutiques. Les ulcères, l’anémie, les douleurs de l’accouchement... la datte y est vénérée.
Et si on visite la Tunisie en automne, on peut assister à la cueillette, faite à la main par des cueilleurs qui grimpent pieds nus.
Visiter la Tunisie sans goûter ses dattes serait de toute façon un tantinet sacrilège.
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Le journaliste était l’invité de l’Office national du tourisme tunisien et de Tunisair.