Chronique|

Un monstre et des soupes ramen

Le Kawaii Monster Cafe de Tokyo est un restaurant complètement déjanté où le bruit et le couleur sont abondants. Des spectacles y sont aussi présentés sur un immense gâteau qui sert d’élément central dans le décor.

CHRONIQUE / Un des plaisirs de voyager, c’est de goûter. Goûter à la mesure de ses capacités, selon qu’on se sent aventureux ou pas. Mais goûter quand même les spécialités locales, les recettes maison, les délices mitonnés directement dans la rue ou dans un restaurant qui n’arbore pas le nom d’une chaîne qu’on connaît.


Bien sûr, un peu partout en Asie, on trouvera ces cuisines de fortune à tous les coins de rue. On pourra s’asseoir sur des tabourets de plastique et manger dans la rue, souvent directement sous le soleil.

On peut penser aux petits villages, où le menu décliné à l’oral seulement n’est composé que de deux ou trois plats différents. Parfois, ce sera le poisson du jour et rien d’autre. Ou encore, il y a ce restaurant où une brebis apeurée tourne en rond tout près des convives attablés. Y’a pas à dire, là, la viande est fraîche.

Mais de tous les endroits, ce sont les restaurants du Japon qui ont suscité ma plus grande surprise, pour leur originalité et leur efficacité. On ne s’attend pas toujours à l’ingéniosité qui nous attend dans une capitale comme Tokyo.

D’abord, dans une majorité d’établissements, les repas seront exposés en vitrine. Les assiettes, dressées avec des aliments de plastique, donnent un aperçu de ce qu’on pourra manger. Pratique si le seul moyen de communiquer consiste à pointer.

Ensuite, en plusieurs endroits, on utilisera une machine distributrice pour commander. On paie à l’avance. On appuie sur les boutons des assiettes désirées et on échange les coupons imprimés par la distributrice contre notre repas, souvent prêt en moins de cinq minutes.

C’était le cas au restaurant Ichiran Shimbashi, bien dissimulé au premier sous-sol d’un édifice commercial. L’enseigne rouge, couverte de symboles japonais, ne permettait pas aux néophytes de déterminer de quel type de commerce il s’agissait. Seulement, la file d’attente perpétuelle laissait croire que l’endroit était particulièrement populaire.

Là, on sert des soupes ramen. C’est LE plat principal. On choisit la texture du bouillon, la quantité d’ail à ajouter, la quantité d’épices aussi, et on remet son bulletin de commande en même temps que les coupons obtenus à la distributrice.

À l’intérieur, une quinzaine de sièges devant autant d’isoloirs sont disposés le long d’un comptoir en U. Chaque place est séparée par des murets. On s’assoit et, devant nous, une petite fenêtre à la hauteur du comptoir donne sur la cuisine. On dépose nos coupons, un serveur dont on n’aperçoit pas le visage revient avec un bol. Il tire ensuite un rideau de bambou devant la petite fenêtre. Ça y’est, on peut manger en toute « intimité ».

Chaque compartiment est doté d’un robinet pour que nous puissions nous servir nous-mêmes en eau. Un bouton, devant nous, permet de commander de nouveau si la faim nous tenaille encore à la fin du repas. Il suffit de presser.

Partout autour, des gens mangent avec eux-mêmes, qui engouffrant le bouillon et les nouilles le plus rapidement possible, qui en scrutant l’écran de leur téléphone.

Une fois le repas terminé, il suffit de se lever et de partir. Un détecteur de mouvement, situé sous le siège, signale notre départ. Le rideau de bambou s’ouvre, l’isoloir est nettoyé, et le prochain client prend place.

Le Kawaii Monster Cafe, ouvert dans un centre commercial d’Harajuku en 2015, attire apparemment les touristes. On y mange... dans le ventre d’un monstre. Lors de mon passage, les tables vides étaient toutefois nombreuses. Ce restaurant au décor tout à fait éclaté, conçu par Sebastiam Masuda, présente des spectacles tout aussi disjonctés et vise à créer une ambiance qui rappellerait Broadway. Le client est forcé d’y commander au moins une boisson et un plat.

Si la famille est bienvenue en journée, il s’agit plutôt d’un cabaret burlesque en soirée. Les plats, trempés dans le colorant, ne s’adressent pas aux fins palais. Un énorme gâteau agit comme pièce centrale du décor. La salle à manger est pour sa part divisée en quatre thèmes. On y verra des luminaires en forme de biberons, des champignons géants et des plantes qu’on croirait sorties d’un jeu de Mario Bros.

Étrange à souhait

Dans Akihabara, le quartier des boutiques d’électronique, c’est un restaurant au thème du populaire groupe pop AKB 48 qu’on trouve près de la station de métro. AKB 48 compte 48 chanteuses très populaires.

On y mange devant un écran géant diffusant des vidéoclips de la formation musicale. En commandant le plat du jour, on peut même choisir la prochaine vidéo qui sera projetée. Dans le menu, quelques-unes des vedettes suggèrent le repas qu’elles préfèrent. Et oui, Mesdames et Messieurs, elles auront autographié les algues séchées qu’on trouve dans la soupe.

Parmi les autres restaurants à thème à Tokyo, choisissez entre être servi par des ninjas, manger dans une cellule de prison ou un établissement inspiré des hôpitaux, où vos boissons vous seront servies dans une seringue.
Bon appétit.

Suivez mes aventures au
www.jonathancusteau.com.

Le journaliste était l’invité
du Foreign Press Center Japan.